Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2013, présentée pour la société anonyme (SA) Sephora, dont le siège est au 65 avenue Edouard Vaillant à Boulogne-Billancourt (92100), par le cabinet JeantetAssociés ; la SA Sephora demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1215577/3-3 du 3 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 25 juillet 2012 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a fait droit à sa demande de dérogation au repos dominical pour les salariés de son magasin de Bercy Village ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment ses articles 61-1 et 62 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-12 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014 :
- le rapport de M. Polizzi, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Macaud, rapporteur public ;
1. Considérant que, par arrêté du 25 juillet 2012, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a fait droit à la demande de la SA Sephora de dérogation au repos dominical de ses salariés sur le fondement de l'article L. 3132-20 du code du travail concernant son magasin situé cour Saint Emilion à Bercy Village, dans le douzième arrondissement de Paris ; que la SA Sephora demande à la Cour d'annuler le jugement du 3 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ; qu'elle demande à la Cour de transmettre préalablement " à la cour de cassation " une question prioritaire de constitutionnalité ;
Sur la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3132-24 du code du travail : " Les recours présentés contre les décisions prévus aux articles L. 3132-20 et L. 3132-23 ont un effet suspensif" ; que, toutefois, par décision du 4 avril 2014, le Conseil constitutionnel, saisi par la Cour de cassation à la demande de la société Sephora, a jugé que cet article est contraire à la Constitution et que sa décision est applicable aux affaires non jugées définitivement à la date de publication de sa décision ; que, par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de transmission de cette question ;
Sur la requête :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3132-3 du code du travail : " Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. " ; qu'aux termes de l'article L. 3132-20 du même code : " Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être autorisé par le préfet, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités suivantes : 1° Un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l'établissement ; 2° Du dimanche midi au lundi midi ; 3° Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d'une journée par roulement et par quinzaine ; 4° Par roulement à tout ou partie des salariés " ; que l'article L. 3132-25-4 du même code dispose : " Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d'industrie, de la chambre des métiers et des syndicats d'employeurs et de salariés intéressés de la commune " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que toute dérogation à la règle du repos dominical ne peut revêtir qu'un caractère d'exception pour faire face à des situations particulières tenant à des circonstances déterminées de temps, de lieu et au regard du type d'activité exercée et de la nature des produits vendus ; qu'eu égard aux dispositions précitées de l'article L. 3132-20 du code du travail, il appartient à l'autorité préfectorale, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier, pour chaque établissement commercial demandeur, si la dérogation sollicitée à la règle du repos dominical des salariés respecte les conditions de fond posées par cette disposition législative ;
6. Considérant que, pour autoriser la SA Sephora à déroger à la règle du repos dominical des salariés, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris s'est fondé sur l'impossibilité du report de la clientèle un autre jour de la semaine compte tenu d'un afflux de clientèle principalement dominical en raison de son emplacement au sein du pôle de Bercy Village, zone d'animation et de loisirs exceptionnellement fréquentée le dimanche du fait de la proximité immédiate du parc de Bercy, de nombreux restaurants et cinémas ainsi que du Palais Omnisports ; que, dès lors, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a considéré que la fermeture de ce commerce le dimanche en raison du repos dominical simultané de tout le personnel salarié compromettrait le fonctionnement normal de la société ;
7. Considérant toutefois que la circonstance qu'un établissement soit situé au sein d'un centre commercial, c'est-à-dire d'une structure offrant simultanément en un même lieu de larges possibilités de ventes et d'activités de loisirs, est par elle-même sans incidence sur les conditions d'application de l'article L. 3132-20 du code du travail ; que la société Sephora fait valoir que pour 2012, les ventes réalisés le dimanche ont représenté 22 % de son chiffre d'affaires ; que, toutefois, le seul fait que le dimanche représente une part significative du chiffre d'affaires réalisé par l'établissement bénéficiaire de la dérogation à l'obligation de repos dominical ne suffit pas à établir un risque pesant sur le fonctionnement de cet établissement lorsqu'il n'est pas démontré que le report de ce chiffre d'affaires sur les autres jours de la semaine serait impossible ; qu'en l'espèce, eu égard à l'activité de vente de produits cosmétiques et de parfumerie de cet établissement, il n'est pas établi que les achats réalisés par les consommateurs le dimanche ne pourraient pas être réalisés les autres jours de la semaine, et notamment le samedi ; qu'il n'est pas non plus établi que la clientèle du magasin Sephora est essentiellement une clientèle de passage ; qu'au demeurant, il n'est ni établi, ni même soutenu, que les éventuels concurrents de cet établissement, situés dans la même zone commerciale, seraient titulaires de dérogations leur permettant de travailler légalement le dimanche ; qu'enfin, la société Sephora ne peut utilement soutenir que ses salariés seraient tous volontaires pour travailler ce jour-là, dès lors que cette circonstance ne permet pas de caractériser une atteinte au fonctionnement normal de l'établissement ; que, dès lors, l'absence d'autorisation d'ouverture dominicale ne peut être regardée comme de nature à compromettre le fonctionnement normal du magasin Sephora au sens de l'article L. 3132-20 du code du travail ; que, par suite, en se fondant sur la circonstance selon laquelle la fermeture de ce commerce le dimanche en raison du repos dominical simultané de tout le personnel salarié affecterait son fonctionnement normal, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a entaché sa décision d'illégalité ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sephora n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en date du 25 juillet 2012 ;
Sur les conclusions des défendeurs tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que les succombants soient condamnésa aux dépens :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Sephora à verser au syndicat commerce interdépartemental d'Ile-de-France CFDT, au syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels, à l'union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, au syndicat CGT-Force Ouvrière des employées et cadres du commerce de Paris, à la fédération des employés et cadres CGT Force Ouvrière et au syndicat SUD commerce et services Ile-de-France, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ces frais comprenant le droit de plaidoirie ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Sephora.
Article 2 : La requête de la société Sephora est rejetée.
Article 3 : La société Sephora versera au syndicat commerce interdépartemental d'Ile-de-France CFDT, au syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels, à l'union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, au syndicat CGT-Force Ouvrière des employées et cadres du commerce de Paris, à la fédération des employés et cadres CGT Force Ouvrière et au syndicat SUD commerce et services Ile-de-France, une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 10PA03855
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N° 13PA03480