Vu la requête, enregistrée le 26 février 2013, présentée pour la commune de Maisons-Alfort, représentée par son maire, par la SELARL Horus Avocats ; la commune de Maisons-Alfort demande à la Cour :
1º) d'annuler le jugement n° 1007674/6 du 18 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a prononcé l'annulation de l'ordre de reversement émis le 1er octobre 2010 à l'encontre de Mme A...B..., l'a condamnée à verser à Mme B...la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de Mme B...le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'elle n'a pas été informée que le rapporteur public allait conclure à sa condamnation à verser à Mme B...une indemnité en réparation du préjudice moral dont celle-ci se prévalait, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- le maire était tenu de faire respecter les dispositions du règlement de location dès lors qu'il a été constaté que Mme B...n'était pas l'organisatrice de l'évènement, la location ayant pour seul but l'organisation de l'anniversaire de la soeur de l'intéressée, qui ne réside pas à Maisons-Alfort ; le rapport dressé par un agent assermenté qui a été produit devant les premiers juges établit que la déclaration effectuée par Mme B...était mensongère ; celle-ci n'a produit aucune pièce probante afin de rapporter la preuve qui lui incombe ; en tout état de cause, le fils de Mme B...et sa fiancée, qui seraient les organisateurs de l'évènement, ne sont pas domiciliés à Maisons-Alfort ; Mme B...a dissimulé l'objet réel de la location afin de contourner les dispositions du règlement ; dès lors, Mme B...n'est pas fondée à contester le titre exécutoire émis à son encontre ;
- aucune faute ne lui est imputable ;
- Mme B...n'établit pas l'existence d'un préjudice moral ; la manifestation s'est déroulée sans aucune entrave, alors que l'intéressée a méconnu le règlement de location ;
- la procédure contradictoire a été mise en oeuvre conformément aux exigences de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2013, présenté pour Mme A...B..., par la SELARL FGD Avocats, qui conclut au rejet de la requête, et demande en outre, par la voie de l'appel incident, que le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Maisons-Alfort soit porté à la somme de 5 000 euros assortie des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés, qu'il soit enjoint à la commune de faire publier, à ses frais exclusifs, des extraits de l'arrêt à intervenir dans les publications " Le Parisien " et " Maisons-Alfort Magazine ", dans la limite de 3 000 euros, ou à défaut de payer cette somme, et que le versement de la somme de
4 000 euros soit mis à la charge de la commune défenderesse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- les moyens invoqués par la commune de Maisons-Alfort ne sont pas fondés ;
- les premiers juges ont sous-estimé l'étendue de son préjudice moral ; la commune a fait preuve d'acharnement à son endroit, ainsi que le confirment les relances qui lui ont été indûment adressées les 8 novembre 2011, 4 janvier 2012 et 3 juillet 2013, alors que le titre exécutoire était suspendu puis annulé par le tribunal administratif ;
- elle est fondée à prétendre au paiement des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés ;
- l'arrêt à intervenir doit faire l'objet d'une publication, eu égard à l'atteinte portée à son honneur et à sa réputation ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 mars 2014, présenté pour la commune de Maisons-Alfort, par la SELARL Horus Avocats qui confirme ses précédentes écritures et conclut au rejet de l'appel incident et des conclusions aux fins d'injonction ou de condamnation présentées par MmeB... ;
Elle soutient, en outre, que :
- il n'existe aucun lien de causalité entre les faits imputés à la commune et les dommages allégués par MmeB... ;
- les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné à la commune de publier l'arrêt à intervenir sont irrecevables dès lors que le juge administratif n'est pas habilité à prononcer une telle injonction ; par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par l'intimée à titre complémentaire doivent être rejetées ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 janvier 2015, présenté pour MmeB..., par la SELARL FGD Avocats qui confirme ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 février 2015, présentée pour MmeB..., par la SELARL FGD Avocats ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général des propriétés des personnes publiques ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2015 :
- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- les observations de Me Bineteau, avocat de la commune de Maisons-Alfort et celles de Me Gabard, avocat de MmeB... ;
1. Considérant que, par contrat signé le 24 novembre 2009, Mme A...B...a pris en location auprès de la commune de Maisons-Alfort le salon " Butte de Grammont " du " Moulin Brûlé " pour les besoins de la réception organisée pour les fiançailles de son fils, prévue le 13 mars 2010 ; que, lors de la réception, le gérant de l'immeuble municipal a constaté que l'objet de l'évènement était la célébration du soixantième anniversaire de la soeur de MmeB... ; que, par lettre du 17 mars 2010, le maire de Maisons-Alfort a sollicité auprès de Mme B...des justifications concernant sa soeur afin de mettre à jour le dossier ; que, par lettre du 25 avril 2010, il a indiqué à l'intéressée qu'elle n'avait pas justifié de ce que la manifestation déclarée au titre du contrat de location avait été célébrée et qu'il envisageait d'émettre un titre exécutoire à son encontre à l'effet de recouvrer la somme de 5 967 euros dont elle était redevable en application de l'article 3 du règlement de la location des salons du " Moulin Brûlé " ; qu'après avoir procédé au retrait d'un premier titre exécutoire émis à l'encontre de MmeB..., en raison du vice de forme dont il était entaché, le maire a signé un ordre de reversement du 1er octobre 2010 afin de recouvrer la somme de 5 967 euros auprès de l'intéressée ; que la commune de Maisons-Alfort relève appel du jugement du 18 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé l'ordre de reversement émis le 1er octobre 2010, l'a condamnée à verser à Mme B...la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que Mme B...demande, par la voie de l'appel incident, que le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la commune soit porté à 5 000 euros et que cette somme soit assortie des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'en application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de l'audience publique du Tribunal administratif de Melun du 4 janvier 2013, le rapporteur public a proposé à la formation de jugement d'annuler l'ordre de reversement émis le 1er octobre 2010 à l'encontre de Mme B...et de condamner la commune de Maisons-Alfort à verser à celle-ci la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral ; que, toutefois, le sens des conclusions du rapporteur public consultable sur l'application " Sagace " ne faisait pas mention de la position du rapporteur public quant aux conclusions indemnitaires présentées par MmeB... ; que ces conclusions ne présentaient pas un caractère accessoire vis-à-vis de celles tendant à l'annulation de l'ordre de reversement, au regard de l'exigence de communication préalable du sens des conclusions du rapporteur public ; qu'il suit de là que la commune de Maisons-Alfort est fondée à soutenir qu'elle n'a pas été mise en mesure de connaître l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public comptait proposer au tribunal administratif d'adopter et que, par voie de conséquence, la procédure suivie devant le tribunal administratif était irrégulière ; que, par suite, le jugement en date du 18 janvier 2013 doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Melun ;
Sur le bien-fondé du titre exécutoire du 1er octobre 2010 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement de la location des salons du " Moulin Brûlé " approuvé par délibération du conseil municipal de la commune de Maisons-Alfort du 4 décembre 2008 : " Les locations des salons du Moulin Brûlé sont consenties (...) aux particuliers résidant à Maisons-Alfort pour eux-mêmes, leurs ascendants ou descendants domiciliés à Maisons-Alfort (...). " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : (...) Si le jour de réception, le gérant constate que l'organisateur n'est pas le demandeur, en application de l'article 1er du règlement, le tarif de la location sera revu et multiplié par 10 fois le montant initial de la location du salon (...) ; que l'article 4 du règlement dispose que : " La location est faite au nom du signataire de la demande (...). La sous-location est formellement interdite, sous peine de résiliation de l'autorisation (...) en cas de sous-location constatée le jour de la réception, le tarif de la location sera revu et multiplié par 10 fois le montant initial de la location du salon. Si la location est faite par un particulier, celui-ci doit être présent pendant toute la durée de la réception (...) " ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que la seule circonstance que l'objet déclaré de la location soit différent de son objet réel soit de nature à justifier que la majoration de tarif qu'elles prévoient soit mise à la charge du demandeur ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des attestations produites par MmeB..., que la réception que celle-ci a organisée a eu pour objet de célébrer les fiançailles de son fils, conformément à l'objet du contrat de location signé avec la commune ; que, dès lors, la circonstance que ladite réception ait également donné lieu à la célébration du soixantième anniversaire de la soeur de MmeB..., qui ne résidait pas à Maisons-Alfort, ne permet pas de considérer que la salle n'a pas été louée par Mme B...pour elle-même, au sens de l'article 1er du règlement précité ; qu'alors qu'il n'est pas démontré que Mme B...aurait sous-loué la salle à sa soeur, le caractère incomplet de la déclaration de l'intéressée quant à l'objet exact de la location n'est pas de nature à justifier que la majoration de tarif prévue par les dispositions précitées de l'article 3 du règlement de location soit mise à sa charge ; que, par suite, l'ordre de reversement du 1er octobre 2010 est privé de fondement et doit être annulé ;
Sur la responsabilité de la commune de Maisons-Alfort :
7. Considérant que l'illégalité de l'ordre de reversement émis à l'encontre de Mme B...le 1er octobre 2010 et le fait que le maire avait émis antérieurement un ordre de reversement qu'il a par la suite retiré ne sont pas, par eux-mêmes, les éléments générateurs du préjudice moral dont l'intéressée se prévaut ; que l'" acharnement " imputé par Mme B...à la commune de Maisons-Alfort n'est pas démontré ; qu'ainsi Mme B...n'établit pas la réalité du préjudice moral dont elle sollicite l'indemnisation ; que, dans ces conditions, Mme B...qui, au demeurant, a omis de déclarer de façon complète l'objet de la location en cause, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune ; qu'il suit de là que les conclusions indemnitaires et l'appel incident de Mme B...doivent être rejetés ;
Sur les conclusions tendant à la publication de la décision à intervenir :
8. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de prescrire la publication de ses décisions aux frais de la partie perdante ; que, dès lors, les conclusions présentées par MmeTouaty, tendant à ce que soit ordonné à la commune de Maisons-Alfort de faire publier, à ses frais exclusifs, des extraits de la décision à intervenir dans les publications " Le Parisien " et " Maisons-Alfort Magazine ", dans la limite de 3 000 euros, ou à défaut, à ce que la commune soit condamnée au paiement de cette somme, sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Maisons-Alfort le versement de la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Maisons-Alfort ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1007674/6 du 18 janvier 2013 du Tribunal administratif de Melun et l'ordre de reversement émis le 1er octobre 2010 par le maire de la commune de Maisons-Alfort à l'encontre de Mme B...sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Melun tendant à la condamnation de la commune de Maisons-Alfort à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et à la publication de la décision à intervenir est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Maisons-Alfort et à Mme A...B....
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Sanson, président,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 février 2015.
Le rapporteur,
C. CANTIÉLe président,
M. SANSON
Le greffier,
A.-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.