Vu la requête, enregistrée le 27 février 2012, présentée pour M. Carmen A, demeurant ..., par Me Ouelhadj ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105505/5-1 du 27 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 28 février 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour mention " CE toutes activités professionnelles ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement valant renonciation à l'indemnité d'aide juridictionnelle ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, du 19 janvier 2012, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le traité sur l'Union européenne ;
Vu le traité signé le 25 avril 2005, relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, notamment l'annexe VII du protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, ensemble la loi n° 2006-1254 du 13 octobre 2006 en autorisant la ratification ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :
- le rapport de Mme Macaud, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Ouelhadj, pour M. A ;
Considérant que M. A, ressortissant roumain, a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en invoquant l'exercice d'une activité professionnelle, ayant créé, le 1er mai 2010, une entreprise pour l'enseignement de disciplines sportives et d'activités de loisirs ; que, par un arrêté du 28 février 2011, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que M. A relève régulièrement appel du jugement du 27 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation du refus de titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France " ; qu'aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les ressortissants visés à l'article L. 121-1 qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle se font enregistrer auprès du maire de leur commune de résidence dans les trois mois suivant leur arrivée. Les ressortissants qui n'ont pas respecté cette obligation d'enregistrement sont réputés résider en France depuis moins de trois mois. / Ils ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour. S'ils en font la demande, il leur est délivré un titre de séjour. / Toutefois, demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les citoyens de l'Union européenne qui souhaitent exercer en France une activité professionnelle." ; qu'aux termes de l'article R. 121-16 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sans préjudice des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 121-2, les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne soumis à des mesures transitoires par leur traité d'adhésion qui souhaitent exercer une activité professionnelle en France sont tenus de solliciter la délivrance d'une carte de séjour ainsi que l'autorisation de travail prévue à l'article L. 341-2 du code du travail pour l'exercice d'une activité salariée. (...). La carte de séjour des ressortissants mentionnés au premier alinéa est délivrée dans les conditions et pour la durée prévues à l'article R. 121-10. Elle porte selon les cas la mention " CE - toutes activités professionnelles " ou " CE - toutes activités professionnelles, sauf salariées " (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 121-10 : " Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 qui ont établi leur résidence habituelle en France depuis moins de cinq ans bénéficient à leur demande d'un titre de séjour portant la mention : " CE - toutes activités professionnelles ". La reconnaissance de leur droit de séjour n'est pas subordonnée à la détention de ce titre. / Ce titre est d'une durée de validité équivalente à celle du contrat de travail souscrit ou, pour les travailleurs non salariés, à la durée de l'activité professionnelle prévue. Sa durée de validité ne peut excéder cinq ans. / Sa délivrance est subordonnée à la production par le demandeur des justificatifs suivants : 1° Un titre d'identité ou un passeport en cours de validité ; 2° Une déclaration d'engagement ou d'emploi établie par l'employeur, une attestation d'emploi ou une preuve attestant d'une activité non salariée " ;
Considérant qu'aux termes de l'article 20 du protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne : " Les mesures énumérées aux annexes VII du présent protocole sont applicables à la Roumanie dans les conditions définies dans lesdites annexes " et qu'aux termes du 2 du 1 " Libre circulation des personnes " de l'annexe VII : " Par dérogation aux articles 1er à 6 du règlement CEE n° 1612/68 et jusqu'à la fin de la période de deux ans suivant la date d'adhésion, les Etats membres actuels appliqueront les mesures nationales, ou des mesures résultant d'accords bilatéraux, qui réglementent l'accès des ressortissants roumains à leur marché du travail. Les Etats membres actuels peuvent continuer à appliquer ces mesures jusqu'à la fin de la période de cinq ans suivant la date d'adhésion (...) " ; que le règlement n° 1612 /68 auquel il est ainsi dérogé ne porte que sur les travailleurs salariés, les dispositions transitoires du traité d'adhésion de la Roumanie ne comportant aucune dérogation au droit d'établissement des non salariés ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que la délivrance, pendant la période transitoire visée ci-dessus et prévue au 2 du 1 de l'annexe VII du protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Roumanie à l'Union européenne, d'un titre de séjour à un citoyen roumain pour l'exercice d'une activité non salariée en France n'est subordonnée qu'à la production par l'intéressé d'un titre d'identité, ou d'un passeport en cours de validité, et d'une preuve attestant d'une activité non salariée, comme le prévoit l'article R. 121-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel renvoie l'article R. 121-16 du même code ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en invoquant l'exercice d'une activité d'auto-entrepreneur, ayant créé, le 1er mai 2010, une entreprise d'entraîneur sportif ; qu'il est constant qu'il a produit, à l'appui de sa demande, son passeport en cours de validité ainsi qu'un récépissé de déclaration, auprès de la direction régionale et départementale de la jeunesse et des sports de Paris-Ile-de-France, d'exploitation d'un établissement d'activités physiques et sportives, un certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements à la date du 25 mai 2010, une déclaration de début d'activité en tant qu'" auto-entrepreneur personne physique ", déposée le 5 mai 2010, ainsi que plusieurs déclarations trimestrielles de recettes à l'URSSAF ; que, dans ces conditions, et dès lors qu'il est constant que M. A ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il est fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions posées à l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obtention d'un titre de séjour et que le préfet de police a commis une erreur de droit en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité au motif qu'il ne disposait pas de ressources suffisantes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
Considérant que le motif d'annulation, qui n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour mention " CE - toutes activités professionnelles ", implique en revanche nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de police, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, de délivrer à M. A une carte de séjour mention " CE - toutes activités professionnelles, sauf salariées " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que le requérant a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ouelhadj renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 octobre 2011, ensemble l'arrêté du préfet de police du 28 février 2011 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, une carte de séjour mention " CE - toutes activités professionnelles, sauf salariées " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me Ouelhadj, conseil de M. A, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
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N° 10PA03855
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N° 12PA00972