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29/01/2015 | FRANCE | N°13PA02960

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 29 janvier 2015, 13PA02960


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour la société Cortefiel France, dont le siège social est situé 13 rue du Quatre Septembre à Paris (75002), par Me Cygler, avocat ; la société Cortefiel France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1209287 du 28 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre une somme de 10 000 euros à la

charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu...

Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour la société Cortefiel France, dont le siège social est situé 13 rue du Quatre Septembre à Paris (75002), par Me Cygler, avocat ; la société Cortefiel France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1209287 du 28 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre une somme de 10 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

4°) de condamner l'Etat à lui rembourser les intérêts moratoires ;

Elle soutient que :

- elle était en droit de constituer des secteurs distincts pour ses activités d'assistance aux filiales et d'exploitation de marques commerciales, d'une part, de gestion de la trésorerie de ses filiales, d'autre part, sur le terrain de la loi et en vertu de la doctrine D. adm 5L-1421 n° 20 ;

- l'instruction 3 A-1-06 du 10 janvier 2006 s'opposait à ce que l'administration et le tribunal administratif retiennent le critère du prolongement direct, permanent et nécessaire pour apprécier le caractère accessoire ou non de son activité financière, ce critère ne concernant que les syndics ;

- la position de l'administration aboutit à taxer les rémunérations de personnel n'ayant aucune implication dans l'activité financière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- la constitution de secteurs distincts était impossible en l'espèce dès lors que les activités réalisées par la société Cortefiel France, de fourniture de prestations de services aux filiales et de centralisation de la trésorerie, étaient indissociables ;

- la centralisation de la trésorerie est le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité soumise à TVA ;

- en tout état de cause, la taxe sur les salaires doit également être assise sur les rémunérations versées au directeur général et à la directrice administrative et comptable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :

- le rapport de M. Dalle, président,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Cortefiel France relève appel du jugement du 28 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008, à la suite d'une vérification de comptabilité ;

Sur la réduction demandée :

2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, les employeurs doivent payer une taxe sur les salaires " lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) " ; que lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts, puis, à compter du 1er janvier 2008, de l'article 209 de la même annexe, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur ; que, toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ;

3. Considérant que la société Cortefiel France est la société holding d'un groupe spécialisé dans le prêt-à-porter ; que son activité consiste à fournir à ses filiales des prestations d'assistance, à mettre à leur disposition des marques commerciales et à gérer leur trésorerie, notamment en leur consentant des avances de trésorerie ; qu'au regard de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, elle a constitué deux secteurs distincts, l'un pour les activités, soumises à TVA, de prestations d'assistance et de mise à disposition de marques commerciales, l'autre, pour l'activité, donnant lieu à la perception d'intérêts exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, de gestion de trésorerie ; que, pour contester la taxe sur les salaires mise à sa charge, elle soutient qu'à l'exception d'une comptable affectée concurremment aux secteurs " gestion de la trésorerie " et " assistance et exploitation des marques ", l'ensemble de son personnel était affecté à ce dernier secteur, dont le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires était nul ; qu'en conséquence, l'administration aurait dû, selon elle, asseoir la taxe sur les salaires sur les seules rémunérations versées à la comptable affectée aux deux secteurs et non sur les rémunérations de l'ensemble du personnel ;

4. Considérant que l'administration ne conteste ni la réalité de la sectorisation opérée par la société Cortefiel France, ni la répartition de personnel effectuée à cette occasion par la société entre les deux secteurs ; qu'elle soutient que la société ne pouvait créer ces secteurs dès lors que les activités de la société sont indissociables et que l'activité de gestion de trésorerie constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité d'assistance et d'exploitation de marques ; que, cependant, l'activité d'assistance aux filiales et de mise à disposition des marques commerciales, d'une part, de gestion de la trésorerie, d'autre part, sont différentes par nature l'une de l'autre, les services correspondants peuvent être utilisés par les filiales indépendamment les uns des autres, mettent en oeuvre des techniques différentes et des moyens en personnel différents et chacun des secteurs n'est pas soumis aux mêmes dispositions au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu'il a été dit ; que, par ailleurs, l'administration, qui supporte la charge de la preuve eu égard à la procédure de redressement contradictoire suivie et les redressements ayant été refusés par la société requérante, ne fait état d'aucun élément de nature à établir que l'activité de gestion de la trésorerie serait, en l'espèce, indissociable de celle d'assistance aux filiales ou d'exploitation des marques commerciales, ou qu'elle en constituerait le complément indispensable ; qu'il suit de là que l'administration ne peut rejeter la demande de réduction d'impôt présentée par la société Cortefiel France au motif que celle-ci n'était pas en droit de constituer des secteurs d'activité distincts ;

5. Considérant, en revanche, qu'eu égard aux pouvoirs conférés par l'article L. 225-56 du code de commerce au directeur général d'une société anonyme, qui s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur, le ministre de l'économie et des finances est fondé à demander, comme il le fait à titre subsidiaire, que les rémunérations du directeur général de l'entreprise, M.A..., soient incluses dans les bases de la taxe sur les salaires et que soit appliqué à ces rémunérations le rapport d'assujettissement général à la taxe sur les salaires de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'il s'élevait à 66 % en 2007 et à 44 % en 2008 ; qu'en revanche, la même demande présentée par le ministre pour les rémunérations de la directrice administrative et comptable ne peut qu'être rejetée, en l'absence de dispositions légales similaires à celles de l'article L. 225-56 du code de commerce, pour les directeurs administratifs des sociétés anonymes ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la taxe sur les salaires due par la société Cortefiel France au titre des années 2007 et 2008 doit être établie à partir des seules rémunérations versées au directeur général (M.A...) et à la comptable (MmeB...) affectée par l'entreprise au secteur " gestion de la trésorerie " mais aussi au secteur " assistance aux filiales et exploitation des marques ", en appliquant à ces rémunérations le rapport d'assujettissement général de l'entreprise à la taxe sur les salaires, qui s'élevait à 66 % en 2007 et à 44 % en 2008 ; que la société Cortefiel France est fondée à demander la décharge de la différence entre la taxe sur les salaires à laquelle elle a été effectivement assujettie au titre des années 2007 et 2008 et la taxe calculée selon les modalités ci-dessus ; que le surplus de ses conclusions en décharge doit être rejeté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Cortefiel France est seulement fondée à demander la réduction de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008, en application des motifs exposés au point 6 ; que, pour le surplus, ses conclusions tendant à la décharge de la taxe sur les salaires restant en litige doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :

8. Considérant que les intérêts moratoires, prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, sont, en vertu des dispositions de l'article R. 208-1 du même code, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts " ; qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la requérante au sujet de ces intérêts ; que, dès lors, les conclusions de la requête qui tendent au versement par l'État d'intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Cortefiel France et non compris dans les dépens ; qu'aucune circonstance particulière ne justifie qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est accordé à la société Cortefiel France une réduction de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008, en application des motifs qui précèdent.

Article 2 : Le jugement n° 1209287 du 28 mai 2013 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à la société Cortefiel France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Cortefiel France est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cortefiel France et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Monchambert, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 janvier 2015.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE S. MONCHAMBERT

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA02960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02960
Date de la décision : 29/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CYGLER, FARGEAUD, PUBELLIER ASSOCIES, AARPI D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-01-29;13pa02960 ?
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