Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2011, présentée par le PREFET DE POLICE qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1018964/3-1 en date du 17 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 septembre 2010 par lequel il a refusé de délivrer à Mme Mariam Bamba épouse A un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", a fait obligation à celle-ci de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée, et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de trois mois ;
2°) de rejeter la demande présentée le 2 novembre 2010 par Mme Bamba épouse A devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;
Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2012 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;
Considérant que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement en date du 17 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accueilli la demande de Mme Bamba épouse A, de nationalité ivoirienne, née le 2 juillet 1967, tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2010 rejetant sa demande de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français, et fixant le pays de destination de son éloignement ;
Sur le requête du PREFET DE POLICE :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
Considérant que le PREFET DE POLICE a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme Bamba épouse A aux motifs d'une part, que l'intéressée a déclaré être séparée de son époux et qu'elle ne peut attester de l'intensité d'une vie privée et familiale établie en France, et d'autre part, que sa situation ne peut constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité ;
Considérant que Mme Bamba épouse A expose être entrée en France le 16 février 2002, y avoir d'abord séjourné jusqu'en 2004 pour raisons de santé, avant d'être munie, entre le 3 octobre 2007 et le 3 août 2010, d'autorisations provisoires de séjour en tant qu'accompagnant de son conjoint malade, dont elle a décidé de se séparer après avoir subi des violences conjugales ; qu'elle est parfaitement intégrée en France, qu'elle en maitrise la langue et y travaille en qualité de garde d'enfants à domicile ;
Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée n'établit pas le caractère continue habituel de sa résidence sur le territoire français, notamment durant les années 2004 à 2007 ; qu'en outre, alors qu'elle est séparée de son époux et sans charge de famille, elle n'établit pas être dépourvue de tout lien familial dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans et où réside toujours sa mère ;
Considérant que si le PREFET DE POLICE ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, opposer à l'intéressée le seul motif tiré de sa séparation avec son époux pour rejeter sa demande sur le fondement des dispositions précitées, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs ci-dessus énoncés tirés de la situation de Mme Bamba épouse A, qui font application des mêmes dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé pour prononcer l'annulation de l'arrêté en litige, sur la circonstance qu'il était notamment motivé par la rupture de la communauté de vie, sans en examiner l'ensemble de la motivation ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Bamba épouse A, devant le Tribunal et la Cour ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que, si Mme A soutient que la motivation de l'arrêté en date du 29 septembre 2010 est stéréotypée, notamment en ce qui concerne la description de sa situation personnelle, il ressort de l'examen de cet arrêté qu'il énonce de façon suffisamment précise et circonstanciée les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. " ; que, si Mme A soutient qu'à la date à laquelle le PREFET DE POLICE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, elle résidait habituellement sur le territoire français depuis le 16 février 2002, date à laquelle elle était entrée régulièrement en France accompagnée de son époux, elle ne produit pas au dossier de documents, pour la période antérieure à 2009, de nature à attester qu'elle y avait sa résidence habituelle depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux ; que par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois (... ) " ; que l'arrêté du 18 janvier 2008 susvisé fixe la liste des activités professionnelles salariées concernées ;
Considérant que lorsque la demande de titre de séjour " salarié " est fondée sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision du préfet ou à Paris du PREFET DE POLICE, n'est pas subordonnée à la délivrance préalable de l'autorisation du travail prévue à l'article L. 313-10 du CESEDA mais doit être prise après vérification que la qualification, l'expérience et les diplômes de l'intéressé ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont il fait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent ou non constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
Considérant qu'ayant examiné d'office la situation de Mme Bamba épouse A sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14, le PREFET DE POLICE a motivé son refus d'une part par le fait que l'admission au séjour de l'intéressée ne pouvait répondre à des considérations humanitaires ou ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels, et d'autre part par la circonstance qu'elle n'avait pas présenté de contrat de travail visé par l'autorité administrative, comme le prévoit le 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à ce dernier titre, le PREFET DE POLICE ne pouvait légalement opposer à l'intéressée, pour l'application des dispositions susrappelées de l'article L. 313-14 du même code, le défaut de visa préalable de son contrat de travail de la part de l'autorité administrative compétente, ce visa n'étant pas requis pour l'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail ; que cependant, le PREFET DE POLICE a complété la motivation de sa décision en mentionnant que " la situation de l'intéressée appréciée notamment au regard de son expérience, de ses qualifications professionnelles, des spécificités de l'emploi auquel elle postule et de l'ancienneté de son séjour en France ne permet pas davantage de la regarder comme justifiant d'un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 " ; qu'ainsi, il doit être tenu pour établi qu'il aurait pris, en se fondant exclusivement sur ce dernier motif, suffisant pour la justifier, la même décision de rejet de la demande de titre de séjour présentée par Mme A sur le fondement de son activité professionnelle ; que le PREFET DE POLICE a effectivement examiné les conditions d'insertion professionnelle de Mme A elle-même, indépendamment de sa situation matrimoniale ;
Considérant, en quatrième lieu, que si Mme A soutient que le secteur professionnel dans lequel elle travaille connaît des difficultés particulières de recrutement, la profession de garde d'enfants qu'elle exerce ne figure pas sur la liste des 29 métiers ouverts pour les étrangers d'origine non communautaire, annexée à l'arrêté précité du 18 janvier 2008 ; qu'en outre, en se bornant à faire état de la durée de son séjour en France et de la circonstance qu'elle y a travaillé, Mme A ne justifie pas de circonstances exceptionnelles ou devoir bénéficier de considérations humanitaires de nature à justifier son admission au séjour ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intimée ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de l'intéressée, qui reprennent ce qui a été développé à l'appui de l'examen des moyens et conclusions de la requête du PREFET DE POLICE, doivent être écartés pour les mêmes motifs ;
Considérant enfin que la circonstance que le PREFET DE POLICE a maintenu Mme A sous un régime de récépissés renouvelés d'abord en qualité d'accompagnant de son époux malade, puis du fait de sa demande présentée le 3 septembre 2009 d'un titre de séjour sollicité indépendamment de la situation de son mari, ne peut être regardée comme révélant d'un détournement de procédure ;
Considérant que par suite, c'est à bon droit que le PREFET DE POLICE a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme A ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1- I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction résultant de l'article 41 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 : " L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à se prévaloir par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1018964/3-1 du 17 mai 2011 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
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N° 11PA02820