Vu le recours, enregistré le 20 juin 2013, du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; Le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1120245/6-2 et n° 1206526/6-2 du
23 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de
M. B...A..., les décisions en date des 7 septembre 2011 et 8 février 2012 par lesquelles le conseil médical de l'aéronautique civile a déclaré M. A...inapte " classe 1 et 2 ", ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de rechercher si M. A...souffre de troubles de la personnalité et si ces troubles sont compatibles avec la profession de pilote de ligne-commandant de bord et, d'une façon générale, avec la pratique du pilotage aérien ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée ;
Vu l'arrêté du 2 décembre 1988 relatif à l'aptitude physique et mentale du personnel navigant technique de l'aviation civile, modifié ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2005 relatif à l'aptitude physique et mentale du personnel navigant technique professionnel de l'aéronautique civile (FCL 3), modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2014 :
- le rapport de M. Marino, président-assesseur,
- les conclusions de M. Ladreyt, rapporteur public,
- et les observations de Me Joly, avocat de M.A... ;
1. Considérant que M.A..., né en 1956, est employé par la compagnie Air France en qualité de commandant de bord sur Boeing 747-400 ; que le 10 avril 2010, alors qu'il effectuait un vol Rio-Paris, il a fait part aux membres de l'équipage de sa théorie, reposant sur une approche paranormale et sur le recours à un médium, concernant la disparition du vol Rio-Paris survenu le 1er juin 2009 ; qu'à la suite de cet incident, qui a ému ses collègues de bord, son supérieur hiérarchique l'a placé, le 12 mai 2010, en " arrêt de vol " ; que, le 19 mai 2010, le docteur Kaufman, médecin du service médical de la compagnie l'a déclaré inapte temporairement et a saisi le centre d'expertise médicale aéronautique de Roissy ; que le docteur Paris, médecin chef de ce centre l'a, au vu des avis du docteur Colliard, psychiatre dudit centre, déclaré, le 21 mai 2010, inapte classe 1 (pilote professionnel), puis, le 25 juin 2010, inapte
classe 1 et classe 2 (pilote non professionnel) ; que, le 18 mars 2011, M. A...a saisi le conseil médical de l'aéronautique civile d'une demande de dérogation au sens des dispositions du
point 6 de l'article D. 424-2 du code de l'aviation civile ; que, le 26 avril 2011, le conseil médical de l'aéronautique civile a rejeté cette demande en précisant que le dossier était " (...) à représenter au conseil médical après expertise complète classe 1 (...) " par le centre principal d'expertise médicale du personnel navigant de l'hôpital d'instruction des armées Percy ; qu'au vu de ladite expertise réalisée le 1er juillet 2011 par le docteur Colas, le conseil médical de l'aéronautique civile l'a, par une décision en date du 7 septembre 2011 déclaré inapte classe 1 et classe 2 ; que M. A...a, sur le fondement des dispositions du a) du point 5 de l'article précité du code de l'aviation civile, formé devant le conseil médical de l'aéronautique civile, le
17 janvier 2012, un recours à l'encontre des décisions précitées du médecin chef du centre d'expertise médicale aéronautique de Roissy en date des 21 mai et 25 juin 2010 ; que, par décision du 8 février 2012, le conseil médical de l'aéronautique civile a rejeté son recours, l'a déclaré inapte classe 1 et classe 2 et a indiqué que le dossier devrait lui être représenté après expertise ; que, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie fait régulièrement appel du jugement du 23 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions attaquées du conseil médical de l'aéronautique civile des 7 septembre 2011 et 8 février 2012 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la décision du 8 février 2012, par laquelle le conseil médical de l'aéronautique civile s'est prononcé sur la situation de M.A..., est intervenue à la suite d'un nouvel examen de la situation de l'intéressé, consécutif au recours que celui-ci avait formé contre la décision de refus d'aptitude émanant du centre d'expertise médicale aéronautique de Roissy ; que, cette décision constitue une nouvelle décision, susceptible de recours pour excès de pouvoir, et non une mesure confirmative dans l'attente des résultats d'une nouvelle expertise ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'aviation civile : " Le commandant, les pilotes, (...) d'un aéronef doivent être pourvus de titres aéronautiques et de qualifications dans des conditions déterminées par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et, le cas échéant, du ministre de la défense. (...) " ; que l'article L. 410-2 de ce code dispose :
" Les centres d'expertise de médecine aéronautique (...) délivrent, pour le personnel navigant, après examen, les certificats médicaux exigés pour exercer les fonctions correspondant aux titres aéronautiques (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 2 décembre 1988 susvisé définissant les normes d'aptitude réglementaire des personnels non professionnels de l'aéronautique civile: " Les navigants non professionnels doivent répondre aux conditions d'aptitude physique et mentale de classe 2 qui sont définies en annexe. " ; que l'article annexe dudit arrêté dispose : " Les normes suivantes constituent un niveau minimal dont le médecin examinateur doit apprécier chaque composante au regard de son incidence sur les conditions de sécurité dans lesquelles le navigant doit exercer ses fonctions. / Il tient pour éliminatoire, temporairement ou définitivement, tout élément susceptible de nuire à cette sécurité.
(...) / 2 2.1.1. Affections neurologiques et mentales. / M. - Le médecin porte une attention particulière à la recherche d'antécédents médicaux et de signes cliniques d'affections neurologiques ou mentales. (...) / 2.1.1.2. Affections mentales. / Le candidat ne doit présenter ni antécédents médicaux ni manifestations cliniques d'une des affections mentales suivantes : / - psychose ; / - névrose caractérisée et constituée ; / - troubles de la personnalité pouvant causer des désordres, des actes ou des troubles, des conduites ou des attitudes et réactions sociopathiques nettement établies ; / - état déficitaire ; / - manifestations psychosomatiques importantes et habituelles ; / - intoxication par l'alcool ; / - pharmacodépendance et toxicomanie. (...) " ; Qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 janvier 2005 susvisé définissant les normes d'aptitude réglementaire des personnels navigants techniques professionnels de l'aéronautique civile : " Les personnels navigants techniques professionnels de l'aéronautique civile (...) doivent répondre aux dispositions administratives et normes médicales, ci-après désignées de " classe 1 ", annexées au présent arrêté. " ; qu'aux termes de l'article FCL 3.205 dudit texte : " Conditions d'aptitude psychiatrique : / (a) Le candidat ne doit pas avoir d'antécédents médicaux avérés, ni présenter de signes cliniques d'une quelconque maladie ou incapacité, état ou désordre psychiatriques, aigus ou chroniques, congénitaux ou acquis, susceptibles d'interférer sur l'exercice en toute sécurité des privilèges de la ou des licences concernées. / (b) Une attention toute particulière doit être portée sur ce qui suit (voir appendice 10 de la sous-partie B) : / 1) Symptômes évoquant une psychose ; / (2) Troubles thymiques et du caractère ; / (3) Troubles de la personnalité, notamment des troubles suffisamment graves pour avoir entraîné à plusieurs reprises des actes manifestes qui seraient susceptibles de mettre le candidat dans l'impossibilité d'exercer avec sécurité les privilèges de la licence sollicitée ou détenue ; / (4) Troubles mentaux et névroses ; / (5) Alcoolisme ; / (6) Usage ou abus de médicaments, drogues psychotropes ou de toute autre substance, avec ou sans dépendance. " ; Que l'appendice 10 à la sous-partie B de ladite annexe dispose : " Conditions d'aptitude psychiatrique / 1. Un état comportant des symptômes psychotiques est cause d'inaptitude. (...) / 2. Les troubles thymiques sont cause d'inaptitude. (...) / 3. Des troubles de la personnalité, notamment des troubles suffisamment graves pour avoir entraîné à plusieurs reprises des actes manifestes, qui seraient susceptibles de mettre le candidat dans l'impossibilité d'exercer avec sécurité les privilèges de la licence sollicitée ou détenue sont causes d'inaptitude. (...) / 4. La consommation abusive d'alcool, la prise de médicaments psychotropes ou de drogues, avec ou sans état de dépendance, sont causes d'inaptitude. (...) " ;
4. Considérant que, pour annuler les décisions des 7 septembre 2011 et 8 février 2012, le Tribunal administratif de Paris a estimé que si, les pièces médicales des docteurs Kaufman du 19 mai 2010, Paris du 20 mai 2011, Colliard des 21 mai et 25 juin 2010 et Colas du
1er juillet 2011, mettaient en évidence l'existence de difficultés professionnelles entre M. A..., d'une part, et ses collègues et son responsable hiérarchique, d'autre part, aucune constatation médicale ne permettait de caractériser une incapacité, un état ou désordre psychiatrique au sens des dispositions précitées de l'article FCL 3.205 de l'annexe à l'arrêté du 27 janvier 2005 susvisé et de l'appendice 10 à la sous-partie B de ladite annexe, ou une affection mentale au sens des dispositions précitées du point 2.1.1.2 de l'article annexe à l'arrêté du 2 décembre 1988 susvisé ; que les premiers juges ont également considéré que la circonstance que lors du vol Rio/Paris du mois d'avril 2010, M. A...ait exposé à son équipage ses hypothèses personnelles, reposant sur une approche paranormale et le recours à un médium, relatives à la catastrophe du
vol Rio/Paris du 1er juin 2009 n'est pas de nature à caractériser une inaptitude médicale résultant de l'état de santé au sens des dispositions précitées ;
5. Considérant, cependant, que dans un rapport du 10 juillet 2012, certes postérieur aux décisions attaquées, le docteur Archambault, expert désigné par le conseil médical de l'aéronautique civile à la suite de la décision du 8 février 2012, a confirmé l'inaptitude de
M. A...alors que ce dernier a produit en cause d'appel, un contre-rapport d'expertise établi le 2 octobre 2012 par le docteur Peretti contestant les conclusions de cette expertise et confirmant les conclusions du précédent rapport d'expertise non contradictoire rédigé le 10 décembre 2011 par le professeur Angel à la demande de M.A... ; que, dans ces conditions, la Cour n'est pas en mesure de se prononcer sur l'inaptitude de M. A...à exercer les fonctions de pilote professionnel (classe 1) et privé (classe 2) ; qu'il y a lieu dès lors, en application de
l'article R. 621-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise sur ce point ;
D É C I D E :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur le recours présenté par le ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie, procédé par un expert désigné par le président de la Cour administrative d'appel, à une expertise avec mission :
- de se faire communiquer l'ensemble des documents relatifs à l'état de santé de
M. A...et notamment les différents rapports ou avis émis par les médecins qui l'ont examiné ;
- d'examiner M. A...et de rechercher s'il souffre d'une des affections mentionnées par l'arrêté du 2 décembre 1988 justifiant son inaptitude de classe 2 pour l'exercice des fonctions de pilote non professionnel, ainsi que d'une des affections mentionnées par l'arrêté du
27 janvier 2005 et notamment de son article FLC 3.205 justifiant son inaptitude de classe 1 pour l'exercice des fonctions de pilote professionnel.
Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il déposera son rapport au greffe du tribunal en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président du tribunal dans sa décision le désignant.
Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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N° 13PA02442