Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2014, présentée pour Mme A... E...B..., épouseC..., domiciliée..., par Me D... ; Mme C... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1314380/2-2 du 19 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2013 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens ;
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 mai 2014 est irrégulier, le tribunal ayant commis un vice de procédure en exigeant une preuve supplémentaire, de la part de la requérante, des sévices subis et des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination et méconnait ainsi les exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision a méconnu les stipulations de l'article 4, paragraphe 4, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, dès lors que les pièces produites constituent des indices sérieux de la crainte d'être persécutée ou du risque réel de subir des atteintes graves ;
- le traitement approprié à sa pathologie n'est pas disponible dans son pays d'origine eu égard à la particularité de sa pathologie et à son parcours personnel ; ainsi, la décision litigieuse méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision n'est pas motivée ;
- en rejetant sa demande de titre de séjour, le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision contestée a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale méconnaissant ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision litigieuse est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre ;
- la décision a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu la décision n° 2014/053700 du 18 décembre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du
13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2015 :
- le rapport de M. Niollet, premier conseiller,
- et les observations de MeD..., pour MmeC... ;
1. Considérant que MmeC..., de nationalité congolaise, née le 19 avril 1972 à Kinshasa (République démocratique du Congo), est entrée en France le 1er octobre 2010 selon ses déclarations ; qu'elle s'est vu refuser le statut de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 février 2011, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 19 septembre 2012 ; qu'elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le médecin, chef du service médical de la préfecture de police a estimé, dans son avis du 27 mai 2013, que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par un arrêté du 9 septembre 2013, le préfet de police a rejeté la demande de MmeC..., a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de sa destination ; que Mme C...fait appel du jugement du 19 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que, si MmeC... soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'un " vice de procédure en exigeant une preuve supplémentaire de la part de la requérante des sévices subis et des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ", cette critique du bien-fondé du jugement attaqué est en tout état de cause sans incidence sur sa régularité ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que les premiers juges, en estimant que la requérante n'apportait pas d'élément de nature à établir qu'un défaut de prise en charge de sa pathologie l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants et que son droit à la vie serait menacé, et que, dès lors, le préfet de police n'avait pas méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne légalité de la décision de refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué se réfère à l'avis émis le
27 mai 2013 par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police et comporte l'exposé de l'ensemble des autres circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, il est suffisamment motivé ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C... ne saurait se prévaloir directement, à l'encontre de la décision du 9 septembre 2013 contestée dans le cadre du présent recours, des dispositions de l'article 4 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, non transposée en droit interne au 9 septembre 2013 et dont le délai de transposition expire
au 22 décembre 2013 ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;
7. Considérant que, si Mme C...conteste l'avis émis par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police le 27 mai 2013, en faisant valoir qu'elle souffre d'un syndrome de stress post-traumatique lié aux viols et tortures dont elle dit avoir été victime dans son pays d'origine, elle ne produit que des certificats médicaux datés des 16 novembre 2012,
18 mars 2013, 4 octobre 2013 et 16 juin 2014, rédigés en des termes imprécis et insuffisamment circonstanciés quant à la gravité de sa pathologie et au traitement nécessaire, qui se bornent à évoquer son anxiété lorsqu'est envisagé devant elle son retour dans son pays d'origine, sans préciser la nature des conséquences auxquelles elle serait exposée dans l'hypothèse d'un tel retour ; qu'en outre, si MmeC..., qui ne conteste pas l'existence de soins appropriés dans son pays d'origine, allègue qu'elle ne pourrait y avoir effectivement accès, il résulte des dispositions citées ci-dessus du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2011-672 du
16 juin 2011, que cette circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait intervenue en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus ou qu'elle reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...est sans charge de famille en France et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays, où demeurent... ; que la décision attaquée ne peut, dans ces conditions, être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus ;
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment,
Mme C...n'établit pas que le refus opposé à sa demande de titre de séjour serait illégal ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision pour contester l'obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre ;
11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que Mme C...peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;
En ce concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant, en premier lieu, que, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence ;
13. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l' article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'enfin, aux termes de l'article 2 de cette même convention : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) " ;
14. Considérant que Mme C...soutient que la décision contestée méconnaît ces dispositions et stipulations, eu égard à la privation du traitement médical et des soins nécessaires qui résulterait pour elle de son renvoi vers son pays ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, l'intéressée n'établit en tout état de cause pas être dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en République démocratique du Congo ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que la présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens, les conclusions présentées à ce titre par la requérante ne peuvent qu'être également rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...B..., épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Appèche, président,
Mme Tandonnet-Turot, président,
M. Niollet, premier conseiller,
Lu en audience publique le 18 juin 2015.
Le rapporteur,
J.C. NIOLLETLe président,
S. APPECHE
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA00434
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N° 14PA02794