Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2013, présentée pour Mme B...A..., ex-épouseC..., demeurant..., par Me Carrere, avocat ; Mme A... demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1211617/2 du 28 juin 2013 par laquelle le vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître sa demande tendant, d'une part, à la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées par le trésorier principal du 16ème arrondissement de Paris, correspondant aux cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1993 et 1994 ainsi qu'à la taxe d'habitation afférente à l'année 2010, et, d'autre part, à la restitution des sommes appréhendées par voie d'avis à tiers détenteur et, en tout état de cause, de la somme de 4 122,20 euros ayant donné lieu à mainlevée le 24 mai 2012 ;
2°) de lui accorder la décharge de l'obligation de payer ces sommes et la restitution des sommes versées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le juge administratif est compétent pour statuer sur sa demande, laquelle est relative à l'exigibilité de l'impôt ;
- eu égard à l'impossibilité du trésorier de produire les titres autorisant le recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 1993 et 1994, la créance litigieuse n'est pas exigible ;
- compte tenu de la procédure de redressement judiciaire engagée à l'encontre de son mari, il ne pouvait être procédé à des prélèvements sur ses salaires, qui ont le caractère de biens communs ;
- ne résidant plus depuis le mois de juillet 2009 au 9 ter de la rue de Boulainvilliers à Paris, elle n'est pas redevable de la taxe d'habitation afférente à ce logement en 2010 ;
- sa demande de restitution n'est pas tardive ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la demande de Mme A... revêt un caractère gracieux qui ne ressort pas de la compétence du juge du recouvrement ;
- les moyens relatifs au recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu sont irrecevables à l'appui des conclusions d'assiette de la requérante ;
- le moyen tiré de ce que Mme A... ne réside plus depuis le mois de juillet 2009 au 9 ter de la rue de Boulainvilliers à Paris est inopérant à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la taxe d'habitation ;
- il justifie des titres exécutoires sur le fondement desquels les poursuites en litige ont été exercées ;
- la demande de Mme A... est tardive et, par suite, irrecevable ;
- en application des dispositions de l'article 1685 du code général des impôts, la poursuite du recouvrement de la totalité de la dette fiscale en cause pouvait être diligentée à l'encontre de Mme A... ;
- les litiges opposant le comptable, d'une part, au mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de M. C... et, d'autre part, à Mme A..., débitrice solidaire d'impositions communes avec M. C..., ne concernent pas les mêmes parties et ont un objet différent ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 février 2014, présenté pour Mme A... ; elle conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Vu les pièces dont il résulte que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la taxe d'habitation afférente à l'année 2010 qui n'était pas visée par la réclamation préalable du 17 avril 2012, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de l'avis à tiers détenteur du 20 février 2007, qui a fait l'objet d'une mainlevée totale le 24 mai 2012 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2015 :
- le rapport de Mme Versol, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
1. Considérant que Mme A..., dont le divorce avec M. C..., prononcé par le Tribunal de grande instance de Paris par jugement du 5 septembre 2012, a pris effet à compter du 30 juillet 2009, relève appel de l'ordonnance du 28 juin 2013 par laquelle le vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées par le trésorier principal du 16ème arrondissement de Paris et correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1993 et 1994 ainsi qu'à la taxe d'habitation afférente à l'année 2010 ;
2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, la juridiction administrative est compétente pour connaître des contestations relatives au recouvrement des impositions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 199 du même livre lorsqu'elles portent sur l'existence de l'obligation de payer, le montant de la dette, l'exigibilité de la somme réclamée ou tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt ; que, toutefois, le tribunal de la procédure collective est, quelle que soit la nature des créances en cause, seul compétent pour connaître des contestations relatives à la mise en oeuvre des règles propres à la procédure collective ;
3. Considérant que, pour rejeter la demande de Mme A... comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, le vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a estimé que la procédure de redressement judiciaire ouverte le 27 mars 2008 à l'encontre de M. C..., alors l'époux de Mme A..., a eu notamment pour effet de suspendre le recouvrement des créances fiscales à l'égard de ce dernier et sur les biens communs jusqu'à la clôture de la procédure collective et que la contestation soulevée par Mme A... portait sur la validité d'avis à tiers détenteur au regard de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce ; qu'il a, par suite, jugé que cette contestation se rattachait au déroulement de la procédure collective et qu'elle ne ressortissait pas à la compétence du juge administratif, mais à celle du juge des procédures collectives ;
4. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que devant le premier juge, Mme A... a entendu contester l'existence de l'obligation de payer résultant de trois avis à tiers détenteur émis par le comptable auprès de son employeur, les 12 mars 1997 et 20 février 2007, pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1993 et 1994 par le foyer fiscal qu'elle formait avec M.C... ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 263 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1991 de finances rectificative pour 1991 : " L'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des impositions privilégiées, quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers détenteur deviennent effectivement exigibles. Il comporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991 " ; qu'aux termes de cet article 43 : " L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'effet d'un avis à tiers détenteur, qui est le transfert à l'Etat de la propriété de la créance du contribuable, s'exerce et s'épuise dès sa notification au tiers détenteur, quelles que soient les conditions dans lesquelles les sommes détenues par le tiers sont ensuite effectivement versées ;
6. Considérant que les avis à tiers détenteur litigieux sont antérieurs à la procédure de redressement judiciaire ouverte le 27 mars 2008 à l'encontre de M. C... et ont produit tous leurs effets dès 1997 et 2007, dates auxquelles ils ont été notifiés à l'employeur de MmeA..., quelles que soient les conditions dans lesquelles celui-ci a ultérieurement versé au comptable les salaires de l'intéressée ; que la contestation desdits avis est donc dépourvue de lien avec la procédure collective concernant M. C...et ne peut être regardée comme relative à la mise en oeuvre des règles propres à cette procédure ; qu'il suit de là que Mme A...est fondée à soutenir que la juridiction administrative est seule compétente pour en connaître et à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
7. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la taxe d'habitation afférente à l'année 2010 :
8. Considérant que la réclamation préalable du 17 avril 2012 présentée par Mme A... ne vise pas la taxe d'habitation afférente à l'année 2010 ; que, par suite, sont irrecevables les conclusions présentées par Mme A... devant les premiers juges et tendant à la décharge de l'obligation de payer cette imposition ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de l'avis à tiers détenteur du 20 février 2007 :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis à tiers détenteur émis le 20 février 2007, portant sur la somme de 4 122,20 euros, a fait l'objet, le 24 mai 2012, d'une décision portant mainlevée totale d'opposition ; que, dès lors, les conclusions de la demande enregistrée le 12 juillet 2012 au greffe du Tribunal administratif de Paris, tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de l'avis à tiers détenteur du 20 février 2007, sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ;
Sur le bien-fondé de la demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant des deux avis à tiers détenteur émis le 12 mars 1997 :
10. Considérant que si Mme A... doit être regardée comme ayant entendu soutenir que les avis à tiers détenteur en litige ont été émis pour avoir recouvrement d'impositions non exigibles faute d'avoir été mises en recouvrement, l'administration produit en appel les avis d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre de 1993 et 1994, mis en recouvrement le 1er mars 1997 et adressés à M. et MmeC..., ainsi que les extraits de rôle délivrés par le comptable et l'état récapitulatif du rôle, revêtu de la formule d'homologation ;
11. Considérant qu'en raison de l'effet d'attribution immédiate qui s'attache aux avis à tiers détenteur du 12 mars 1997, lesquels, ainsi qu'il a été dit au point 6, avaient produit tous leurs effets dès leur notification, en 1997, à l'employeur de Mme A...et étaient antérieurs à la procédure collective ouverte en 2008 à l'encontre de M.C..., les moyens tirés de ce que, dans le cadre de cette procédure, le juge-commissaire, dont la décision avait été confirmée par la Cour d'appel de Paris, avait rejeté la créance que le Trésor avait produite et de ce que, du fait de cette procédure, aucun prélèvement ne pouvait être effectué par voie d'avis à tiers détenteur sur les salaires de MmeA..., qui avaient le caractère de biens communs, ne peuvent qu'être écartés ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie et des finances, que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin de restitution des sommes versées ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1211617/2 du 28 juin 2013 du vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande de Mme A... présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 13 mai 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Dalle, président,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
- Mme Versol, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 mai 2015.
Le rapporteur,
F. VERSOLLe président,
D. DALLE
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA03464