Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 23 février et 26 juin 2015, présentés pour Mme C... B...D...épouseA..., demeurant..., par Me Boamah ; Mme C... B...D...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1310834/1 du 26 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 24 juin 2013 refusant le renouvellement du titre de séjour à Mme B...D..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de quinze jours et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme B...D...soutient que :
- le préfet du Val-de-Marne n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande en ce qu'il ne fait pas état des violences conjugales dont elle a fait l'objet ;
- l'arrêté porte atteinte à sa vie privée et familiale : ses attaches familiales sont sur le territoire français, sa fille arrivée à l'âge de deux ans sur le territoire français est scolarisée en classe de CE1, sa mère et ses deux frères résident régulièrement en France depuis plus de dix ans, elle est parfaitement intégrée ;
- le Tribunal n'a, à tort, pas retenu ces deux moyens ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée alors qu'il pouvait faire l'usage de son pouvoir de régularisation ;
- l'arrêté méconnait l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle a été victime de violences conjugales à l'origine de sa séparation avec son époux de nationalité française ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet du
Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;
Vu la décision n°2014/056777 du 22 janvier 2015 du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, admettant Mme B...D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2015 :
- le rapport de M. Polizzi, président assesseur,
- et les observations de Me Boamah, avocate de Mme B...D... ;
1. Considérant que Mme B...D..., née le 4 novembre 1985, de nationalité brésilienne, entré sur le territoire français en septembre 2008 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour délivré le 1er juillet 2011 en qualité de conjointe d'un ressortissant de nationalité française ; que, par un arrêté du 24 juin 2013, le préfet du Val-de-Marne a opposé un refus à sa demande et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par une décision en date du 23 septembre 2013 le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique exercé à l'encontre de cet arrêté ; que, par un jugement en date du 26 septembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de Mme B...D...tendant à l'annulation dudit arrêté ; que Mme B... D...relève régulièrement appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français(...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
4. Considérant que si les dispositions précitées de l'article L. 312-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne créent aucun droit au renouvellement du titre de séjour d'un étranger dont la communauté de vie avec son conjoint de nationalité française a été rompue en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de ce dernier, de telles violences, subies pendant la vie commune, ouvrent la faculté d'obtenir, sur le fondement de cet article, un titre de séjour, sans que cette possibilité soit limitée au premier renouvellement d'un tel titre ; qu'il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie le renouvellement du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, du délai qui s'est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies ;
5. Considérant que Mme B...D..., qui ne conteste pas le motif retenu par le préfet de police tiré de ce que la communauté de vie entre elle et son époux avait cessé, fait néanmoins valoir, comme elle l'avait fait lors du dépôt de sa demande de renouvellement, que cette communauté de vie a été rompue en raison des violences conjugales qu'elle a subies et que, par suite, le préfet du Val-de-Marne a inexactement apprécié sa situation au regard des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressée produit, au soutien de ses allégations, un procès verbal de dépôt de plainte en date du 21 octobre 2011 et que ses blessures ont été constatées par un médecin qui a relevé des " contusions de l'hémiface droit, plaies de la lèvre bord supérieur droit, plaie au niveau du pavillon de l'oreille droite et contusion au niveau du coude " ainsi qu'une ITT de 5 jours ; que les faits ainsi décrits par la requérante sont corroborés par plusieurs certificats et attestations sur l'honneur de ses proches ; qu'elle a en outre déposé une main courante le 21 février 2013 faisant état de la dangerosité de son époux, ainsi que des craintes qu'elle éprouvait pour elle et sa fille ; qu'elle a notamment obtenu l'aide juridictionnelle pour entamer sa procédure de divorce par décision du 28 mai 2013 ; que, dans ces circonstances, et eu égard au caractère détaillé, précis et concordant du faisceau d'indices apporté par Mme B...D..., les violences conjugales dont se prévaut l'intéressée doivent être regardées comme établies ; qu'eu égard à ces faits, l'intéressée est fondée à soutenir qu'en ne lui accordant pas le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de français, le préfet du Val-de-Marne a inexactement apprécié sa situation au regard des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a refusé de faire droit à sa demande ; que les motifs du présent arrêt impliquent nécessairement, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet du Val-de-Marne délivre à Mme B... D...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée de validité d'un an, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'accorder à Me Boamah la somme de 1 500 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1310834 du Tribunal administratif de Melun en date du 26 septembre 2014, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 24 juin 2013 et la décision du ministre de l'intérieur en date du 23 septembre 2013 rejetant le recours hiérarchique contre cet arrêté sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à Mme B...D...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Boamah une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que l'intéressée renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...D...épouse A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- Mme Chavrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 juillet 2015.
Le rapporteur,
F. POLIZZILe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 15PA00846