Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2013, présentée pour la Banque de France, représentée par son gouverneur en exercice, par la SCP Antoine et Guillaume Delvolvé, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la Banque de France demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1114715/5-1 du 25 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à M.B... :
- une indemnité de départ à la retraite ;
- une indemnité assortie des intérêts au taux légal en réparation de son préjudice financier ;
- une indemnité assortie des intérêts au taux légal en réparation du préjudice lié au montant de sa pension de retraite ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à ses conclusions selon lesquelles les dispositions du code du travail relatives à la retraite ne sont pas applicables à ses agents ;
- les modalités de sortie du service de ses agents ont nécessairement une incidence sur l'accomplissement de la mission de service public dont elle est chargée, en sorte qu'il existe une incompatibilité entre les dispositions spéciale du statut du personnel relatives au départ de plein droit à la retraite et celles du code du travail qui accordent aux salariés la faculté de rompre leur contrat de travail lorsqu'ils ont atteint la limite d'âge prévue par le code de la sécurité sociale ;
- il ne peut être procédé à une comparaison entre les dispositions du statut du personnel de la Banque de France et celles du code de travail afin de rechercher si celles-ci sont plus favorables aux salariés en se limitant aux dispositions sur l'âge de la retraite sans tenir compte de l'ensemble des avantages, notamment en matière de carrière, de licenciement ou de pension ; dans leur ensemble, les dispositions du statut du personnel sont plus favorables aux agents de la Banque de France ;
- les dispositions du code du travail ne sont pas applicables à la décision plaçant M. B... à la retraite ;
- le préjudice de M. B...n'est pas certain, dès lors qu'il n'est pas établi que M. B... serait parti à la retraite à une date ultérieure ; son préjudice ne pouvait être évalué que selon les modalités relatives à une perte de chance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2013, présenté pour M. A... B..., demeurant..., par Me Bernier-Dupréelle, avocat ; M. B...demande à la Cour :
- de rejeter la requête de la Banque de France ;
- par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 25 avril 2013 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a calculé l'indemnité qu'il a condamné la Banque de France à lui verser, en ne tenant pas compte des dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail qui fixent l'âge de la retraite à 70 ans ;
- de mettre à la charge de la Banque de France le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la Banque de France n'établit pas que les missions de service public dont elle est chargée s'opposent à l'application des dispositions du code du travail à ses agents ; il est de jurisprudence constante que le code du travail s'applique directement aux agents de la Banque de France, qui ne sont pas des agents de droit public, alors même qu'il existe un statut du personnel comportant des dispositions particulières en matière de retraite ;
- l'invocation par la requérante de dispositions du code du travail qui seraient contraires au statut du personnel de la Banque de France est inopérante ; la circonstance qu'elles seraient moins favorables que les dispositions du statut du personnel l'est également ;
- les dispositions de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 sont opposables à la Banque de France ;
- la décision le plaçant à la retraite d'office a été prise à la seule initiative de la Banque de France ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 18 octobre 2013, présenté pour la Banque de France, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que :
- les dispositions du code du travail relatives à la retraite ne sont pas compatibles avec les missions de service public et le statut de la Banque de France ; les dispositions réglementaires concernant la mise à la retraite des agents de la Banque de France sont directement inspirées du statut de la fonction publique, caractérisé par le système de la carrière ; les agents de la Banque de France sont principalement recrutés à titre permanent, par voie unilatérale, dans un corps avec une situation statutaire ; ils perçoivent un traitement et bénéficient de la sécurité de l'emploi ; ce système a été adopté en vue de permettre à l'administration et à ses agents de faire face au mieux aux missions de service public dont ils ont la charge ; ces seules considérations suffisent à considérer que ce sont les règles statutaires de ces agents qui, formant un ensemble cohérent, doivent être appliquées, y compris celles qui régissent le départ à la retraite ;
- en vertu d'une jurisprudence constante, les dispositions du code du travail relatives à la retraite ne sont pas applicables aux agents qui sont soumis en vertu de la loi à un statut ;
- l'institution d'une limite d'âge a pour objet de permettre à la Banque de France de procéder à une gestion de ses effectifs tout en préservant son indépendance financière en vue d'assurer l'exercice de ses missions, en tenant compte des conditions de recrutement, de carrière de rémunération ainsi que de la pyramide des âges de ses agents ; les dispositions réglementaires de la Banque de France fixant l'âge limite de départ à la retraite sont compatibles avec les dispositions de la directive européenne 2000/78/CE ;
- M.B..., qui n'a pas demandé à être maintenu en activité, ne fournit aucun élément de nature à établir qu'il entendait poursuivre son activité jusqu'à l'âge de 70 ans, ni même jusqu'à l'âge de 65 ans ; le préjudice allégué n'est donc pas établi ; s'agissant d'un préjudice pour perte de chance, il doit être tenu compte de l'aléa encouru ; en tout état de cause, si les dispositions du code du travail devaient être appliquées, le préjudice doit alors être évalué selon les dispositions de ce code relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse, et non suivant les règles applicables en matière de fonction publique ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2014, présenté pour M. B..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que :
- seule une décision du Conseil général de la Banque de France, agréée par le ministre de l'économie et des finances, peut déroger à l'application des dispositions du code du travail, ce qui n'a pas été fait en ce qui concerne la fixation de l'âge légal de départ à la retraite ;
- les mesures transitoires auxquelles la Banque de France se réfère ne lui sont pas applicables, dès lors qu'il avait atteint l'âge de 60 ans le 22 juillet 2006 alors que les dispositions dont s'agit concernent les agents atteignant cet âge entre le 1er juillet 2007 et le 30 juin 2015, en sorte que le gouverneur de la Banque de France a, en prenant sa décision de mise à la retraite d'office, alors qu'il ne pouvait être mis à la retraite avant 65 ans, méconnu les dispositions de l'article 241 du statut du personnel dans sa rédaction applicable au 19 janvier 2007 ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 30 octobre 2014, présenté pour M. B..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 28 janvier 2015, présenté pour la Banque de France, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que les dispositions relatives à l'âge de la retraite ainsi qu'à l'indemnité de départ à la retraite doivent être considérées comme faisant partie du statut de la Banque de France ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 29 janvier 2015, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que la mise à la retraite prononcée en application du statut du personnel de la Banque de France, lui-même pris en application du décret n° 68-299 du 29 mars 1968 est irrégulière, dès lors que ce décret, qui n'a pas pris la forme d'un règlement d'administration publique, est entaché d'incompétence et d'un vice de forme ; dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions relatives au départ à la retraite des agents de la Banque de France font partie intégrante du statut de la Banque de France doit être écarté ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 mars 2015, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que :
- les dispositions du statut du personnel de la Banque de France fixant l'âge de départ à la retraite à 65 ans sont contraires aux dispositions de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;
- la décision par laquelle il a été placé à la retraite à l'âge de 63 ans étant illégale en vertu des dispositions du statut du personnel de la Banque de France, cette dernière a commis une faute de nature à justifier le versement de l'indemnité de licenciement au titre de l'article L. 1237-8 du code du travail ;
- les dispositions de la décision n° 718 du 20 mars 1961 ne font pas partie du statut de la Banque de France, dès lors qu'elles résultent d'une simple décision du gouverneur prise après délibération du Conseil général et non d'un décret pris en Conseil d'Etat ; l'indemnité qu'elle prévoit ne peut être versée que lors d'une décision de mise à la retraite prise dans des conditions conformes au statut du personnel ; l'allocation ne pouvait lui être versée dès lors qu'il ne pouvait faire valoir ses droits à la retraite à l'âge de 63 ans ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 avril 2015, présenté pour la Banque de France, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 doit être écarté, dès lors que celle-ci a été transposée par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 et que la jurisprudence admet des dérogations à l'interdiction des discriminations résultant de dispositions fixant une limite d'âge ; l'institution d'une limite d'âge a pour objet de permettre à la Banque de France de procéder à une gestion de ses effectifs tout en préservant son indépendance financière en vue d'assurer l'exercice de ses missions avec la meilleure efficacité en tenant compte des conditions de recrutement, de carrière, de rémunération ainsi que de la pyramide des âges de ses agents ;
- en application de l'article 21 du décret du 30 juillet 1963, le vice-président du Conseil d'Etat peut décider de ne pas porter un projet de règlement d'administration publique à l'ordre du jour de l'assemblée générale ;
Vu les pièces dont il résulte que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de M. B...tendant au versement de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 juin 2015, présenté pour M. B...en réponse au moyen d'ordre public communiqué par la Cour ;
Il soutient que sa demande tendant au versement de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail est recevable ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 juin 2015, présenté pour la Banque de France en réponse au moyen d'ordre public communiqué par la Cour ;
Elle soutient que les conclusions de M. B...tendant au versement de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail sont nouvelles en appel et irrecevables ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 ;
Vu le décret n°68-299 du 29 mars 1968 ;
Vu le décret n°2007-262 du 27 février 2007 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France ;
Vu le code du travail ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le statut du personnel de la Banque de France ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 18 juin 2015 :
- le rapport de Mme Coiffet, président,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de la Banque de France,
- et les observations de Me Bernier-Dupréelle, avocat de M.B... ;
1. Considérant que M.B..., qui a été recruté par la Banque de France le 22 septembre 1969 et y a exercé, en dernier lieu, les fonctions de directeur régional pour la région d'Ile de France, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à l'âge de 63 ans à compter du 1er août 2009 ; que, par une lettre du 14 juin 2011, adressée au gouverneur de la Banque de France, il a sollicité, d'une part, la réévaluation, sur le fondement des dispositions du code du travail, de l'allocation de départ à la retraite d'un montant de 38 113,60 euros que lui avait versée son employeur, et, d'autre part, le versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité supposée de la décision du 29 mai 2009 le plaçant à la retraite à l'âge de 63 ans ; que, du silence conservé par le gouverneur de la Banque de France sur cette demande est née une décision implicite de rejet que M. B...a déférée au Tribunal administratif de Paris ; que le tribunal, par un jugement du 25 avril 2013, a partiellement fait droit à la demande de M. B..., en condamnant la Banque de France à lui verser une allocation de départ à la retraite calculée selon les modalités définies par le code du travail ; qu'il l'a également condamnée à lui verser une indemnité au titre de ses préjudices financier et de pension, pour le calcul de laquelle M. B... a été renvoyé devant l'administration ; que la Banque de France fait appel de ce jugement ; que M. B..., par la voie de l'appel incident, conteste le montant des indemnités qui lui ont été allouées par les premiers juges en réparation de ses préjudices financier et de pension, en se prévalant de la faculté dont il disposait, en vertu du code du travail, d'exercer ses fonctions jusqu'à l'âge de 70 ans ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'en relevant, dans le jugement attaqué, qu'il n'était pas établi ni allégué que les dispositions du code du travail relatives à l'indemnité de départ ou encore fixant l'âge de départ à la retraite seraient incompatibles avec le statut de la Banque de France ou les missions de service public dont celle-ci est chargée, et que la Banque de France avait méconnu ces dispositions, les premiers juges ont répondu au moyen qu'elle avait soulevé devant eux, tiré de l'inapplicabilité des dispositions du code du travail à la situation de ses agents ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la Banque de France, le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour ce motif ;
Sur l'indemnité de départ à la retraite :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code monétaire et financier : " La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l'Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 142-9 du même code : " (...) Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public qui n'a cependant pas le caractère d'un établissement public, mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre des caractéristiques propres à la Banque de France, figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1237-5 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale sous réserve des septième à neuvième alinéas : / (...) / Avant la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale et dans un délai fixé par décret, l'employeur interroge par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse. / En cas de réponse négative du salarié dans un délai fixé par décret ou à défaut d'avoir respecté l'obligation mentionnée à l'alinéa précédent, l'employeur ne peut faire usage de la possibilité mentionnée au premier alinéa pendant l'année qui suit la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale. / La même procédure est applicable les quatre années suivantes " ; qu'aux termes de l'article L. 1237-7 du même code : " La mise à la retraite d'un salarié lui ouvre droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 " ; que l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : " Bénéficient du taux plein même s'ils ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires : / 1°) les assurés qui atteignent un âge déterminé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 351-27 de ce code : " (...) l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 est fixé à soixante cinq ans (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour déterminer le montant de l'allocation de départ à la retraite due à M.B..., la Banque de France s'est fondée sur les dispositions de l'article 1er de la décision règlementaire DR n°718 du gouverneur de la Banque de France du 20 mars 1961, qui prévoient que les agents des cadres titulaire, auxiliaire et latéral reçoivent, lorsqu'ils cessent leurs fonctions pour faire valoir leurs droits à la retraite, une allocation de départ dont le montant est fixé par l'article 2 de cette décision à : " / 1 mois de traitement au-dessous de 20 ans de services, / 2 mois de traitement à 20 ans de services. / Au-delà de 20 ans, le montant de l'allocation s'accroît de 1/5ème de mois de traitement par année complète de services dans la limite d'un maximum de 6 mois atteint à partir de 40 ans de services " ; que le tribunal administratif a considéré que les dispositions précitées de l'article L. 1237-7 du code du travail n'étaient pas incompatibles avec le statut de la Banque de France, ni avec les missions de service public dont elle est chargée, et a fait application de ces dispositions pour déterminer le montant de l'indemnité de départ à la retraite à laquelle M. B...pouvait légitimement prétendre ;
6. Considérant, toutefois, qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier, la fixation des limites d'âge des agents de la Banque de France relève du pouvoir réglementaire ; que le décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publics, pris pour l'application de cette loi, a fixé les conditions générales de mise à la retraite des agents de la Banque de France et prévu que les mesures d'adaptation nécessaires seraient prises par des règlements d'administration publique ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont arrêtées, pour chaque grade ou emploi, entre soixante ans minimum et soixante-cinq ans maximum, par décision du conseil général de la Banque de France approuvée par le ministre de l'économie et des finances, les limites d'âge des agents de ladite banque recrutés, après la date de publication du présent décret, dans les cadres du personnel titulaire, stagiaire ou auxiliaire, sauf s'ils ont été admis à l'un des concours dont les résultats ont été publiés avant cette date " ; que ce texte, comme l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires régissant l'institution, est partie intégrante du statut de la Banque de France ; qu'en application de ce statut, la Banque de France est tenue de mettre un terme aux fonctions des agents atteints par la limite d'âge ; qu'en revanche, l'article L. 1237-5 du code du travail prévoit seulement la faculté pour l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 précité du code de la sécurité sociale ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 1237-5 du code du travail sont incompatibles avec le statut de la Banque de France ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait application de ces dispositions à M.B..., qui avait seulement droit à une indemnité de départ à la retraite calculée selon les modalités fixées par l'article 1er de la décision règlementaire DR n°718 du gouverneur de la Banque de France du 20 mars 1961 ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-2 du code monétaire et financier : " Le conseil général administre la Banque de France. Il délibère des statuts du personnel. Ces statuts sont présentés à l'agrément des ministres compétents par le gouverneur de la Banque de France (...) " ;
9. Considérant que la décision règlementaire DR n°718 du gouverneur de la Banque de France du 20 mars 1961, fondant l'indemnité en litige, a été prise sur le fondement d'une délibération du conseil général du 16 février 1961, qu'elle vise, et qui donnait compétence au gouverneur de la Banque de France pour fixer les modalités de calcul des indemnités de départ à la retraite de ses agents ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision émanerait d'une autorité incompétente doit être écarté ;
Sur les autres indemnités :
En ce qui concerne la responsabilité de la Banque de France :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la banque de France : " Sont arrêtées, pour chaque grade ou emploi, entre 60 ans minimum et 65 ans maximum, par décision du conseil général de la Banque de France approuvée par le ministre de l'économie et des finances, les limites d'âge des agents de ladite banque recrutés, après la date de publication du présent décret, dans les cadres du personnel titulaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France dans sa rédaction issue de l'arrêté n° 2007-01 du Conseil général du 19 janvier 2007, entré en vigueur le 1er avril 2007 : " Les agents titulaires ont la faculté d'obtenir la liquidation de leur pension de retraite dès qu'ils remplissent les conditions fixées à cet effet par le règlement de la Caisse de réserve des employés. Sous réserve de dispositions transitoires fixées par un règlement du gouverneur, ils doivent prendre leur retraite-- sous réserve des dérogations prévues à l'article 242 ci-après - dès qu'ils ont atteint l'âge de 65 ans. Sauf cas de sanction disciplinaire ou de réforme les agents ne peuvent être mis d'office à la retraite avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans " ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, les dispositions des articles L. 1237-5 et L. 1237-8 du code du travail, qui prévoient que le salarié qui a atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 précité du code de la sécurité sociale peut être mis à la retraite si son employeur a recueilli, dans un délai défini, son consentement, sont incompatibles avec le statut de la Banque de France ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait application à M. B...de ces dispositions pour juger que la Banque de France n'avait pu légalement le mettre à la retraite à l'âge de 63 ans ;
12. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et devant elle ;
13. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 21 du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 : " Sont portés à l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire du Conseil d'Etat ou, sur décision du vice-président, après avis du président de la section ou de la commission compétente, à l'ordre du jour de l'assemblée générale plénière du Conseil d'Etat : (...) Les projets de règlements d'administration publique ainsi que les affaires sur lesquelles il doit être statué en vertu -d'une disposition spéciale par décrets rendus dans la forme des règlements d'administration publique; (...) Toutefois, le vice-président du Conseil d'Etat peut, sur proposition du président de la section ou de la commission compétente, décider de ne pas porter à l'ordre du jour de l'assemblée générale certains des projets mentionnés aux 2 et 3 ci-dessus " ;
14. Considérant que M. B...soutient que le décret susvisé du 29 mars 1968, qui modifie le décret n° 54-474 du 4 mai 1954 portant règlement d'administration publique, n'a pas été soumis pour avis à l'assemblée générale du Conseil d'Etat ; que, toutefois, le décret en litige a été pris " le Conseil d'Etat (section finances) entendu " ; que le vice-président du Conseil d'Etat a pu légalement, en application des dispositions précitées de l'article 21 du décret du 30 juillet 1963 et sur la proposition qui lui a été faite par le président de la section des finances, décider de ne pas porter le projet de décret dont s'agit à l'ordre du jour de l'assemblée générale du Conseil d'Etat ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'assemblée générale du Conseil d'Etat n'a pas été consultée sur ce projet doit être écarté ;
15. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M.B..., les dispositions en litige du statut du personnel sont applicables alors même que le caractère incompatible avec le statut de la Banque de France des dispositions du code du travail fixant l'âge de départ à la retraite des salariés n'a pas été constaté par une décision du Conseil général de l'institution ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction que la délibération du Conseil général du 6 mai 1976 et l'arrêté susmentionné n° 2007-01 01 du Conseil général du 19 janvier 2007 ont été soumis à l'agrément des ministres compétents par le gouverneur de la Banque de France, conformément aux exigences de l'article L. 142-2 du code monétaire et financier ;
16. Considérant, en troisième lieu, que M. B...soutient que les dispositions en litige du statut du personnel de la Banque de France, seules applicables à sa situation, en ce qu'elles énoncent que les agents doivent prendre leur retraite à l'âge de 65 ans alors que les salariés du secteur privé peuvent exercer leur activité jusqu'à l'âge de 70 ans, sont constitutives d'une discrimination au sens de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ; qu'aux termes de l'article 2 de cette directive : " Concept de discrimination 1. Aux fins de la présente directive, on entend par "principe de l'égalité de traitement" l'absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l'article 1er./ 2. Aux fins du paragraphe 1 : a) une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés à l'article 1er; b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes, à moins que : i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même directive : " Les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. (...) " ;
17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la limite d'âge de 65 ans opposée par les dispositions de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France aux agents titulaires répond à l'objectif légitime, invoqué par la requérante, d'assurer le renouvellement des cadres et d'atteindre une structure d'âge équilibrée afin de favoriser l'embauche ; que, dans ces conditions, et alors que le statut en cause prévoit des possibilités de report d'âge notamment pour les agents qui ont eu la charge de plusieurs enfants, le moyen tiré de l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge, en méconnaissance de la directive du 27 novembre 2000, doit être écarté ;
18. Considérant, toutefois, qu'en application des dispositions précitées de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France, qui fixent à 65 ans l'âge de départ à la retraite des agents titulaires, le gouverneur de la Banque de France ne pouvait, par la décision du 29 mai 2009, légalement placer d'office M. B...à la retraite à compter du 1er août 2009, alors qu'il n'était âgé que de 63 ans ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, aucune disposition de la décision réglementaire n° 2269 du gouverneur de la Banque de France du 30 novembre 2007, ni aucune autre disposition du statut du personnel ne rend applicable à l'intéressé les dispositions de l'article 241, dans leur rédaction antérieure à l'arrêté n° 2007-01 du Conseil général du 19 janvier 2007, entré en vigueur le 1er avril 2007, qui fixaient, par renvoi à l'article 404 du statut du personnel, l'âge de départ à la retraite des agents ayant le grade de M. B...à l'âge de 63 ans ; que, par suite, la Banque de France n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a jugé que, par l'adoption de la décision du 29 mai 2009, qui est entachée d'illégalité, elle avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M.B... ;
En ce qui concerne le préjudice financier :
19. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 17, M. B...aurait dû, conformément aux dispositions de l'article 241 du statut du personnel de la Banque de France, être maintenu en activité jusqu'à l'âge de 65 ans ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions ne lui permettaient pas d'exercer ses fonctions jusqu'à l'âge de 70 ans ; qu'ainsi, il n'est fondé à demander la réparation du préjudice financier qu'il a subi du fait de la décision du 29 mai 2009 le plaçant d'office à la retraite dès l'âge de 63 ans, que pour la période comprise entre le 1er août 2009 et la date anniversaire de ses 65 ans, soit le 23 juillet 2011 ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que M. B...avait droit, au titre de cette période, au versement d'une indemnité correspondant à la différence entre le montant des traitements dont il a été privé et le montant de la pension de retraite dont il a bénéficié ;
En ce qui concerne le préjudice lié au montant de la pension de retraite :
20. Considérant que c'est également à bon droit que le tribunal administratif a jugé que M. B... avait droit à ce que soit réparé son préjudice résultant de l'absence de cotisations au régime de retraite durant la période où il aurait dû poursuivre son activité professionnelle, soit jusqu'à l'âge de 65 ans ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
21. Considérant que la réalité du préjudice moral allégué, qui serait résulté pour l'intimé de son départ prématuré à la retraite, n'est pas établie ;
En ce qui concerne l'indemnité de licenciement :
22. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1237-8 du code du travail : " Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas réunies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement " ; qu'aux termes de l'article L. 1234-9 de ce code : " Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. (...) " ;
23. Considérant que M. B...fait valoir que la décision par laquelle il a été placé à la retraite à l'âge de 63 ans étant illégale, il doit être regardé, par application des dispositions précitées de l'article L. 1237-8 du code du travail, comme ayant fait l'objet d'une mesure de licenciement ; qu'il sollicite, en conséquence, le versement de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9 du même code ; que, toutefois, les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris ne tendait pas à l'allocation d'une indemnité de licenciement ; que la circonstance qu'il ait visé et retranscrit dans ses écritures de première instance les articles L. 1237-8 et L. 1234-9 du code du travail ne permet pas de considérer qu'il ait entendu se prévaloir des dispositions en cause pour demander le bénéfice de cette indemnité ; que la demande de M. B..., dont le bien-fondé ne dépend pas du caractère fautif de la décision prononçant son admission à la retraite, repose sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposaient les conclusions contenues dans la demande initiale adressée au tribunal tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité de cette décision ; qu'elle ne relève pas non plus de la même cause juridique que les conclusions par lesquelles M. B...a, devant les premiers juges, demandé la condamnation de la Banque de France à lui verser l'indemnité de départ à la retraite prévue à l'article L. 1237-7 du code du travail ; qu'elle constitue ainsi une demande nouvelle qui, présentée pour la première fois en appel, n'est pas recevable ;
24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la Banque de France est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à M. B...une indemnité de départ à la retraite calculée selon les modalités fixées à l'article L. 1237-7 du code du travail, et, d'autre part, que les conclusions d'appel incident de M. B... doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la Banque de France et M. B... ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement susvisé du 25 avril 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B...devant le Tribunal administratif de Paris, tendant à la condamnation de la Banque de France à lui verser une indemnité de départ à la retraite calculée par application des dispositions de l'article L. 1237-7 du code du travail, sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la Banque de France est rejeté.
Article 4 : Les conclusions d'appel incident de M. B...sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Banque de France et à M. A...B....
Délibéré après l'audience du 18 juin 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- M. Blanc, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 juin 2015.
Le rapporteur,
V. COIFFETLe président,
S. FORMERYLe greffier,
S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA02467