Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2011, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me F... ; M. B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0916621/3-1 du 28 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
11 septembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 mars 2009 et autorisé la SNCF à le licencier pour faute ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2013 :
- le rapport de Mme Bailly, rapporteur,
- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., pour M. B...puis celles de Me D...pour la SNCF ;
1. Considérant que la SNCF a sollicité le 23 février 2009 l'autorisation de radier des cadres M.B..., délégué du personnel et membre du CHSCT pour avoir, depuis quatre ans, multiplié les comportements négligents et d'insubordination, faits désorganisant la bonne marche du service ; que, par une décision du 10 mars 2009, l'inspecteur du travail a refusé de délivrer cette autorisation ; que, sur recours hiérarchique de la SNCF, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a, par décision du 11 septembre 2009, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail et, d'autre part, autorisé la SNCF à procéder au licenciement de M. B...; que l'intéressé a été radié des cadres de la SNCF le
2 octobre 2009 ; que M. B...relève régulièrement appel du jugement du 28 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du
11 septembre 2009 autorisant le licenciement pour faute de M. B...a été signée par
M. C...E..., chef du bureau des recours du soutien et de l'expertise juridiques au ministère du travail, qui disposait d'une délégation de signature du directeur général du travail, aux termes d'une décision du 8 décembre 2006, publiée au Journal officiel du 13 décembre 2006, pour signer toutes décisions au nom du ministre chargé de l'emploi, à l'exclusion des décrets ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, qui manque en fait, doit donc être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient au ministre du travail, saisi par la voie du recours hiérarchique de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail, d'apprécier si la faute reprochée au salarié bénéficiant d'une protection exceptionnelle était d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale des mandats dont il est investi et de motiver sur ce point sa décision ; que la décision du ministre recense précisément les griefs retenus à l'encontre de M. B...afin de déterminer leur gravité et se prononce également sur le lien avec l'exercice du mandat de l'intéressé ; que M. B...n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'elle ne serait pas suffisamment motivée ;
4. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance alléguée que la décision contienne des erreurs quant au parcours professionnel de M. B...est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision dès lors que le ministre s'est prononcé sur les éléments précisés au point 3 ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet." ; que la circonstance que la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 11 septembre 2009 annulant la décision de l'inspecteur du travail du 10 mars 2009 et autorisant le licenciement de M. B...ait été notifiée le 25 septembre, soit postérieurement au délai de quatre mois au terme duquel nait une décision implicite de rejet, est sans incidence sur la légalité de la décision ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;
6. Considérant, en cinquième lieu, que M. B...soutient que la procédure de licenciement est irrégulière au motif qu'il s'est écoulé moins de cinq jours ouvrables entre la convocation à l'entretien préalable et cet entretien, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail alors que le respect de ce délai constitue une formalité substantielle de nature à entacher d'illégalité la décision de licenciement ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1211-1 du code du travail : " Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. / Elles sont également applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel. " ; qu'aux termes de l'article L. 1232-2 de ce code : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. " ;
8. Considérant, cependant, que les dispositions du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel relatives à la procédure d'instruction des poursuites disciplinaires prises à l'encontre d'un agent et pouvant aboutir au licenciement de l'intéressé prévoient une procédure particulière garantissant les droits des agents ; qu'en effet, lorsqu'une sanction autre qu'un avertissement ou un blâme est envisagée, l'agent est avisé de la tenue d'un entretien préalable avec le chef d'établissement, au cours duquel celui-ci indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications verbales de l'agent ; que ce n'est qu'au vu de l'avis ensuite émis par le conseil de discipline, devant lequel l'agent est traduit, que la sanction définitive est prise, garantissant à l'agent le respect d'une nouvelle procédure contradictoire ; que dès lors et dans la mesure où le statut des agents de la SNCF organise une procédure spécifique de licenciement qui garantit les droits de la défense, les dispositions sus-rappelées de l'article L. 1232-2 du code du travail qui fixent un délai minimum de cinq jours ouvrables entre la notification de la convocation à l'entretien préalable au licenciement et cet entretien ne sont pas applicables aux agents de la SNCF ; que le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut, par suite, utilement être invoqué par M.B... ;
9. Considérant, en sixième lieu, que M. B...soutient que la procédure de licenciement serait également irrégulière compte tenu du non respect du délai prévu au paragraphe 9 de l'article 4 du chapitre relatif aux garanties disciplinaires et aux sanctions qui prévoit que " Dans tous les cas où le conseil de discipline est appelé à donner son avis le dossier de l'affaire est communiqué à l'agent concerné ainsi qu'à son défenseur en principe au siège du conseil 8 jours au moins avant la réunion du conseil de discipline. " ; que le ministre du travail indique toutefois, sans être contredit, que c'est à la demande expresse de l'intéressé que cette consultation prévue initialement le 7 novembre 2008, soit dans le délai prescrit à l'article 4 précité, a eu lieu le 17 novembre, la veille du conseil de discipline ; que M. B...ne peut, par suite, se prévaloir de ce report pour invoquer un vice de procédure de nature à entacher d'illégalité la décision autorisant son licenciement ;
10. Considérant, en septième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ensemble des griefs reprochés à M. B...n'auraient pas été soumis à l'appréciation du conseil de discipline ;
11. Considérant, en huitième lieu, que M. B...soutient que la décision de licenciement ne pouvait intervenir plus d'un mois après le conseil de discipline ; qu'eu égard à l'existence de délais propres à la procédure de licenciement des salariés protégés, ces dispositions protectrices prévues par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, comme par le code du travail, ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet d'imposer que le licenciement intervienne dans le mois suivant l'entretien préalable ou le conseil de discipline ; qu'elles obligent seulement l'employeur à notifier le licenciement dans le mois suivant la décision d'autorisation prise par l'administration ; que tel a bien été le cas en l'espèce ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;
12. Considérant, en neuvième lieu, que M. B...soutient que les faits qui lui sont reprochés ne pouvaient donner lieu à sanction dès lors qu'ils étaient prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail qui prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que des dispositions identiques sont prévues au premier paragraphe de l'article 4 du chapitre 9 du statut applicable aux agents de la SNCF ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que les faits reprochés à l'intéressé, commis durant la période du 26 août au 15 septembre 2008, ont donné lieu à l'envoi de demandes d'explications, auxquelles M. B...a répondu par lettres des 17 septembre et 10 octobre 2008 ; que la SNCF a donc engagé les poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois à partir duquel elle a eu une connaissance complète de l'ensemble des faits reprochés à M.B... ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;
13. Considérant, en dixième lieu, que la mention de l'article L. 1232-4 du code du travail au lieu de l'article L. 1332-4 est une erreur de plume sans incidence sur la légalité de la décision du ministre du travail ;
14. Considérant, en onzième lieu, que si M. B...soutient que les griefs retenus à son encontre trouvent leur origine dans la dégradation des relations de travail, elle-même consécutive aux procédures prud'homales engagées par lui, il ressort des pièces du dossier que les absences et retards répétés et injustifiés du salarié, comme les refus de prendre son service conformément aux directives qui lui étaient données étaient de nature à désorganiser la bonne marche du service ; que c'est par suite par une exacte appréciation des faits que le Tribunal administratif de Paris a considéré que le ministre n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en autorisant le licenciement de M. B...au motif que les faits reprochés étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement et qu'aucun élément du dossier ne permettait de retenir un lien avec l'exercice des mandats de l'intéressé ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 septembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a autorisé la SNCF à le licencier ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SNCF, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés par M.B... ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...une somme au titre des frais exposés par la SNCF et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SNCF tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 11PA03457