Vu l'arrêt du 2 mai 2011 par lequel la Cour de céans a, avant dire droit sur la requête de la SOCIETE VACANCES TRANSAT tendant à la réformation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 juin 2009 et à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 716 204 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 1er février 2007 et la capitalisation de ceux-ci à compter du 26 juin 2008, ordonné une expertise à l'effet d'évaluer le montant du préjudice éventuellement subi par ladite société du fait de l'indisponibilité pendant la période d'octobre 2005 à mai 2006 inclus des passeports biométriques requis pour se rendre aux Etats-Unis ;
Vu le rapport d'expertise de M. Fabrice , expert-comptable, désigné par ordonnance du 20 mai 2011 du président de la Cour, enregistré le 24 mai 2012, évaluant le montant du préjudice subi par la société requérante à la somme de 75 000 euros ;
Vu l'ordonnance du président de la Cour de céans du 26 juin 2012 taxant et liquidant les frais et honoraires d'expertise mis à la charge de l'Etat à la somme de 13 501,64 euros ;
Vu le mémoire après expertise, enregistré le 27 juin 2012, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire, à la limitation de l'indemnisation à la somme de 56 250 euros correspondant à un abattement de 75 % du montant retenu par l'expert pour tenir compte de la perte de chance et d'autres causes possibles de la perte de marge brute ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2012 :
- le rapport de Mme Stahlberger, rapporteur,
- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,
- et les observations de Me Lecoeur pour la SOCIETE VACANCES TRANSAT, puis de celles de M. Di Candia pour le ministère de l'intérieur ;
Considérant que par arrêt du 2 mai 2011, la Cour de céans, après avoir confirmé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 juin 2009 retenant la responsabilité de l'État du fait de la carence du ministère de l'intérieur à fournir les passeports biométriques requis pour se rendre aux Etats-Unis à compter du 26 octobre 2005, a ordonné une expertise à l'effet de chiffrer le montant du préjudice éventuellement subi par la SOCIETE VACANCES TRANSAT au cours de la période du 26 octobre 2005 à mai 2006 inclus, date de mise à disposition desdits passeports ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des constatations de l'expert que le rapport de gestion portant sur l'exercice clos le 31 décembre 2006 présenté à l'assemblée des actionnaires, en application des dispositions des articles L. 225-100 et L. 232-1 II du code de commerce, mentionne que : " les comptes de l'exercice clos le 31 octobre 2006 font apparaître un chiffre d'affaires de 146 443 789 euros, en progression de 11,42 % par apport à celui de l'exercice précédent. Cette hausse du chiffre d'affaires s'explique par la progression des ventes sur le Canada (+ 22 %), les départs de province (+ 48 %) et l'Asie (+ 45 %), qui font plus que compenser la baisse sur les USA du fait des problèmes du passeport biométrique. (...) Les premières ventes pour l'été 2007 sur le Canada laissent entrevoir une stagnation, à l'inverse les USA sont en très forte progression. " ; que dans ces conditions, la réalité du préjudice invoqué minoré cependant par l'existence d'un effet report dans le temps constaté en 2007 peut être regardé comme établie ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE VACANCES TRANSAT avait déterminé son préjudice fixé entre les sommes de 722 000 euros et 1 198 992 euros, en procédant à diverses extrapolations par rapport au chiffre d'affaires et marges réalisées de 2002 à 2008 sur l'activité Etats-Unis fondée sur un taux de croissance annuel moyen constaté sur ladite période, alors que le chiffre d'affaires de 2008 englobe l'activité de la société Transat France absorbée en novembre 2007, expliquant pour 50 % la forte hausse du chiffre d'affaires de 2007 à 2008 ; que ce faisant, la société requérante a inexactement calculé le montant du chiffre d'affaires perdu et donc son préjudice qui doit être effectué à périmètre d'activité constant ; qu' au surplus, la SOCIETE VACANCES TRANSAT avait inclus une perte de marge sur le chiffre d'affaires réalisé estimant que la baisse du taux de marge constaté en 2006 sur l'activité Etats-Unis serait imputable à la non disponibilité des passeports biométriques alors que, ainsi que le relève l'expert, le lien de causalité entre cet événement et la baisse du taux de marge constatée n'est pas matériellement démontrée ; que dès lors l'évaluation du préjudice subi, tel que procédant des calculs de la société requérante a été à bon droit écartée par l'expert ;
Considérant en troisième lieu qu'il ressort des calculs de l'expert que la perte de marge brute subie pour l'année 2006 est évaluée à la somme de 75 000 euros ; que ce montant résulte d'une perte de chiffre d'affaires évaluée à 1 050 000 euros déterminée à partir d'une analyse de la série chronologique du nombre de passagers à destination des Etats-Unis sur la période 2002 à 2008 qui est nécessairement plus précise que celle résultant de l'extrapolation réalisée sur la seule période de 2002 à 2005 qui aboutit à la somme de 2 400 000 euros, ainsi que le demande la société requérante ; que le taux de marge retenu par l'expert, soit 8,9 % pour l'année 2006 ressort de l'attestation du commissaire aux comptes de la société en date du 12 mars 2012 et n'est pas utilement remis en cause par la société requérante qui demande l'application du taux de marge toutes activités confondues, soit un taux de 11,36 % mais qui ne produit à cet égard aucune pièce comptable justifiant le bien-fondé de cette demande ; qu'enfin l'expert a, à bon droit, procédé à un abattement de 20 % sur le chiffre d'affaires perdu dans la mesure où, eu égard à la quote-part de la destination Etats-Unis dans l'activité de la SOCIETE VACANCES TRANSAT qui est environ de 10 %, la société requérante offre de nombreuses opportunités de report de voyage sur d'autres destinations ; qu'ainsi l'évaluation du préjudice subi estimé en dernier lieu par la société requérante à la somme de 225 746 euros doit être écartée ; qu'enfin, s'agissant de la période d'indemnisation, il y a lieu de retenir, ainsi que le propose la société requérante, l'année 2006 toute entière, eu égard au délai de mise en place du passeport électronique et à l'absence de prise en compte, pour des motifs comptables, du préjudice subi durant les mois de novembre et décembre 2005 ;
Considérant , enfin, qu'eu égard au caractère certain de la faute commise par l'Etat dans la mise en place tardive des passeports biométriques requis pour se rendre aux Etats-Unis à partir d'octobre 2005 et à l'absence d'aléa dans l'évaluation du préjudice en résultant telle qu'opérée par l'expert à partir de l'évolution du nombre de voyageurs à destination des Etats-Unis, du chiffre d'affaires et de la marge brute correspondante pendant les années précédant et suivant la période d'indisponibilité des passeports biométriques, déterminée à partir des données réelles de la comptabilité de la société requérante et dont l'évolution présente une stabilité prévisible, le ministre de l'intérieur ne saurait utilement invoquer la théorie de la perte de chance pour demander une réfaction du montant du préjudice tel qu'évalué par l'expert ; qu'en outre le ministre de l'intérieur n'apporte pas d'éléments permettant d'établir que la perte de marge brute constatée serait imputable à d'autres causes que le retard fautif dans la mise en place des passeports biométriques ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE VACANCES TRANSAT la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2007 et de la capitalisation de ceux-ci à compter du 26 juin 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE VACANCES TRANSAT est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais et honoraires d'expertise ont été taxés et liquidés à la somme de 13 501, 64 euros par ordonnance du président de la Cour de céans en date du 26 juin 2012 ; qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'Etat le montant desdits frais d'expertise ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la SOCIETE VACANCES TRANSAT de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la SOCIETE VACANCES TRANSAT la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2007 et de la capitalisation de ceux-ci à compter du 26 juin 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le jugement n° 07018176/3-3 du 30 juin 2009 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 13 501, 64 euros sont mis à la charge de l'Etat.
Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE VACANCES TRANSAT la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE VACANCES TRANSAT est rejeté.
''
''
''
''
2
N° 09PA05854