Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 23 avril 2014, présentés pour Mme D...B..., demeurant..., par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat aux Conseils ;
Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300459/2-2 du 20 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence conservé par la directrice générale de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) sur sa demande tendant à la régularisation rétroactive de sa situation administrative, et à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 190 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la perte d'une chance d'être titularisée dès le
1er janvier 1994, de la minoration corrélative de sa pension de retraite et des troubles dans ses conditions d'existence ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus ;
3°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 190 000 euros, sauf à parfaire, assortie des intérêts capitalisés ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le mémoire en défense produit par l'AP-HP devant le tribunal administratif ne lui a, en méconnaissance des dispositions des articles L. 5, R. 611-1 et R. 611-3 du code de justice administrative, pas été communiqué ;
- les dispositions de l'article 117 de la loi du 9 janvier 1986 ne lui imposaient pas de présenter une demande de titularisation, mais imposaient au contraire à l'administration de formuler une proposition en ce sens ;
- elle remplissait les conditions prévues par les dispositions de l'article 117 de la loi du
9 janvier 1986 à partir du 1er décembre 1994, sa quotité de travail ayant alors été fixée à 71,60 % du temps complet, soit une quotité de travail supérieure au mi-temps exigé par ces dispositions ;
- elle avait formé une demande de titularisation dès qu'elle avait été recrutée en qualité d'agent contractuel, dans le délai de six mois qui lui était ouvert à compter du 1er décembre 1994 par les dispositions de l'article 4 du décret du 21 janvier 1992, ainsi qu'il ressort des courriers qu'elle a adressés à sa hiérarchie notamment le 7 février 2008 et le 29 décembre 2010 ;
- le délai de six mois à compter de la date à laquelle elle avait réuni les conditions prévues par les dispositions de l'article 117 de la loi du 9 janvier 1986 n'a en tout état de cause pas couru ; l'AP-HP ne lui avait pas, au cours de la période litigieuse, notifié son classement sur la liste d'aptitude qui aurait été établie en vue de la titularisation ; il lui était donc loisible à de solliciter, à tout moment, le bénéfice de la titularisation ;
- l'AP-HP ne pouvait à tout le moins refuser de faire droit à sa demande de titularisation en date du 6 novembre 2005 sans entacher sa décision d'illégalité ;
- l'AP-HP a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité dont elle est fondée à demander réparation pour le montant total mentionné ci-dessus ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la demande adressée par Mme B...à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2014, présenté pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, par Me A... ; l'AP-HP conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme B...le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le mémoire en défense produit devant le tribunal administratif a bien été communiqué à MmeB... ;
- Mme B...ne justifie en tout état de cause pas que la prétendue méconnaissance de l'obligation de communiquer ce mémoire en défense aurait préjudicié à ses droits ;
- elle ne démontre pas l'existence dans le corps d'accueil de postes budgétaires vacants au 1er décembre 1994 ;
- les dispositions de l'article 117 de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article 2 du décret du 21 janvier 1992 lui faisaient obligation de présenter une demande, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait ; les courriers qu'elle a adressés à sa hiérarchie notamment le 7 février 2008 et le
29 décembre 2010, postérieurs de plusieurs années à la prétendue demande, ne peuvent établir qu'elle aurait présenté une telle demande ;
- sa demande de titularisation devait être présentée avant l'avis de la commission administrative paritaire et avant son inscription sur la liste d'aptitude ; elle ne peut donc se prévaloir de l'absence d'inscription sur la liste d'aptitude pour soutenir que le délai de six mois qui lui était ouvert à compter du 1er décembre 1994 par l'article 4 du décret du 21 janvier 1992, ne lui était pas opposable ;
- elle n'est ni recevable, ni fondée à contester, pour la première fois dans sa requête en appel, la décision du 10 novembre 2005 par laquelle l'AP-HP a refusé de la titulariser à la suite de sa demande en date du 6 novembre 2005 ;
- elle ne justifie ni d'un préjudice direct, certain et personnel, ni d'un lien de causalité entre ce préjudice et la prétendue faute ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 89-609 du 1er septembre 1989 ;
Vu le décret n° 92-75 du 21 janvier 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2015 :
- le rapport de M. Niollet, premier conseiller,
- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour MmeB..., et de MeA..., pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a été recrutée en qualité d'orthophoniste vacataire par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) sous contrat à durée déterminée à compter du 3 septembre 1975, puis sous contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 1994, et affectée à ce titre aux hôpitaux Cochin et Necker ; qu'elle a été nommée en tant que stagiaire, le 1er janvier 2009, puis titularisée dans le grade d'orthophoniste de classe normale le 1er janvier 2010 ; qu'elle a, le 12 septembre 2012, demandé à l'AP-HP de la titulariser à titre rétroactif à compter du 1er décembre 1994 et de reconstituer sa carrière en conséquence ; qu'elle fait appel du jugement du 20 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence conservé par l'AP-HP sur cette demande et à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 190 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties ;
3. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le mémoire en défense présenté devant le tribunal administratif par l'AP-HP aurait été communiqué à MmeB... ; que cette méconnaissance de l'obligation posée par l'article R. 611-1 du code de justice administrative ne saurait, eu égard à la motivation retenue par le premier juge, être regardée comme n'ayant pu avoir d'influence sur l'issue du litige ; qu'il résulte de ce qui précède que
Mme B...est fondée à soutenir que le jugement est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif ;
Sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 117 de la loi du
9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, visée ci-dessus : " Les agents non titulaires qui occupent un emploi permanent à temps complet ou à temps non complet dont la quotité de travail est au moins égale au mi-temps dans les établissements mentionnés à l'article 2 ont vocation à être titularisés sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 21 janvier 1992, visé ci-dessus : " La titularisation des agents (...) s'effectue dans les conditions suivantes : 1° (...) par voie d'inscription sur une liste d'aptitude établie par l'autorité investie du pouvoir de nomination après avis de la commission administrative paritaire compétente (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : " Les agents non titulaires disposent, pour présenter leur candidature, d'un délai de six mois à compter de la publication du présent décret s'ils remplissent les conditions requises ou, à défaut, à compter de la date à laquelle ils réunissent les conditions prévues par l'article 117 ou 118 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. Un délai d'option d'une durée égale leur est ouvert à compter de la date à laquelle ils reçoivent notification de leur classement pour accepter leur titularisation (...) " ;
6. Considérant que les courriers que Mme B...a adressés à sa hiérarchie les
7 février 2008, 29 décembre 2010 et 12 septembre 2012 ne peuvent établir qu'ainsi qu'elle le soutient, elle aurait présenté une demande de titularisation dans le délai de six mois à compter de la date à laquelle elle a réuni les conditions mentionnées à l'article 117 de la loi du
9 janvier 1986, soit le 1er décembre 1994, prévu par les dispositions citées ci-dessus de l'article 4 du décret du 21 janvier 1992 ; qu'elle ne saurait utilement se prévaloir d'une demande qu'elle a présentée le 6 novembre 2005, en dehors de ce délai ; qu'elle ne saurait davantage faire valoir que le délai d'option de six mois à compter de la notification de leur classement, ouvert aux agents pour accepter leur titularisation, n'a pas couru ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que l'AP-HP aurait été dans l'obligation de la titulariser à compter du 1er décembre 1994 et qu'elle aurait commis une faute en s'abstenant de procéder à cette titularisation ; que ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus et à fin d'indemnisation doivent par conséquent être rejetées ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'AP-HP, la demande de Mme B...doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'AP-HP tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300459/2-2 du Tribunal administratif de Paris du 20 janvier 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Niollet, premier conseiller,
Lu en audience publique le 18 mars 2015.
Le rapporteur,
J.C. NIOLLETLe président,
S. TANDONNET-TUROT
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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