Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2012, présentée pour la société Context Paris LLC, dont le siège est 86 Montauk, Ave Stonington, 06378 Connecticut (États-Unis d'Amérique), par la SCP Petoin et associés ; la société Context Paris LLC demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105491/1-3 du 8 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2013 :
- le rapport de M. Jardin, rapporteur,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances :
1. Considérant que la société Context Paris LLC, dont l'avocat a produit le 27 juillet 2012 un timbre fiscal dématérialisé de 35 euros, a acquitté la contribution à l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts ; que la fin de non-recevoir tirée par le ministre de l'absence d'acquittement de cette contribution ne peut dès lors qu'être écartée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort de ses écritures de première instance que la société Context Paris LLC a contesté la régularité de la motivation de la proposition de rectification datée du 27 mars 2009 en faisant en particulier valoir que le vérificateur n'avait pas mentionné la base légale de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre en l'espèce ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, qui n'était pas inopérant puisqu'une proposition de rectification insuffisamment motivée est susceptible d'entraîner l'irrégularité de la procédure d'imposition, le tribunal administratif a entaché d'irrégularité son jugement du 8 juin 2012, qui doit dès lors être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la société requérante pour contester sa régularité ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Context Paris LLC devant le Tribunal administratif de Paris :
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant que la régularité d'une procédure de taxation d'office, sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, d'un redevable de la taxe sur la valeur ajoutée qui n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il est tenu de souscrire n'est pas subordonnée à l'envoi préalable d'une mise en demeure de régulariser sa situation ; qu'ainsi, la circonstance que l'administration a taxé d'office la société Context Paris LLC à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 sans la mettre en demeure de déposer la déclaration annuelle mentionnée au 3° de l'article 287 du code général des impôts est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
5. Considérant que le vérificateur, dans la proposition de rectification datée du 27 mars 2009, a constaté que la société Context Paris LLC n'avait pas déposé la déclaration annuelle mentionnée au 3° de l'article 287 du code général des impôts au titre des périodes du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 ainsi que du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 puis, après avoir reconstitué son chiffre d'affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, a précisé qu'elle était taxée d'office ; que la seule circonstance que le vérificateur n'a pas fait référence au 3° de l'article L. 66, qui constituait en l'espèce la base légale de la procédure de taxation d'office, n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition dès lors que, dans les circonstances de l'espèce, cette omission n'a pas eu pour effet de priver le contribuable de l'une des garanties de procédure dont il était en droit de bénéficier ;
6. Considérant que la proposition de rectification, qui mentionne de manière suffisamment précise les bases d'imposition et leurs modalités de détermination, est conforme aux exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ; que la société requérante ne peut utilement faire valoir que la proposition de rectification ne contient pas les éléments nécessaires pour prouver qu'elle est imposable à la taxe sur la valeur ajoutée en France dès lors que la régularité de la motivation d'une proposition de rectification ne dépend pas du bien-fondé des motifs qui y sont énoncés ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le principe de l'imposition en France :
7. Considérant que l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, dispose : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu, ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " ; qu'aux termes de l'article 259 A du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : (...) 4° Les prestations ci-après lorsqu'elles sont matériellement exécutées en France : a. prestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, récréatives et prestations accessoires ainsi que leur organisation " ;
8. Considérant que la société Context Paris LLC, dont le siège est dans l'Etat du Connecticut, aux États-Unis d'Amérique, soutient qu'elle organise des séjours touristiques en France au profit d'une clientèle américaine en recourant aux prestations de guides touristiques exerçant leur activité en France, qui ne sont pas ses salariés, et qu'elle relève par suite du régime d'imposition des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques prévu à l'article 26 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, applicable jusqu'au 31 décembre 2006, puis aux articles 306 à 310 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, repris au e de l'article 266 du code général des impôts, ce qui a pour conséquence, dès lors qu'elle n'a pas d'établissement stable en France, qu'elle n'y réalise aucune opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;
9. Considérant que MmeA..., se présentant comme dirigeante de la société Context Paris LLC, a signé le 20 août 2005 un formulaire indiquant que la société avait effectivement débuté son activité le 1er avril 2005 et qu'elle optait en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour le régime du réel simplifié ; que l'administration a procédé du 3 décembre 2008 au 18 février 2009 à une vérification de la comptabilité de la société portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ; que le vérificateur, après avoir constaté en consultant le site internet " www.Contexttravel.com " que la société proposait à une clientèle majoritairement américaine des visites guidées de sites touristiques situés essentiellement à Paris, l'a vainement invitée à fournir des précisions sur les modalités de son activité, et notamment le nombre de ses guides salariés ; qu'en réponse à la proposition de rectification, et après que son conseil a participé à un entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, la société s'est bornée à indiquer qu'elle recourait à des prestataires externes, sans autre explication sur les modalités de ses relations avec eux ; que le supérieur hiérarchique du vérificateur, en réponse, a relevé que les guides identifiés sur le site internet de la société, à savoir des étudiants ou des universitaires maîtrisant la langue anglaise qu'elle recrutait, étaient présentés comme ses collaborateurs et qu'aucune charge relative à la rémunération de guides indépendants ne figurait dans la comptabilité ; que la société, ni en première instance, ni en appel, n'a produit d'éléments de nature à contredire sérieusement ceux ainsi avancés par l'administration ; qu'il résulte dès lors de l'instruction que la société requérante, qui ne fournit à ses clients aucune autre prestation relative à leur voyage, doit être regardée comme réalisant elle-même des visites guidées en France ; que, compte tenu du caractère limité des prestations qu'elle fournit à ses clients, en les exécutant de plus elle-même, elle ne peut relever du régime d'imposition des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques dont elle réclame l'application ainsi qu'il a été dit au point 8 ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a estimé qu'elle était redevable en France de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle y fournissait des prestations qui devaient être regardées comme entrant dans le champ d'application du a. du 4° de l'article 259 A du code général des impôts ;
10. Considérant qu'en admettant que la société requérante entende invoquer les différentes instructions administratives auxquelles elle se réfère dans ses écritures pour faire échec à l'imposition, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, aucune d'entre elles ne donne de la loi fiscale une interprétation différente de celle résultant du point 9 ;
En ce qui concerne l'évaluation des bases d'imposition :
11. Considérant que la société requérante, régulièrement taxée d'office ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 6, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition, en application des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales ;
12. Considérant que, contrairement à ce qu'elle soutient, les données retenues par le vérificateur pour reconstituer son chiffre d'affaires, tirées des constatations relatives au prix des visites guidées et au nombre de guides qui travaillaient pour la société Context Paris LLC en 2008 ne sont pas invérifiables ; qu'au demeurant, la société requérante, invitée par le service à préciser ses conditions d'exploitation, n'a communiqué aucun document au vérificateur ;
13. Considérant que les tableaux et les relevés de compte produits par la société, dont le contenu n'est pas explicité et qui ne sont accompagnés d'aucune pièce comptable, ni de factures, ne permettent pas d'établir que son chiffre d'affaires serait de nature à lui permettre de bénéficier du régime de la franchise prévu à l'article 293 B du code général des impôts ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Context Paris LLC n'est pas fondée à demander à la Cour la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ; que par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1105491/1-3 du 8 juin 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Context Paris LLC devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
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N° 12PA03269