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30/06/2015 | FRANCE | N°15PA00908

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 30 juin 2015, 15PA00908


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 février et 14 mars 2015, présentés pour M. B... C..., demeurant..., par Me Bozize, avocat à la Cour ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 147713/5-3 du 12 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination du

quel il pourrait être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 février et 14 mars 2015, présentés pour M. B... C..., demeurant..., par Me Bozize, avocat à la Cour ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 147713/5-3 du 12 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'auteur de l'arrêté du 21 février 2013 était incompétent pour signer un tel acte à défaut de justifier d'une délégation de signature ;

- le préfet de police, en rejetant sa demande de titre de séjour, a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale ;

- l'illégalité de la décision lui refusant son admission au séjour entraîne l'illégalité de celle l'obligeant à quitter le territoire français ;

- le préfet de police a également méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français entraîne l'illégalité de celle fixant le pays de renvoi ;

- compte tenu de son appartenance politique, la décision fixant le pays de renvoi méconnait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu la décision du 16 janvier 2015 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis M. C...à l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 18 juin 2015 :

- le rapport de M. Blanc, premier conseiller,

- et les observations de Me Bozize, avocat de M. C... ;

1. Considérant que M.C..., ressortissant vénézuélien, né le 5 novembre 1953, et entré en France, selon ses déclarations, le 7 juillet 2007, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 21 février 2013, le préfet de police a rejeté la demande de M.C..., a assorti ce refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai ; que M. C...fait appel du jugement du 12 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été signé par M. Christophe Besse, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 6ème bureau au sein des services de la préfecture de police ; que M. A... disposait d'une délégation de signature que lui avait consentie le préfet de police par arrêté n° 2013-00003 du 4 janvier 2013, régulièrement publié le 11 janvier suivant au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de la décision litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

4. Considérant que M. C...se prévaut de l'ancienneté de son séjour sur le territoire national, de son état de santé pour lequel il bénéficie d'un suivi médical en France, ainsi que de son intégration sociale, professionnelle et sportive ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré un précédent refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français, en date du 21 octobre 2010 ; qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, et qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches au Venezuela, où il a vécu jusqu'à l'âge de 54 ans et où réside sa fille majeure, même s'il prétend n'avoir conservé aucun lien avec elle ; qu'au surplus, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans ces circonstances, en dépit des démarches accomplies par l'intéressé en faveur de son intégration dans la société française, le préfet de police, en rejetant la demande de titre de séjour dont il était saisi, n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a ainsi ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

6. Considérant que, si M. C...fait valoir qu'il a exercé la profession d'horloger au Venezuela, qu'il est bien inséré dans la société française et qu'il est très investi dans le domaine associatif, ces circonstances ne constituent pas des considérations humanitaires, ni des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui seraient de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement de ces dispositions ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article L. 313-14 précité en rejetant sa demande de titre de séjour ; que, le préfet de police n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, que les moyens invoqués à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour opposée à M. C...n'étant pas fondés, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;

9. Considérant que si M. C...soutient qu'il souffre d'une amyotrophie du bras gauche, ainsi que de multiples autres pathologies et de troubles psychologiques sévères, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment, des ordonnances et certificats médicaux produits, à défaut pour ces documents d'être suffisamment précis, que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait bénéficier de soins appropriés au Venezuela ; que, dès lors, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire national, le préfet de police aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) " ;

12. Considérant que M. C...n'apporte aucune précision relative aux risques de persécution auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine, dont les autorités compétentes en matière d'asile ont, au demeurant, considéré qu'ils n'étaient pas établis ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 21 février 2013 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery , président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 juin 2015.

Le rapporteur,

P. BLANCLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

S. JUSTINE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA00908


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00908
Date de la décision : 30/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : BOZIZE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-30;15pa00908 ?
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