Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 2011 et 31 janvier 2012, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1107467/3-3 du 15 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du PREFET DE POLICE du 23 décembre 2010 refusant d'admettre M. au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
2°) de rejeter la requête de M. tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2010 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :
- le rapport de Mme Macaud, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Boudjellal, pour M. ;
Considérant que, par un arrêté du 23 décembre 2010, le PREFET DE POLICE a refusé l'admission au séjour sollicitée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par M. , ressortissant égyptien, et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté par jugement du 15 novembre 2011, dont le PREFET DE POLICE relève appel ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 775-10 du code de justice administrative, relatif au contentieux des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français et applicable en l'espèce : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification du jugement lui a été faite " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 novembre 2011 a été notifié au PREFET DE POLICE le 16 novembre 2011 ; que le délai d'appel d'un mois prévu par les dispositions précitées, qui est un délai franc, expirait le 17 décembre 2011 ; que ce jour étant un samedi, le délai a été prolongé jusqu'au premier jour ouvrable suivant cette date ; que, par suite, la requête du PREFET DE POLICE, reçue par télécopie le 19 décembre et dont l'original a été enregistré au greffe de la Cour le 21 décembre suivant, n'était pas tardive ; que la fin de non-recevoir opposée par M. et tirée de la tardiveté de cette requête ne peut dès lors qu'être écartée ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui " ;
Considérant que, pour annuler l'arrêté du PREFET DE POLICE du 23 décembre 2010, les premiers juges ont estimé que M. résidait en France depuis 1997, que son épouse de même nationalité y résidait également depuis l'année 2003, que le couple a quatre enfants scolarisés, dont le premier est né en Egypte en 2000 et les autres en France en 2003, 2005 et 2008, que les époux étaient intégrés dans la société française et que, par conséquent, l'arrêté du 23 décembre 2010 portait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que si M. , ressortissant égyptien né en 1972, soutient être entré en France, pour la première fois, en 1993, il est constant qu'il s'est maintenu sur le territoire en situation irrégulière malgré des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, notamment en 2003, 2006, 2009 et 2010, et des mesures d'éloignement, notamment une obligation de quitter le territoire français qui a été exécutée en janvier 2007, et d'interdiction du territoire français ; que si l'intéressé vit avec son épouse et leur quatre enfants, dont trois sont nés en France, il est constant que son épouse, de nationalité égyptienne, est en situation irrégulière sur le territoire français, aucune circonstance particulière ne faisant en outre obstacle à ce que M. reconstitue sa cellule familiale dans son pays d'origine, où ses enfants, âgés de 10, 7, 5 et 2 ans à la date de la décision, pourront suivre une scolarité normale ; qu'il est en outre constant que M. a conservé des attaches familiales en Egypte où ses parents résident ; que, par suite, et eu égard notamment aux conditions de séjour de l'intéressé et au jeune âge de ses enfants, l'arrêté en litige n'a pas porté aux droits de M. au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a ainsi pas méconnu les stipulations sus-rappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'atteinte disproportionnée portée au droit de M. au respect de sa vie privée et familiale pour annuler l'arrêté du 23 décembre 2010 du PREFET DE POLICE ;
Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle ;
Sur la légalité de l'arrêté du 23 décembre 2010 :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté vise les textes applicables à la situation de M. , en particulier la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et énonce de manière suffisamment précise et circonstanciée les considérations de fait qui constituent le fondement de la décision ; que la circonstance que l'arrêté ne vise pas expressément l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et ne mentionne pas les années pour lesquelles le PREFET DE POLICE n'a pas regardé comme établie la résidence habituelle en France ne suffit pas pour faire regarder l'arrêté comme étant insuffisamment motivé ; que ce moyen doit dès lors être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ; que si M. soutient qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de sa demande d'admission au séjour, il est constant qu'il a quitté le pays en janvier 2007 pour rejoindre Lisbonne en exécution de l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre ; que s'il est revenu en France, son séjour hors du territoire national, quelle qu'en soit la durée, est de nature, par sa cause même, à retirer à cette résidence son caractère habituel ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ; que le moyen tiré du vice de procédure doit, dès lors, être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. soutient être présent sur le territoire depuis plus de 10 ans, et y vivre avec son épouse et ses quatre enfants, qui sont scolarisés et intégrés dans la société française, ces circonstances ne sont pas constitutives de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi le PREFET DE POLICE, qui a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressé, n'a commis ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que s'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que les enfants de M. repartent avec lui et son épouse dans leur pays d'origine où leur scolarité pourra être poursuivie ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de M. en refusant d'admettre l'intéressé au séjour ; que ce moyen ne peut, par suite, qu'être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, que si M. soutient qu'il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il est entré en France en 1997 et justifie être présent sur le territoire depuis plus de 10 ans, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'intéressé ne peut, en tout état de cause, se prévaloir d'une présence de plus de dix ans en France ; que, dans ces conditions, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 23 décembre 2010 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter la demande présentée par M. devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que les conclusions présentées devant la Cour tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 novembre 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
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N° 10PA03855
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N° 11PA05267