Vu la requête, enregistrée le 31 août 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me F... ; M. B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1212337/8 du 27 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du
24 mai 2012 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans les quinze jours de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à cette même autorité de réexaminer sa situation administrative sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 mai 2012 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le
26 janvier 1990 ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du
16 décembre 2008 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2013 :
- le rapport de Mme Amat, rapporteur,
- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,
- les observations de MeF..., pour M.B... ;
- et connaissance prise de la note en délibérée, présentée le 27 février 2013, pour
M.B... ;
1. Considérant que M. B..., de nationalité tunisienne, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 7 quater et 11 de l'accord franco-tunisien ; que, par un arrêté du 24 mai 2012, le préfet du Val-de-Marne a opposé un refus à sa demande de titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que, M. B... a postérieurement fait l'objet d'un arrêté en date du 24 juillet 2012 par lequel le préfet de police l'a placé en rétention administrative ; que, par un jugement du 27 juillet 2012, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de placement en rétention administrative ; que M. B... relève régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 mai 2012 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du jugement attaqué, ainsi que le soutient M.B..., que le Tribunal administratif de Paris a omis de répondre au moyen, pourtant explicitement soulevé dans sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationales relative aux droits de l'enfant ; que cette omission n'est pas justifiée par le caractère inopérant de ce moyen et constitue une irrégularité de nature à entraîner l'annulation partielle du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions présentées par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de la requête dirigées contre le refus de titre de séjour ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 24 mai 2012 :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté n° 2012/438 du 17 février 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du même jour, le préfet du Val-de-Marne a donné à M. E...C..., directeur de l'immigration et de l'intégration, délégation pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour assorties de l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de la décision attaquée n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière, qui manque en fait, doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre ; que M. B...n'établissant pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France, le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la décision litigieuse vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ; qu'elle mentionne que M. B...justifie d'une entrée récente en France, qu'il n'a pas d'enfants et n'atteste pas d'une vie commune inscrite dans la durée avec sa concubine et donc, qu'il ne peut se prévaloir du caractère stable et durable de sa vie en France selon le sens donné à l'article 7 quater de l'accord précité ; que le préfet du Val-de-Marne a enfin indiqué que cette décision ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, l'auteur de la décision attaquée a suffisamment exposé les faits et les considérations de droit sur lesquels il s'est fondé ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ;
8. Considérant que M. B... soutient qu'il est entré sur le territoire français en 2006, qu'il vit en concubinage avec Mme D...et qu'il a tissé des liens personnels et professionnels forts ; que, toutefois, M.B..., vivant en couple depuis mars 2011 selon la déclaration de situation pour les prestations familiales produite, n'établit pas la durée et l'intensité de sa vie commune avec MmeD... ; qu'en outre, M. B...n'allègue ni n'établit être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de
28 ans ; que, dès lors, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée compte tenu des buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet du Val-de-Marne n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du
8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
10. Considérant que si M. B...fait valoir qu'il participerait à l'entretien et l'éducation des cinq enfants de sa compagne il ne verse aux débats aucune pièce probante au soutien de cette allégation et au surplus n'établit pas la durée et l'effectivité de sa relation avec ceux-ci ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant doit être écarté ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que
M. B...soit particulièrement intégré dans la société française ; que, par suite, le préfet du Val-de-Marne n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, que, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence ;
13. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ; qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours (...) " ; que selon l'article 3-4° de cette directive, la décision de retour est " une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant étranger d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour " ; qu'ainsi, la " décision de retour " au sens de la directive comporte à la fois la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire au sens de la législation française ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que, dans le cas où elle est prise consécutivement à un refus de titre, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte et spécifique eu égard à la motivation, qui est quant à elle obligatoire, de la décision de refus de titre de séjour, ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ; que, par suite, l'exception d'inconventionnalité doit être écartée ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ressort des pièces du dossier que la décision du 24 mai 2012 portant refus de délivrance de titre de séjour fait l'objet d'une motivation suffisante, avec laquelle se confond celle de la décision du même jour portant obligation de quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;
14. Considérant, en troisième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M.B..., qui reprennent ce qui a été développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 24 mai 2012 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi la demande d'annulation de ces décisions soumise au Tribunal administratif de Paris et à la Cour par M. B... doit être rejetée ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1212337/8 du 27 juillet 2012 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val-de-Marne du 24 mai 2012 portant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : La demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val-de-Marne portant obligation de quitter le territoire français en date du 24 mai 2012 soumise au Tribunal administratif de Paris par M. B... ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
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N° 12PA03737