Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2014, présentée pour la société à responsabilité limitée Valtigne, dont le siège est 16 boulevard Saint-Germain, à Paris (75005), par Me Mouzon ; la société Valtigne demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1222053 du 13 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en principal et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondant aux années 2008 et 2009 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre à l'intégralité des moyens soulevés dans la demande et en ce qu'il est insuffisamment motivé ;
- l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est fondé sur une interprétation restrictive du texte applicable ; en outre, l'administration a à tort refusé de saisir cet organisme de l'entier litige ;
- la société satisfait à trois des quatre conditions énoncées au 4° de l'article 261 du code général des impôts, ainsi qu'à celles de l'instruction 3 A 2-03 du 30 avril 2003 qui est opposable au service ;
- le service a pris formellement position dans les propositions de rectification des 29 juillet 2008 et 16 juin 2010 en admettant que la société effectuait des locations accompagnées de prestations para-hôtelières ; ces prises de position lui sont opposables sur le fondement de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales ;
- aucun profit sur le Trésor ne peut en conséquence lui être imputé ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui tend au rejet de la requête, par les motifs que :
- la requête est partiellement irrecevable ;
- le jugement attaqué est régulier ;
- la société a acquis, en novembre 2004, une propriété à Royan, sur laquelle elle a effectué d'importants travaux de reconstruction ; elle l'a donné en location à partir du mois d'août 2009 et les loyers ont été assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- le service a à bon droit remis en cause cet assujettissement au motif que la société n'établissait pas que la location incluait le petit déjeuner et le nettoyage des locaux ;
- la société n'établit pas avoir offert à ses clients des prestations para-hôtelières ; c'est en conséquence à bon droit que le service a rappelé la taxe qui grevait les immobilisations et qui avait été déduite à tort ;
- la doctrine invoquée ne fait que commenter le texte fiscal ;
- aucune prise de position formelle ne peut être opposée à l'administration ;
- la société ne formule aucune critique spécifique à l'encontre du profit sur le Trésor qui lui a été notifié ;
- le service établit le bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré qui assortissent les droits rappelés ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 juillet 2014, présenté pour la société requérante et tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2015, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, par lequel il conclut au rejet de la requête, par les mêmes motifs que ceux précédemment exposés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 21 mai 2015 :
- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de Me Mouzon, avocat de la société Valtigne ;
1. Considérant que la société à responsabilité limitée Valtigne, qui exerce l'activité de location en meublé de biens immobiliers, a acquis, le 19 novembre 2004, une propriété située à Royan (Charente-Maritime) ; qu'à compter du mois de mai 2007, elle y a fait réaliser d'importants travaux et l'a pour la première fois louée en août 2009 ; qu'elle a soumis les redevances de location à la taxe sur la valeur ajoutée et a déduit la taxe qui grevait le coût des travaux ; que, dans le cadre d'une vérification de sa comptabilité, ayant porté sur la période correspondant à ces deux années, l'administration a estimé que le produit des locations était exonéré de la taxe sur la valeur ajoutée, en vertu des dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, au motif que le société n'exerçait pas d'activité para-hôtelière ; qu'elle a en conséquence remis en cause les déductions effectuées et a notifié à la société les rappels correspondants, pour des montants respectifs de 91 016 euros en 2008 et de 27 097 euros en 2009 ; que la société Valtigne fait appel du jugement du 13 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de ces suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités pour manquement délibéré mises à sa charge ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est compétente, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, que sur le montant du chiffre d'affaires imposable ; qu'ainsi, la question de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par la société sur les travaux réalisés sur son immeuble de Royan ne relevait pas de la compétence de la commission; que, par suite et en tout état de cause, cette instance, pourtant saisie par l'administration, a à bon droit décliné sa compétence sur ce point ; que, de plus, la commission, également incompétente sur les questions de droit, n'avait pas davantage à donner son avis au sujet des prises de position antérieures du service sur le principe de cette déductibilité ; que le fait qu'elle n'a pas été saisie de ce point n'est en conséquence pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Valtigne a respectivement confié, à deux intermédiaires, les 21 novembre 2008 et 21 août 2009, la location de sa villa de Royan ; que les locations saisonnières effectuées à compter du mois d'août 2009 n'incluaient pas le petit-déjeuner ; que les contrats de location ne font pas mention de la fourniture aux clients de prestations de nettoyage de locaux ; que les mandats de location initialement conclus avec les intermédiaires ne mettaient à la charge de ces derniers aucune obligation de ce type ; que, si la société allègue que les prestations en cause étaient en réalité effectuées par des sous-traitants et facturées par ces derniers aux mandataires qui s'abstenaient d'en répercuter le coût sur les clients, les attestations produites en première instance ont été établies a posteriori pour les besoins du contrôle et aucune pièce nouvelle n'est produite sur ce point devant la Cour ; que les mentions figurant sur le site web de la société font seulement état, au nombre des prestations susceptibles d'être rendues, du " nettoyage en cours de séjour " ; que, dans ces conditions, la société Valtigne, qui n'établit pas avoir effectué au moins trois des quatre prestations mentionnées au b) du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, ne remplissait pas les conditions énoncées par ces dispositions ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration a estimé que les redevances de location étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée et a remis en cause la déduction de cette même taxe qui avait grevé le coût des travaux réalisés sur la villa ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal " ;
6. Considérant, d'une part, que le paragraphe 79 de l'instruction de la direction générale des impôts 3 A 2-03 du 30 avril 2003 énonce que la condition légale tenant au nettoyage régulier des locaux sera considérée comme établie lorsque, bien que ne fournissant pas un service régulier de nettoyage, l'exploitant dispose des moyens lui permettant de proposer un tel service au client durant son séjour selon une périodicité régulière ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, le nettoyage des locaux était effectué par un prestataire extérieur ; qu'ainsi, la requérante n'établit en tout état de cause pas entrer dans le champ de la doctrine dont elle se prévaut et ne peut, par suite, s'en prévaloir sur le fondement de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales ;
7. Considérant, d'autre part, que la proposition de rectification du 29 juillet 2008 adressée à la société, afférente aux résultats d'un contrôle relatif à une période antérieure, est relative au refus de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation ou sans justificatifs ; qu'elle ne comporte pas de prise de position formelle du service susceptible d'être opposée à ce dernier sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que la proposition de rectification du 16 juin 2010 est relative aux rappels de taxe contestés en l'espèce et ne contient, en conséquence, pas davantage de prise de position formelle du service ;
8. Considérant, enfin, que si la société Valtigne soutient que l'administration a, par sa documentation de base n° 13 L-1305, donné une interprétation de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales qui conduirait en l'espèce à la décharger des impositions mises à sa charge, cette interprétation qui ne concerne que la mise en oeuvre des articles L. 80 A et L. 80 B eux-mêmes, n'a pas pour objet d'interpréter le texte fiscal d'assiette qui constitue le fondement des droits en litige ; que, dès lors, la requérante ne peut utilement s'en prévaloir ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la contestation d'un profit sur le Trésor est inopérante au soutien de conclusions tendant à la décharge de suppléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
10. Considérant que ces pénalités ont majoré les rappels de droits correspondant à la remise en cause par le service, d'une part, de la déduction de montants de taxe sur la valeur ajoutée par anticipation, d'autre part, de la déduction de la taxe qui grevait d'acquisition d'une maison, non par la société, mais par ses associés ; qu'en se fondant sur l'importance des déductions opérées à ces titres ainsi que sur la qualité de professionnels de la comptabilité et de la fiscalité des associés et gérants de la société, l'administration établit le bien-fondé des pénalités qui ont majoré les droits rappelés ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir partielle opposée par le ministre, que la société Valtigne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui a répondu à tous les moyens invoqués et qui est régulièrement motivé, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions contestées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Valtigne est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Valtigne et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 21 mai 2015, à laquelle siégeaient :
M. Formery, président de chambre,
Mme Coiffet, président assesseur,
M. Vincelet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 juin 2015.
Le rapporteur,
A. VINCELET Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
S. JUSTINE
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution au présent arrêt.
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N° 14PA00236 2