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28/04/2014 | FRANCE | N°13PA01793

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 28 avril 2014, 13PA01793


Vu, la requête, enregistrée le 13 mai 2013 sous forme de télécopie régularisée le lendemain, présentée pour la Banque de France, dont le siège est 39, rue Croix-des-Petits-Champs à Paris (75001), par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé ; la Banque de France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205537/5-1 du 11 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 janvier 2012 par laquelle son gouverneur a prononcé le licenciement de M. A...D..., l'a condamnée à verser à ce dernier une indemnité, dans la limite de 37 300 eur

os, au titre du préjudice financier qu'il a subi ainsi qu'une indemnité de...

Vu, la requête, enregistrée le 13 mai 2013 sous forme de télécopie régularisée le lendemain, présentée pour la Banque de France, dont le siège est 39, rue Croix-des-Petits-Champs à Paris (75001), par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé ; la Banque de France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205537/5-1 du 11 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 janvier 2012 par laquelle son gouverneur a prononcé le licenciement de M. A...D..., l'a condamnée à verser à ce dernier une indemnité, dans la limite de 37 300 euros, au titre du préjudice financier qu'il a subi ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros en réparation du préjudice moral et a mis à sa charge le versement de la somme de

1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes de M.D... ;

3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, ratifiée par la République française le 16 mars 1989 et entrée en vigueur le 16 mars 1990 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le statut du personnel de la Banque de France ;

Vu le code de justice administrative;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2014:

- le rapport de M. Auvray, président-assesseur,

- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public,

- les observations de MeF..., pour la Banque de France ;

- et les observations de MeG..., pour M.D... ;

1. Considérant qu'après avoir été admis au concours d'adjoint de direction de la Banque de France, M. D...a été affecté, à effet du 1er février 2011, en qualité d'adjoint de direction de

3ème classe, à la direction générale des opérations sur le poste de spécialiste en systèmes de paiement et infrastructures de marché, et que cette affectation, pour une période probatoire d'un an, lui a été confirmée par courrier du 21 janvier 2011; qu'à la suite de deux rapports d'évaluation ainsi que de l'avis de la commission de fin de période probatoire, le gouverneur de la Banque de France a, par la décision contestée n° 2012-164 du 26 janvier 2012, refusé de l'admettre à titre définitif dans le personnel des cadres de la Banque de France et prononcé son licenciement à l'issue d'un préavis de trois mois qu'il l'a dispensé d'effectuer ; que la Banque de France relève appel du jugement du

14 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 26 janvier 2012 et l'a condamnée à verser à M.D..., d'une part, une indemnité visant à réparer son préjudice financier, dans la limite de 37 300 euros, d'autre part, une indemnité de 2 000 euros à titre de réparation de son préjudice moral ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code monétaire et financier : " La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l'Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 142-9 du même code : " (...) Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où le code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public qui n'a cependant pas le caractère d'un établissement public, mais revêt une nature particulière et des caractéristiques propres, au nombre desquelles figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1221-21 du code du travail : " La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement. La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser : (..) 3° Huit mois pour les cadres " ; qu'aux termes de l'article

L. 1221-25 du même code : " Lorsqu'il est mis fin, par l'employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d'essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-24 ou à l'article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d'essai d'au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à : (...) 4° Un mois après trois mois de présence. La période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance " ;

4. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 411 du statut du personnel de la Banque de France : " Les adjoints de direction de 3ème classe ne sont admis à titre définitif qu'à l'expiration d'une période probatoire d'une année. Cette période peut être prolongée d'un an au maximum. Il est statué sur l'admission définitive de l'agent, la prolongation de la période probatoire ou sa non admission, par décision du Gouverneur après avis d'une commission composée de trois membres du personnel des cadres désignés par le Gouverneur et de trois représentants élus des adjoints de direction. Les agents reconnus inaptes aux fonctions d'adjoint de direction et qui n'appartenaient pas avant leur admission dans cette catégorie de personnel de la Banque sont licenciés après un préavis de trois mois " ;

5. Considérant que le tribunal administratif, après avoir relevé que les dispositions de l'article 411 du statut du personnel de la Banque de France dérogeaient aux règles posées par les articles L. 1221-21 et L. 1221-25 du code du travail, a fait prévaloir ces dernières en estimant qu'elles n'étaient incompatibles ni avec le statut de la Banque de France, ni avec les missions de service public dont elle est chargée, pour en déduire que le licenciement de M. D...ne pouvait légalement intervenir que dans le délai de huit mois à compter de son recrutement, et non à l'issue d'un délai d'un an ;

6. Considérant, cependant, que M. D...a été recruté en tant qu'adjoint de direction non pas dans le cadre d'un contrat, mais en qualité de stagiaire, après avoir été admis au concours externe prévu à l'article 409 du statut du personnel, ce qui lui donnait vocation non seulement à être titularisé à l'issue de la période probatoire d'un an, le cas échéant sur le poste où il avait effectué sa période probatoire, mais encore et surtout à occuper des emplois comportant l'exercice de prérogatives de puissance publique, dès lors qu'aux termes des articles 402 et 407 du statut du personnel, les adjoints de direction font partie du personnel de direction ; que, dans ces conditions, la Banque de France est fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 1221-21 du code du travail, en tant qu'elles limitent à quatre mois renouvelables une fois la durée de la période d'essai des cadres, durée insuffisante pour évaluer les capacités d'un lauréat du concours externe d'adjoint de direction de la Banque de France, sont de ce fait incompatibles avec son statut et ses missions de service public ; que, pour les mêmes motifs, la période probatoire d'un an applicable aux adjoints de direction ne peut être regardée comme déraisonnable au sens de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail ; qu'en tout état de cause, la Banque de France est fondée à relever que si l'article L. 1221-25 du code du travail impose un délai de prévenance minimal d'un mois, l'article 411 applicable aux adjoints de direction en prévoit un égal à trois mois ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la violation des articles L. 1221-21 et L. 1221-25 du code du travail pour annuler la décision du 26 janvier 2012 du gouverneur de la Banque de France et pour condamner cette dernière, en conséquence de l'illégalité de cette décision, à verser à l'intimé une indemnité visant à réparer son préjudice matériel et son préjudice moral ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. D...devant le tribunal administratif ;

9. Considérant, en premier lieu, que si M. D...soutient que la décision contestée du

26 janvier 2012 a été prise par une autorité incompétente, faute d'avoir été signée par le gouverneur de la Banque de France, il ressort des pièces du dossier que son signataire, M. C...B..., second sous-gouverneur, avait reçu délégation à cet effet par décision du 5 janvier 2012, régulièrement publiée au registre de publication officiel de la Banque de France le 9 janvier suivant ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que M. D...soutient que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure au motif que la commission de fin de période probatoire, qui a rendu un avis favorable à sa non-admission, était irrégulièrement composée, dès lors qu'y a siégé MmeE... ;

11. Considérant que si M. D...soutient que MmeE..., qui avait en charge son dossier à la direction générale des ressources humaines pour lui trouver un nouveau poste, ne lui a fait aucune proposition et, ayant fait ainsi preuve de négligence, a vraisemblablement exprimé un avis défavorable à sa titularisation, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E...ait manqué à l'impartialité requise ou manifesté une animosité particulière à l'égard de l'intéressé ;

12. Considérant, en troisième lieu, que le licenciement d'un stagiaire en fin de stage, qui ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire, peut légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que tout agent stagiaire a le droit d'accomplir son stage dans des conditions lui permettant d'acquérir une expérience professionnelle et de faire la preuve de ses capacités pour les fonctions auxquelles il est destiné ;

14. Considérant que M. D...soutient, d'une part, que la Banque de France a commis une erreur d'appréciation en l'affectant sur un poste de spécialiste en systèmes de paiement et infrastructures de marché, sans lui proposer de postes alternatifs ni le mettre à même de rencontrer son futur chef de service, relevant, en outre, que ce poste a, après son licenciement, donné lieu à une annonce de recrutement destinée à des candidats justifiant de trois ans d'expérience professionnelle, d'autre part, que son évaluation ne reflète pas sa valeur professionnelle, du fait, notamment qu'il a été écarté de son poste dès le mois de juin 2011 ;

15. Considérant, toutefois, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu, notamment, du parcours universitaire de M. D...et des actions de formation dont ce dernier a bénéficié au cours de sa période probatoire, la Banque de France aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en l'affectant sur le poste en cause, étant en outre précisé que la candidature de l'intéressé pour un autre poste n'a pas été retenue par le responsable du service concerné ; que, si le poste en cause nécessitait une parfaite maîtrise de l'anglais et si l'intimé fait valoir que le résultat du test de langue que son employeur lui a fait passer le 4 août 2011 indiquait qu'il n'était pas en mesure de suivre une réunion, il ressort des pièces du dossier qu'il a cependant obtenu la note de 2,5 / 5 avec mention d'un niveau " intermédiaire fort " et qu'il avait indiqué, dans son curriculum vitae, qu'il parlait l'anglais couramment et qu'il avait effectué, entre 2006 et 2007, un séjour d'études en macroéconomie-humanités-anglais à la York University de Toronto ; qu'enfin, s'il est exact que le service a, postérieurement au licenciement de M.D..., publié une annonce de recrutement destinée à un " professionnel du secteur financier " pour un poste de " spécialiste en infrastructures de marchés financiers " ayant au moins trois ans d'expérience professionnelle, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que son affectation était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ni, surtout, que le niveau d'exigence de sa hiérarchie était le même ; que, s'agissant de l'évaluation de M.D..., à supposer même qu'elle ne repose utilement que sur les premiers mois de sa période probatoire, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu, notamment, du courrier du 16 janvier 2012 que M. D...a adressé aux membres de la commission de titularisation et de quelques-uns de ses courriels, que les appréciations de son chef de service et de son adjointe des 5 et 9 janvier 2012, qui portent non seulement sur ses compétences mais aussi sur son comportement, très en retrait, seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Banque de France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 26 janvier 2012 et l'a condamnée à verser à M. D...une indemnité limitée à 32 300 euros au titre de son préjudice matériel et une indemnité de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que soit mis à la charge de la Banque de France qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D...le versement de la somme que réclame la Banque de France au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 11 mars 2013 est annulé.

Article 2: La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la Banque de France tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13PA01793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA01793
Date de la décision : 28/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Capitaux - monnaie - banques - Banque de France.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : SCP GUILLAUME ET ANTOINE DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-04-28;13pa01793 ?
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