Vu la requête, enregistrée le 6 août 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Woumeni ;
M. B... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302155 du 28 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 4 décembre 2012 par lequel le préfet de police a décidé son expulsion du territoire français ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2014 :
- le rapport de M. Puigserver, premier conseiller,
- les conclusions de M. Boissy, rapporteur public,
- et les observations de Me Woumeni, avocat de M. B... ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant camerounais, né le 30 juin 1971, est entré pour la dernière fois en France en 2003 ; que le Tribunal correctionnel de Paris l'a condamné le
5 avril 2011 à quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis, ainsi qu'à une amende de deux cent mille euros et à une interdiction professionnelle de cinq années, pour des faits d'escroquerie réalisée en bande organisée et de blanchiment aggravé ; qu'à la suite de l'avis favorable de la commission spéciale d'expulsion, M. B...a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion en date du
4 décembre 2012 du préfet de police ; que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, par un jugement du 28 juin 2013, dont il relève appel ;
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :/ - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; et qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
3. Considérant que l'arrêté d'expulsion contesté vise notamment l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'avis émis le 13 novembre 2012 par la commission spéciale d'expulsion ; qu'il énonce que M. B...a été condamné le 5 avril 2011 à une peine de quatre années d'emprisonnement dont deux avec sursis, au paiement d'une amende de deux cent mille euros et à une interdiction professionnelle de cinq années et qu'en raison de l'ensemble de son comportement, sa présence sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public ; que cette décision, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est, dès lors, suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2,
L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent en aucun cas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public ;
5. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui, après avoir rappelé la condamnation pénale dont l'intéressé avait fait l'objet, s'est référé dans l'arrêté attaqué à l'ensemble de son comportement, n'ait pas en l'espèce examiné l'ensemble des éléments relatifs au comportement de M. B...et aux différents aspects de sa situation afin de déterminer si, après les infractions commises par ce dernier, sa présence sur le territoire français constituait, à la date de l'arrêté attaqué, une menace grave pour l'ordre public ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit, à raison du défaut d'examen de l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressé, doit être écarté ;
6. Considérant, d'autre part, que M. B...fait valoir qu'il n'a fait l'objet que d'une seule condamnation pénale, qu'il a bénéficié d'un aménagement de peine sous forme d'un placement sous surveillance électronique en janvier 2012 au motif notamment qu'il justifiait de l'exercice d'une activité professionnelle en tant que conseiller économique à la présidence de Guinée Bissau et en collaboration avec son ambassade en France et qu'il n'a pu commettre les faits de blanchiment, signalés par le rapport de police, en octobre 2005 à Paris et en juillet 2007 en Belgique ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné le 5 avril 2011 à quatre années d'emprisonnement dont deux avec sursis, ainsi qu'à deux cent mille euros d'amende et cinq années d'interdiction professionnelle dans le domaine de la banque, l'investissement et les assurances, pour des faits, commis en 2004, d'escroquerie réalisée en bande organisée et de blanchiment aggravé ; que, dans son avis rendu le 19 novembre 2012, la commission spéciale d'expulsion a notamment relevé que " de tels agissements, lourdement sanctionnés, sont d'une particulière gravité de par leur caractère extrêmement astucieux et élaboré, la personnalité des victimes, le lourd préjudice qui en est résulté ", éléments qui ne sont pas contestés par M.B... ; qu'en outre, il est défavorablement connu des services de police pour des faits d'escroquerie commis à Paris et en Belgique en juillet 2004 et avril 2005, ainsi que pour des faits de blanchiment à Paris en octobre 2005 et en Belgique en juillet 2007 ; que ces éléments ne sont pas sérieusement contredits par les seules affirmations non étayées de l'intéressé devant la Cour ; qu'ainsi, compte tenu notamment de la gravité des faits à raison desquels M. B...a été condamné, le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer qu'à la date de l'arrêté litigieux, la présence de l'intéressé en France constituait une menace grave pour l'ordre public ;
7. Considérant enfin que si le requérant fait valoir sa position de conseiller économique à l'ambassade de Guinée Bissau, il ressort, en tout état de cause, de la note du service du protocole du ministère des affaires étrangères en date du 22 août 2012, que M. B...n'est connu, ni de ce service, ni des services de l'ambassade de France en Guinée Bissau comme appartenant au personnel diplomatique ou consulaire ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que M. B...fait valoir qu'il a purgé sa peine et que toute sa famille se trouve sur le territoire français ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les deux enfants de l'intéressé, nés en France en 1991 et 1992, issus d'une précédente union, sont majeurs ; qu'il n'établit pas avoir conservé des liens avec eux ou avec sa mère, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2017, et avec les personne qu'il présente comme ses soeurs, l'une de nationalité française et l'autre titulaire d'une carte de résident ; qu'il ressort des écritures du préfet de police devant le tribunal, non contredites par l'intéressé, qu'il est marié à une compatriote depuis le
3 janvier 1997 ; qu'aucune indication n'est donnée quant à la présence de cette personne sur le territoire ; qu'en outre, l'intéressé n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi, l'arrêté litigieux, nonobstant la durée de son séjour en France, et eu égard à la menace pour l'ordre public que constitue la présence de M. B...sur le territoire, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées ;
10. Considérant, en troisième et dernier lieu, que contrairement à ce que soutient
M.B..., la circonstance que la juridiction pénale n'ait pas prononcé à son encontre la peine complémentaire d'interdiction du territoire de trois ans requise par le procureur de la République, ne privait pas le préfet de police de la faculté de décider de son expulsion sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même, en tout état de cause, que celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens de l'instance, ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
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N° 13PA03144