Vu la requête, enregistrée le 12 août 2013 présentée pour la société anonyme Métropole Télévision dont le siège est 89 avenue Charles de Gaulle à Neuilly-sur-Seine (92200), par MeB... ; la société Métropole Télévision demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1209987/2-1 du 18 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution des sommes de 34 468 567 et 37 578 315 euros qu'elle a acquittées au profit du Centre national du cinéma et de l'image animée au titre de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision pour les années 2009 et 2010 ;
2°) de prononcer la restitution en cause ;
3°) à titre subsidiaire, de poser, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), les questions préjudicielles suivantes :
- la disparition du pouvoir de décision et de contrôle du Parlement sur l'affectation des ressources destinées à financer le régime français d'aide au cinéma et à l'audiovisuel constitue-t-elle une modification substantielle du régime d'aide qui aurait dû faire l'objet d'une notification à la Commission européenne sur le fondement de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE '
- l'augmentation significative des ressources finançant le régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel (environ 60 % sur la période 2007-2011) constitue-t-elle une modification substantielle du régime d'aide qui aurait dû faire l'objet d'une notification à la Commission européenne sur le fondement de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE '
- l'augmentation significative des ressources finançant le régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel, associée à la disparition du pouvoir de décision et de contrôle du Parlement sur l'affectation desdites ressources, constitue-t-elle une modification substantielle du régime d'aide qui aurait dû faire l'objet d'une notification à la Commission européenne sur le fondement de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE '
- le recouvrement de taxes, pour des montants très significatifs et sur plusieurs années, affectées à une réserve destinée au financement d'un régime d'aide nouveau, antérieurement à la décision de la Commission européenne approuvant ledit régime, aurait-il dû faire l'objet d'une notification à la Commission européenne en application de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE '
- le recouvrement de taxes et leur affectation au financement d'aides futures devant faire l'objet d'une autorisation de prolongation de la Commission européenne, avant toute décision de celle-ci approuvant cette prolongation, auraient-ils dû faire l'objet d'une notification à la Commission européenne en application de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE '
4°) de mettre à la charge du Centre national du cinéma et de l'image animée la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- alors que la taxe sur les services de télévision constitue une aide d'Etat au sens de l'article 107, paragraphe 1 du TFUE, des modifications substantielles ont affecté cette taxe à partir du 1er janvier 2009 en application de l'article 55 de la loi n° 2008-1425 du
27 décembre 2008 ;
- elles résultent de l'affectation directe du produit de la taxe au Centre national de la cinématographie créé par la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, ce qui a eu pour effet de supprimer le pouvoir de décision du Parlement sur l'affectation des fonds nonobstant le fait que ce dernier soit rendu destinataire d'un rapport sur cette affectation ;
- il résulte de rapports parlementaires, d'un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle ainsi que d'un rapport de la Cour des comptes rendu public en octobre 2012 que le contrôle parlementaire a été affaibli, entrainant une dérive de la dépense et que les données produites par le Centre national de la cinématographie dans le cadre de la procédure budgétaire n'offrent pas au Parlement une visibilité suffisante ;
- en outre, il y a eu un accroissement substantiel du montant des taxes qui ont été affectées à ce régime d'aide à savoir près de 60 % sur la période 2007-2011 ;
- l'article 4 § 1 du règlement CE n° 794/2004 de la Commission européenne du
21 avril 2004 prévoit une nouvelle notification à la Commission dès lors que le budget d'un régime d'aides autorisé augmente de plus de 20 % ;
- le point de comparaison pertinent est le montant initial du régime d'aide ;
- le produit de la taxe a augmenté de plus de 20% entre 2008 et 2009 ;
- les excédents financiers, dont a bénéficié le Centre national de la cinématographie, ont servi à financer des aides qui n'ont été approuvées par la Commission européenne que postérieurement ; il en a été ainsi du nouveau régime d'aide en faveur de la numérisation des oeuvres qui a été mis en application dès 2009 mais n'a été approuvé que par une décision de la Commission européenne du 21 mars 2012 ;
- une partie des sommes collectées par le Centre national de la cinématographie au moyen notamment de la taxe sur les vidéogrammes a permis de financer, par avance, la prolongation du régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel, qui n'avait pas encore été approuvée lors du prélèvement de ladite taxe au titre de la période litigieuse et qui a donné lieu à la décision de la Commission européenne du 20 décembre 2011 ;
- un tel prélèvement en amont est contraire à l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;
- par l'arrêt Van Calster du 21 octobre 2003 la Cour de justice de l'Union européenne a pourtant jugé qu'une cotisation destinée à financer un régime d'aide ne pouvait être perçue rétroactivement sur une période antérieure à la décision de la Commission européenne ayant approuvé le régime d'aide ;
- le comptable du Centre national du cinéma et de l'image animée ayant reçu la taxe litigieuse était incompétent ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2014 présenté pour le Centre national du Cinéma et de l'image animée, par la SCP Piwnica etD..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelante la somme de 3500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la commission européenne a été informée de la modification du régime d'aide quand elle en a approuvé la prolongation le 20 décembre 2011 ;
- les modalités d'affectation et de transit de la taxe sont sans influence sur le fondement juridique de l'aide ;
- le principe d'affectation de la taxe au Centre national du cinéma et de l'image animée est resté inchangé ;
- les recettes et dépenses n'ont pas dépassé de plus de 20 % le montant du régime d'aide autorisé ;
- l'aide au master numérique ne constitue pas une aide nouvelle non autorisée ;
- l'aide à la numérisation des oeuvres n'a pas été mise en oeuvre avant son autorisation ;
- la Commission européenne a autorisé la prolongation du régime d'aide ;
- le comptable du Centre national du cinéma et de l'image animée ayant reçu la taxe litigieuse était compétent ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er juillet 2014 présenté par la société Métropole Télévision qui maintient ses conclusions précédentes par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que :
- la taxe est inconstitutionnelle en tant qu'elle est assise sur les recettes multimédia ;
- les recettes multimédia collectées par les sociétés M6 Web et Echo 6, soit 20 856 499 euros au titre de 2009 et 10 057 153 euros au titre de 2010 doivent être retirées de la base taxable ;
- la taxe est inconstitutionnelle en tant qu'elle fixe à 4% le montant des frais déductibles ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 25 juillet 2014 par lequel le Centre national du cinéma et de l'image animée maintient ses conclusions précédentes par les mêmes moyens ; il soutient en outre que :
- l'inconstitutionnalité de la loi en tant qu'elle soumet à la taxe les recettes multimédia n'a été invoquée que postérieurement à la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-362 QPC du 6 février 2014 ;
- la taxe n'est pas inconstitutionnelle en tant qu'elle fixe à 4% le montant des frais déductibles ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 27 août 2014 présenté par la société Métropole Télévision qui maintient ses conclusions précédentes par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la décision n°2013-362 QPC du 6 février 2014 du Conseil Constitutionnel est applicable à l'espèce ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 octobre 2014, présenté pour le Centre national du cinéma et de l'image animée, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la société Métropole Télévision ne présente pas de caractère nouveau ;
Vu la décision par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 11 février 2015 à 12 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 avril 2015, présentée pour le Centre national du cinéma et de l'image animée ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, ensemble le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant sa mise en oeuvre ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 63-280 du 19 mars 1963 portant règlement d'administration publique et relatif à la publication des décisions concernant la situation individuelle des fonctionnaires ;
Vu les arrêts nos 13PA3213 QPC1, 13PA3213 QPC 2 et 13PA3213 QPC 3 en date du
26 novembre 2014 de la présente Cour statuant sur les demandes de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité présentées par la société Métropole Télévision ;
Vu la décision n°386031 en date du 16 janvier 2015 par laquelle le Conseil d'Etat a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil Constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l'article 90 de la loi
n° 2007-1824 du 25 décembre 2007, codifié sous le c) du 1° du II de l 'article 302 bis KB puis sous le c) du 1° du II de l'article 1609 sexdecies du code général des impôts ;
Vu le code du cinéma et de l'image animée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2015 :
- le rapport de M. Magnard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., pour la société Métropole Télévision et de Me D...pour le Centre national du cinéma et de l'image animée ;
1. Considérant que la société Métropole Télévision a sollicité auprès du Centre national du cinéma et de l'image animée la restitution des sommes de 34 468 567 et 37 578 315 euros qu'elle a acquittées au titre de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision pour les années 2009 et 2010 ; que l'établissement public lui a refusé cette restitution par décision du 13 avril 2012 ; que la société Métropole Télévision fait appel du jugement du
18 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ladite restitution ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis K, II, 1°, A transféré à l'article 1609 sexdecies , II,1°, a) du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 28 A de la loi n° 97-1239 du 23 décembre 1997, applicable à la taxe perçue en 2009: " I. Il est institué une taxe due par tout éditeur de services de télévision au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067
du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui est établi en France et qui a programmé, au cours de l'année civile précédente, une ou plusieurs oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques éligibles aux aides du Centre national du cinéma et de l'image animée, ainsi que par tout distributeur de services de télévision au sens de l'article 2-1 de la loi
n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée établi en France. (...) ; " qu'aux termes de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée applicable à la taxe perçue en 2010 : " Il est institué une taxe due par tout éditeur de services de télévision (...) qui est établi en France et qui a programmé, au cours de l'année civile précédente, une ou plusieurs oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques éligibles aux aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée, ainsi que par tout distributeur de services de télévision (...) établi en France. (...) Le produit de la taxe acquittée par les éditeurs de services de télévision est affecté au Centre national du cinéma et de l'image animée. Le produit de la taxe acquittée par les distributeurs de services de télévision est affecté à ce même établissement. (...) " ;
Sur la compatibilité de la taxe avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. " ; qu'aux termes de l'article 108, paragraphe 3, du même traité : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 108, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. " ; qu'aux termes de l'article 1er, point c), du règlement (CE) susvisé du 22 mars 1999 : " " aide nouvelle " : toute aide, c'est-à-dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une aide existante, y compris toute modification d'une aide existante " ; qu'aux termes de la première phrase de l'article 2, paragraphe 1, du même règlement : " (...) tout projet d'octroi d'une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l'Etat membre concerné. " ; qu'aux termes de l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) susvisé du 21 avril 2004 : " Aux fins de l'article 1er, point c), du règlement (CE) n° 659/1999, on entend par modification d'une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l'évaluation de la compatibilité de la mesure d'aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d'un régime d'aides existant n'excédant pas 20 % n'est pas considérée comme une modification de l'aide existante. " ; qu'il résulte de ces stipulations et dispositions que, s'il appartient exclusivement à la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées à l'article 107 du TFUE, est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit traité, compatible avec le marché commun, il incombe aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 précité de l'article 108 du TFUE, d'en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution ;
4. Considérant que par décision du 22 mars 2006, la Commission européenne a déclaré compatibles avec le marché commun différents régimes d'aides au cinéma et à l'audiovisuel, qu'elle a en conséquence approuvés jusqu'à la fin de l'année 2011 ; que cette approbation incluait différentes taxes affectées à ces régimes d'aides, parmi lesquelles la taxe sur le chiffre d'affaires des diffuseurs télévisuels ; que par décision du 10 juillet 2007, la Commission a approuvé une évolution de cette dernière taxe en une taxe sur le chiffre d'affaires des distributeurs audiovisuels et des éditeurs de services de télévision ; que par décision du 20 décembre 2011, la Commission a approuvé une prolongation des différents régimes d'aides ; qu'enfin par décision du 21 mars 2012, la Commission a approuvé un dispositif spécifique de soutien à la numérisation de certaines oeuvres cinématographiques qui présentent un intérêt particulier sur le plan patrimonial, financé par les mêmes taxes ; que la société Métropole Télévision soutient que la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision qu'elle a acquittée au titre des années 2009 et 2010 fait partie intégrante de régimes d'aides au cinéma et à l'audiovisuel devant être regardés comme distincts des régimes approuvés par les décisions des 22 mars 2006 et 10 juillet 2007, ce dont il résulte, selon elle, qu'ils constitueraient des aides nouvelles instituées sans notification préalable à la Commission européenne, et en conséquence illégales ; qu'à l'appui de ce moyen, la société Métropole Télévision fait valoir que les régimes approuvés par la Commission ont subi entre ces décisions prises en 2006 et 2007 et les années litigieuses d'acquittement de la taxe, des modifications telles qu'ils doivent être regardés comme des aides nouvelles qui auraient dû faire l'objet de notifications ;
5. Considérant que, pour démontrer l'existence de ces modifications, la société se prévaut, en premier lieu, de ce qu'alors qu'à la date des premières décisions de la Commission, le produit de la taxe était affecté à un compte d'affectation spécial ouvert dans les écritures du Trésor, le produit est, depuis 2009, en application de l'article 55 de la loi n° 2008-1425
du 27 décembre 2008, directement affecté au Centre national du cinéma et de l'image animée, ce dont il résulte pour le Parlement une perte de sa compétence en ce qui concerne cette répartition ainsi que d'une partie de son pouvoir de contrôle sur l'utilisation de la taxe ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, qui ne saurait utilement se prévaloir de rapports parlementaires et d'un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle établis en 2011 ainsi que d'un rapport de la Cour des comptes rendu public en octobre 2012, cette évolution n'emporte pas de modification des éléments structurels du système de financement de l'aide et n'a par lui-même d'effet ni sur le contenu, ni sur le volume des aides ; qu'au surplus, et en tout état de cause, le Parlement ne saurait être regardé comme ayant perdu tout contrôle sur ce régime dès lors qu'il est destinataire d'un rapport annuel établi par le Centre national de la cinématographie au vu duquel il pourrait remettre en cause cette affectation ; que la modification ainsi apportée par le législateur, par elle-même sans effet sur le fonctionnement intrinsèque des régimes d'aides au cinéma et à l'audiovisuel, ne saurait être regardée comme une modification substantielle telle qu'elle devrait être regardée comme l'institution d'une aide nouvelle entraînant l'obligation d'une nouvelle notification ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient que l'augmentation très forte du produit de la taxe en cause et plus généralement des ressources affectées au Centre national de la cinématographie, ainsi que des aides versées par ce dernier, a également constitué une modification substantielle du régime d'aide de nature à justifier une nouvelle notification à la Commission européenne dès lors que l'article 4 § 1 du règlement CE n° 794/2004 de la Commission européenne du 21 avril 2004 prévoit que toute augmentation de plus de 20 % du budget initial d'un régime d'aide existant doit donner lieu à une nouvelle notification à la Commission ; qu'il ne résulte toutefois ni de cette argumentation ni des documents produits à l'appui de ladite argumentation que les plafonds des différentes aides tels qu'ils étaient fixés par la décision de la Commission du 22 mars 2006, qui constituent le budget initial du régime d'aide au sens de l'article 4 du règlement précité, auraient été dépassés de plus de 20 % ;
7. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune aide destinée au plan de numérisation des films n'a été versée aux opérateurs concernés par le Centre national de la cinématographie antérieurement à l'approbation de ce plan d'aide par une décision du 21 mars 2012 de la Commission européenne, laquelle a d'ailleurs expressément relevé ce fait ; qu'il n'est en outre pas contesté que les aides au master numérique pouvaient être accordées auparavant sur le fondement de différents modes de soutien à la distribution de films figurant au nombre des régimes approuvés le 22 mars 2006 ; que, dans ces conditions, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que des sommes auraient été prélevées afin de financer la numérisation des films avant que la Commission européenne n'ait approuvé cette extension du régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel ; que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir sur ce point de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 octobre 2003 Aff. 261/01 Van Calster qui a sanctionné la perception de cotisations avec effet rétroactif au titre d'opérations ayant été effectuées antérieurement à la décision autorisant un régime d'aides dès lors que, dans le présent cas d'espèce, la taxe a été perçue dans le cadre d'un régime régulièrement approuvé par la commission et que les fonds destinés à la numérisation des films et des salles n'ont pas été engagés préalablement à la décision d'autorisation de la Commission du 21 mars 2012 ;
8. Considérant, enfin, que la prolongation du régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel au delà du 31 décembre 2011 a été approuvée par une nouvelle décision de la Commission européenne en date du 20 décembre 2011 ; que, dans ces conditions, le produit de la taxe n'a pas été utilisé pour financer un régime d'aide non notifié à la commission ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que des fonds destinés à financer la prolongation de ce régime au-delà du 31 décembre 2011 auraient été prélevés au titre des années en cause ;
Sur la compétence du comptable du Centre national du cinéma et de l'image animée :
9. Considérant que la taxe en cause a été liquidée par la société requérante et versée spontanément au Centre national du cinéma et de l'image animée ; que dès lors le moyen tiré de ce que Mme A...C...ne serait pas habilitée à exercer les fonctions d'agent comptable dudit Centre est inopérant ; qu'en tout état de cause ni les dispositions de l'article 28 de la Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, aux termes desquelles " Les décisions portant nominations, promotions de grades et mises à la retraite doivent faire l'objet d'une publication suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. " ni celles du décret n°63-280 du 19 mars 1963 relatif à la publication des décisions concernant la situation individuelle des fonctionnaires n'imposent la publication des décisions portant renouvellement des décisions de détachement prises à l'égard des fonctionnaires concernés ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de
Mme C...au motif tiré de ce que la décision de renouvellement de son détachement auprès du Centre national du cinéma et de l'image animée n'avait pas été publiée ne peut qu'être écarté ;
Sur la constitutionnalité de la taxe en tant qu'elle fixe à 4% le montant des frais déductibles :
10. Considérant que par deux arrêts 13PA03213 QPC 1 et 13PA3213 QPC 2 en date du 26 novembre 2014 la présente Cour a refusé de transmettre, par le motif qu'elles étaient dépourvues de caractère sérieux, le moyen tiré de ce que la taxe en cause est inconstitutionnelle en tant qu'elle fixe de manière forfaitaire à 4% le montant des frais déductibles ; que le moyen tiré de cette inconstitutionnalité ne saurait en conséquence être utilement soulevé à l'appui des conclusions en restitution présentées par la société requérante ;
Sur la constitutionnalité de la taxe en tant qu'elle prévoit la taxation des recettes multimédia encaissées par des tiers :
11. Considérant que par une décision n°2013-362 QPC du 6 février 2014 le Conseil Constitutionnel a constaté la contrariété à la Constitution des termes " , ou aux personnes en assurant l'encaissement, " figurant au c) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée applicable à l'année 2010 ; qu'il en a ainsi, nécessairement, jugé de même des termes identiques figurant dans les dispositions précitées des articles 302 bis KB, II, 1°, c et 1609 sexdecies , II,1°, c) du code général des impôts, applicables à l'année 2009, dont le c) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée constitue la simple reprise ; qu'en fixant la prise d'effet de sa décision à compter de la publication de celle-ci, et en précisant que ladite décision ne pouvait être invoquée à l'encontre des impositions définitivement acquittées et qui n'avaient pas été contestées avant cette date, le Conseil Constitutionnel a, contrairement à ce qui est soutenu par le Centre national du cinéma et de l'image animée, permis que cette décision soit invocable par tous les contribuables ayant déjà, à la date de sa prise d'effet, formulé une contestation de l'imposition en cause et non par les seuls contribuables ayant contesté lesdites impositions par le moyen tiré de l'inconstitutionnalité constatée ; qu'il suit de là que la société requérante est fondée à demander que soit exclue de sa base imposable les recettes multimédia collectées par les sociétés M6 Web et Echo 6, soit 20 856 499 euros au titre de 2009 et 10 057 153 euros au titre de 2010 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de saisir, sur le fondement de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles relatives au régime d'aide au cinéma et à l'audiovisuel et à son financement au regard des dispositions de l'article 108 paragraphe 3 du traité précité, que la société requérante est seulement fondée à demander l'exclusion de sa base imposable des recettes multimédia collectées par les sociétés M6 Web et Echo 6, soit 20 856 499 euros au titre de 2009 et 10 057 153 euros au titre de 2010 ainsi que la restitution de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision correspondante ; que pour le surplus, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du Centre national du cinéma et de l'image animée la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions du Centre national du cinéma et de l'image animée présentées sur le fondement de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La base imposable à la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision acquittée par la société Métropole Télévision est réduite de 20 856 499 euros au titre de 2009 et 10 057 153 euros au titre de 2010.
Article 2 : Le Centre national du cinéma et de l'image animée restituera à la société Métropole Télévision la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision acquittée, à hauteur de la réduction de base prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus de la requête de la société Métropole Télévision est rejeté.
Article 4 : Le Centre national du cinéma et de l'image animée versera à la société Métropole Télévision la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du Centre national du cinéma et de l'image animée présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Métropole Télévision et au Centre national du cinéma et de l'image animée.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Appèche, président,
M. Magnard, premier conseiller,
M. Niollet, premier conseiller,
Lu en audience publique le 16 avril 2015.
Le rapporteur,
M. MAGNARDLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
S. APPECHE
Le greffier,
P. LIMMOISLa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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7
N° 11PA00434
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N° 13PA03213