Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2013, présentée pour la société Seurlin Immobilier venant aux droits de la société Vachaud, ayant son siège 28 avenue de Messine à Paris (75008), par Me A...; la société Seurlin Immobilier venant aux droits de la société Vachaud demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1203949 du 6 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Vachaud a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2014 :
- le rapport de M. Pagès, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;
1. Considérant que la société Seurlin Immobilier venant aux droits de la société Vachaud relève régulièrement appel du jugement du 6 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Vachaud a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit (...) Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification " ;
3. Considérant que, pour asseoir le chef de rectification en cause, le service a estimé que la société Vachaud, en prêtant à la société Passire, membre du même groupe qu'elle, des sommes à un taux inférieur à celui auquel elle les avait elle-même empruntées, avait commis un acte anormal de gestion ; que, ce faisant, et contrairement à ce que soutient la société Seurlin Immobilier, qui vient aux droits et obligations de la société Vachaud, l'administration n'a nullement écarté comme étant fictive la convention de trésorerie conclue entre l'intéressée et son emprunteur, la société Passire, en se bornant à relever que l'intéressée avait emprunté les fonds en cause auprès de la banque Esperito Santo et de la Vénétie (BESV) en déclarant qu'ils étaient destinés à ses besoins propres et, notamment, au financement de dépenses concernant un bien immobilier dont elle était propriétaire à Nîmes ; qu'en relevant cette dernière circonstance l'administration n'a pas plus écarté comme étant fictif le prêt consenti par la BESV à la société Vachaud mais a seulement relevé que ce prêt avait été indûment utilisé à une autre fin par la société Vachaud ; qu'il suit de là que doit être écarté le moyen tiré de ce que l'administration se serait implicitement placée sur le terrain de l'abus de droit et aurait, par suite, privé la contribuable des garanties y attachées ;
Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement :
4. Considérant que la société requérante soutient que l'avis de mise en recouvrement du 7 février 2011 est irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, la société Seurlin Immobilier n'apporte aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal administratif de Paris sur son argumentation de première instance reprise en appel sans élément nouveau ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les renonciations à recettes ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en opérant de la sorte, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient au service des impôts d'apporter la preuve des faits sur lesquels il se fonde pour estimer qu'une renonciation à recettes consentie par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, il est réputé apporter cette preuve dès lors que l'entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a, en retour, bénéficié de contreparties ;
6. Considérant que la société Vachaud fait partie du groupe informel Maxime Laurent au sein duquel la société Passire joue le rôle de centrale de trésorerie ; que ces deux sociétés ont conclu, le 13 décembre 2006, une convention de gestion centralisée de trésorerie ; que la société Vachaud, qui a pour objet social la détention et l'acquisition de tous biens immobiliers en vue de leur location, la prise de participations dans des sociétés exerçant toute activité ainsi que, depuis le mois de janvier 2007, la gestion de son portefeuille de titres, a, au cours de l'exercice litigieux clos le 31 décembre 2007, accordé à la société Passire des prêts aux taux de 3,73 % et de 3,99 %, et, parallèlement, contracté, le 17 janvier 2007, un prêt de 9 millions d'euros auprès de la banque Esperito Santo et de la Vénétie (BESV) aux taux de 5,858 % et de 6,717 % sur l'année 2007 ;
7. Considérant que lors de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société Vachaud, le service a constaté que cette dernière avait émis un virement de 4 801 923,88 euros en faveur de la société Passire le jour même où la BESV avait mis à sa disposition les 9 millions d'euros empruntés et que ce virement avait été complété, quelques jours plus tard, d'un autre virement de 3 993 000 euros également destiné à la société Passire et que l'ouverture d'une ligne de crédit de 3 millions d'euros consentie le 21 décembre 2007 par la BESV à la société Vachaud, au taux de 6,217 %, avait été suivie, le lendemain, d'un virement de 900 000 euros émis par l'intéressée au profit de la société Passire, suivi de deux autres virements d'un montant total de 119 151,73 euros ; que le vérificateur, après avoir constaté, d'une part, que la société Vachaud avait donc emprunté, au cours de l'année 2007, 12 millions d'euros non pas pour ses besoins propres, contrairement aux stipulations du contrat de prêt conclu le 17 janvier 2007 qui prévoyaient que les fonds devaient être affectés au financement de dépenses concernant un ensemble immobilier que l'intéressée détenait à Nîmes, mais pour les besoins d'autres sociétés appartenant au même groupe informel qu'elle, d'autre part, que la société Vachaud avait consenti à la société Passire des avances moyennant un taux d'intérêt inférieur à celui auquel elle s'était financée auprès de la banque Esperito Santo de la Vénétie, en a déduit que les opérations financières en cause ne relevaient pas d'une gestion commerciale normale ;
8. Considérant que la société Seurlin Immobilier, qui vient aux droits et obligations de la société Vachaud, conteste l'analyse du service en soutenant que le caractère normal ou anormal de la rémunération d'avances de fonds consenties par une entreprise doit, en toute hypothèse, s'apprécier, pour le prêteur, par rapport à la rémunération qu'il eût pu obtenir d'un établissement financier auprès duquel il aurait placé des sommes d'un montant équivalent, et en indiquant que les taux de 3,73 % et de 3,99 % auxquels la société Vachaud a accordé les avances litigieuses à la société Passire au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2007 correspondent à la moyenne des taux de référence quotidiens des dépôts interbancaires effectués au jour le jour alors pratiqués au sein de la zone euro, dits taux " EONIA " ; que si cette circonstance a été admise par les premiers juges, ces derniers ont toutefois estimé, avec raison, que le caractère normal ou anormal de la rémunération des avances financières consenties par une entreprise doit être apprécié en tenant compte des conditions globales dans lesquelles de telles opérations sont effectuées ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les sommes litigieuses, mises à la disposition de la société Passire par la société Vachaud, n'étaient pas issues, contrairement à ce qui est d'ailleurs prévu par la convention de gestion centralisée de trésorerie conclue le 13 décembre 2006, d'excédents de trésorerie du prêteur, que ce dernier eût pu placer auprès d'un établissement financier, mais provenaient de fonds que le prêteur avait lui-même empruntés quelques jours plus tôt, à des taux supérieurs de 2 à 2,5 points aux taux " EONIA " pourtant revendiqués comme référence par la société Seurlin Immobilier ; que la société Seurlin Immobilier n'établissant, ni même n'alléguant, que la société Vachaud aurait eu un intérêt propre à réaliser les opérations financières en cause, consistant à prêter des sommes à des taux sensiblement inférieurs à ceux auxquels elle les avait empruntés seulement quelques jours auparavant, moyennant en sus le paiement de frais bancaires, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que la société Vachaud a commis un acte anormal de gestion ; que le service était, dès lors, fondé à réintégrer, dans les résultats imposables de cette société, outre le montant des commissions et frais divers, le montant des recettes auxquelles l'intéressée a renoncé, qu'il a estimé, compte tenu du taux de l'intérêt bancaire alors pratiqué pour des sommes empruntées, la société Seurlin Immobilier ne pouvant en tout état de cause se prévaloir d'une prise de position du service concernant un autre contribuable, en l'espèce la société Passire, d'ailleurs redressée pour ne pas avoir facturé les services qu'elle rendait aux autres sociétés du groupe dont elle rémunérait les excédents de trésorerie ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Seurlin Immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la société Seurlin Immobilier tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Seurlin Immobilier venant aux droits de la société Vachaud est rejetée.
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N° 13PA01773