La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/10/2012 | FRANCE | N°09PA05747

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 08 octobre 2012, 09PA05747


Vu l'arrêt du 2 mai 2011 par lequel la Cour de céans a, avant dire droit sur la requête de la SOCIETE BACK ROADS tendant à la réformation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 juin 2009 et à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 285 298 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2007 et la capitalisation de ceux-ci à compter du 26 juin 2008, ordonné une expertise à l'effet d'évaluer le montant du préjudice éventuellement subi par ladite société du fait de l'indisponibilité pendant la période d'octobre 2005 à mai 2006 inclus d

es passeports biométriques requis pour se rendre aux Etats-Unis ;

V...

Vu l'arrêt du 2 mai 2011 par lequel la Cour de céans a, avant dire droit sur la requête de la SOCIETE BACK ROADS tendant à la réformation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 juin 2009 et à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 285 298 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2007 et la capitalisation de ceux-ci à compter du 26 juin 2008, ordonné une expertise à l'effet d'évaluer le montant du préjudice éventuellement subi par ladite société du fait de l'indisponibilité pendant la période d'octobre 2005 à mai 2006 inclus des passeports biométriques requis pour se rendre aux Etats-Unis ;

Vu le rapport d'expertise de M. Fabrice , expert-comptable, désigné par ordonnance du 20 mai 2011 du président de la Cour, enregistré le 9 mai 2012 ;

Vu l'ordonnance du président de la Cour de céans du 25 mai 2012 taxant et liquidant les frais et honoraires d'expertise mis à la charge de l'Etat à la somme de 10 128, 94 euros ;

Vu le mémoire après expertise, enregistré le 8 juin 2012, présenté pour la SOCIETE BACK ROADS qui conclut à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 238 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2007 et la capitalisation de ceux-ci à compter du 26 juin 2008 et demande la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Stahlberger, rapporteur,

- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,

- et les observations de Me Lecoeur pour la SOCIETE BACK ROADS puis celles de M. Di Candia pour le ministère de l'intérieur ;

Considérant que par arrêt du 2 mai 2011, la Cour de céans, après avoir confirmé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 juin 2009 retenant la responsabilité de l'État du fait de la carence du ministère de l'intérieur à fournir les passeports biométriques requis pour se rendre aux Etats-Unis à partir d'octobre 2005 , a ordonné une expertise à l'effet de chiffrer le montant du préjudice éventuellement subi par la SOCIETE BACK ROADS correspondant à la perte de marge pour la période du 26 octobre 2005 à mai 2006 inclus, date de mise à disposition desdits passeports ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des constatations de l'expert que le rapport de gestion portant sur l'exercice clos le 31 décembre 2005 présenté à l'assemblée des actionnaires en 2006, en application des dispositions des articles L. 225-100 et L. 232-1 II du code de commerce, relève que " l'exercice en cours devrait connaître un ralentissement de la demande sur les Etats-Unis en raison des délais pour obtenir un passeport biométrique et des hausses de prix entre ces Etats, mais un report de la demande s'effectue en partie vers le Canada ", et que pour l'exercice clos le 31 décembre 2006, ledit rapport mentionne " durant cet exercice, notre chiffre d'affaires est passé de 764 590 euros à 544 814 euros, régression provenant essentiellement du délai de l'administration française à délivrer des passeports pour les Etats-Unis, cette destination étant la première de notre activité " ; que dans ces conditions, la réalité du préjudice invoqué par la SOCIETE BACK ROADS peut être regardée comme établie ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE BACK ROADS a déterminé son préjudice, fixé à la somme de 285 000 euros, comme étant la différence entre la marge réalisée sur la période de novembre 2005 à octobre 2006 et celle obtenue sur la période de novembre 2004 à octobre 2005, soit 52 % de la marge brute de l'année 2006 ; que cette évaluation ne saurait être retenue car elle repose sur la comparaison avec une seule période qui, de surcroît n'est pas topique, compte tenu de la réorientation en 2005 des touristes vers le continent américain du fait du tsunami en Asie de la fin décembre 2004 ; que par ailleurs, cette évaluation ne tient pas compte des effets de change du dollar qui sont importants dans la mesure où l'activité Etats-Unis de la société requérante représente 77 % du chiffre d'affaires ;

Considérant, en troisième lieu, que l'expert, dont la méthode n'est pas contestée, a fixé le préjudice économique subi par la SOCIETE BACK ROADS dans une fourchette se situant entre la somme de 238 000 euros si l'on prend comme référence l'évolution du chiffre d'affaires et du nombre de passagers à destination des Etats-Unis sur les seules années 2002 à 2005, et à la somme de 147 000 euros si l'on inclut également les chiffres des années 2007 et 2008 postérieures à l'année 2006 d'indisponibilité des passeports ; qu'il convient de retenir ce dernier montant déterminé à partir d'une analyse de la série chronologique du nombre de passagers à destination des États-Unis sur la période 2002 à 2008, tenant compte des effets de change et qui résulte d'une méthode d'interpolation reposant sur une période de six ans qui donne nécessairement un résultat plus conforme à la réalité qu'une simple extrapolation des trois années précédentes, et ce d'autant que le chiffre d'affaires et le nombre de passagers à destination des États-Unis en 2007 et 2008 sont supérieurs à ceux constatés durant l'année 2004 précédant l'incident ; que dès lors les résultats des années 2007 et 2008 ne sauraient être exclus de la base de calcul du préjudice subi ainsi que le demande de la société requérante pour justifier sa réclamation à hauteur de 238 000 euros ; qu'enfin l'expert a retenu un abattement de 5 % pour tenir compte de l'effet report qui se trouve limité dans la mesure où, eu égard à l'importance de l'activité Etats-Unis, la société requérante offre peu d'opportunités de reports de voyage sur d'autres destinations ; que s'agissant de la période d'indemnisation, il y a lieu de retenir, ainsi que le propose la société requérante, l'année 2006 toute entière, eu égard au délai de mise en place du passeport électronique et à l'absence de prise en compte, pour des motifs comptables, du préjudice subi durant les mois de novembre et décembre 2005 ;

Considérant , enfin, qu'eu égard au caractère certain de la faute commise par l'Etat dans la mise en place tardive des passeports biométriques requis pour se rendre aux Etats-Unis à partir d'octobre 2005 et à l'absence d'aléa dans l'évaluation du préjudice en résultant telle qu'opérée par l'expert à partir de l'évolution du nombre de voyageurs à destination des Etats-Unis, du chiffre d'affaires et de la marge brute correspondante pendant les années précédant et suivant la période d'indisponibilité des passeports biométriques, déterminée à partir des données réelles de la comptabilité de la société requérante et dont l'évolution présente une stabilité prévisible, le ministre de l'intérieur ne saurait utilement invoquer la théorie de la perte de chance pour demander une réfaction du montant du préjudice tel qu'évalué par l'expert ; qu'en outre le ministre de l'intérieur n'apporte pas d'éléments permettant d'établir que la perte de marge brute constatée serait imputable à d'autres causes que le retard fautif dans la mise en place des passeports biométriques ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE BACK ROADS la somme de 147 000 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2007 et de la capitalisation de ceux-ci à compter du 26 juin 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BACK ROADS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais et honoraires d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme de 10 128, 94 euros par ordonnance du président de la Cour de céans en date du 25 mai 2012 ; qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'État le montant desdits frais d'expertise ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à la SOCIETE BACK ROADS de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE BACK ROADS la somme de 147 000 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2007 et de la capitalisation de ceux-ci à compter du 26 juin 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement n° 0719282/3-3 du 30 juin 2009 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 10 128,94 euros sont mis à la charge de l'Etat.

Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE BACK ROADS la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE BACK ROADS est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 09PA05747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 09PA05747
Date de la décision : 08/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: Mme Evelyne STAHLBERGER
Rapporteur public ?: M. LADREYT
Avocat(s) : LECOEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-10-08;09pa05747 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award