Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2014, présentée pour la SARL Somap dont le siège est 1 rue Auguste Bartholdi à Paris (75015), par Me A...; la SARL Somap demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1216026/2-2 du 13 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007, ensemble les pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le remboursement du timbre fiscal de 35 euros ;
Elle soutient que :
- le contrôle dont la SCI Blanqui a fait l'objet excède les limites d'un contrôle sur pièces et s'analyse comme une vérification de comptabilité innomée, les éléments permettant de constater l'existence d'un acte anormal de gestion ne pouvant avoir été tirés , ni des actes de ventes litigieux, ni des informations obtenues du service des hypothèques ;
- le service vérificateur a en fait été la 13ème brigade de Paris Ouest, qui a vérifié la comptabilité de la SARL Somap, et qui a procédé de même avec la SCI Blanqui par l'intermédiaire du service de Maisons-Alfort, ainsi qu'en atteste l'identification du service auquel devait être adressée la réclamation et les mentions de l'avis de mise en recouvrement ;
- la vérification de la comptabilité de la SARL Somap n'a pas donné lieu à un débat oral et contradictoire effectif conforme à la jurisprudence et à la réponse ministérielle Fredéric-Dupont, AN 28 janvier 1991 p.312 n°31102, dans la mesure où les trois interventions sur place sont intervenues préalablement au résultat du contrôle effectué par le service de Maison-Alfort ;
- l'anormalité de l'acte en cause a été déterminée à partir de renseignements non portés à la connaissance du contribuable, en méconnaissance des dispositions de l'article L 76 B du livre des procédures fiscales ;
- le local acquis par Mlle B...est situé en zone inondable, plein nord, à côté des caves et des locaux à poubelle et n'est pas comparable, contrairement au lot n°5, aux lots 2,3 et 4 utilisés par l'administration comme points de comparaison ;
- le prix de la cession à Mlle B...avait été fixé en 2005 ;
- le local acquis par la SCI du Soleil correspond à un comble aménagé de faible hauteur sous-plafond et éclairé par des vélux et n'est pas comparable aux lots normalement éclairés et de hauteur sous plafond normale, cédés deux auparavant et utilisés par l'administration comme points de comparaison ;
- il n'existe pas d'intention libérale au profit de MlleB... ou de la SCI du Soleil ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 3 et 24 juin 2014, présentés pour le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que :
- la SCI Blanqui n'a pas fait l'objet d'une vérification de comptabilité innomée mais d'un contrôle sur pièces ;
- les éléments de comparaison ont été obtenus auprès du service de publicité foncière ;
- les liens d'intérêts n'ont pas été obtenus dans le cadre d' " informations apocryphes " ;
- la vérification de comptabilité de la société Somap a donné lieu à un débat oral et contradictoire ;
- les éléments de comparaison retenus par le service correspondent à des biens similaires ;
- il existe des liens d'intérêts entre la SCI Blanqui et les acheteurs ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er octobre 2014, par lequel la SARL Somap maintient ses conclusions précédentes par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que :
- le caractère intentionnel de l'omission déclarative n'est pas établi ;
- la SARL Somap bénéficie de la présomption d'innocence ;
Vu la décision par laquelle le président de la 2ème chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 8 octobre 2014 à 12 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2015 :
- le rapport de M. Magnard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL Somap, en sa qualité d'associé unique de la SCI Blanqui, a été assujettie à un supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2007, consécutif à un redressement notifié à ladite SCI en matière de bénéfice industriel et commercial à raison de la remise en cause de la valeur vénale de trois lots vendus par cette dernière ; qu'elle fait appel du jugement n° 1216026/2-2 du 13 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ce supplément, ensemble les pénalités y afférentes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, que la société Somap soutient que le redressement notifié à la SCI Blanqui procède, non d'un contrôle sur pièces, mais d'une vérification de comptabilité de ladite SCI à laquelle s'est livrée l'administration sans faire bénéficier l'intéressée des garanties attachées à cette procédure ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la remise en cause du résultat déclaré par la SCI Blanqui au titre de l'exercice clos en 2007 procède d'une part, en ce qui concerne la sous-évaluation des prix de cession, des déclarations déposées par cette dernière au titre des années 2006 et 2007, des actes de vente de lots immobiliers à laquelle elle a procédé et d'informations obtenues auprès du service des hypothèques, et d'autre part, en ce qui concerne les liens d'intérêt existant entre la SCI Blanqui et les acquéreurs des lots, de la vérification de comptabilité de la société Somap ainsi que des documents sociaux de cette dernière ; que la requérante n'identifie aucune opération pouvant être regardée comme caractéristique d'un examen sur place des documents comptables de la SCI Blanqui ; que le moyen susanalysé doit dès lors être écarté comme manquant en fait ; que la circonstance que la 13ème brigade de Paris Ouest, qui a vérifié la comptabilité de la SARL Somap, soit mentionnée sur l'avis de mise en recouvrement et identifiée comme le service chargé d'instruire une éventuelle réclamation contentieuse n'est pas de nature à révéler l'existence d'une vérification de comptabilité de la SCI Blanqui ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L 57 ou de la notification prévue à l'article L 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; que s'il résulte de l'instruction que les redressements ont été établis pour l'essentiel à partir des éléments figurant dans les déclarations de la SCI Blanqui et des informations contenues dans le fichier immobilier qui proviennent des actes déposés au service des impôts en application des prescriptions de l'article 860 du code général des impôts, qui sont de ce fait hors du champ d'application de la règle désormais énoncée à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, les liens d'intérêt existant entre la société Blanqui et les acquéreurs des lots, et notamment la participation de la mère de MlleB..., qui a acquis trois des lots en cause, aux opérations de commercialisation, par la société Somap, des lots appartenant à la SCI Blanqui, ont été établis à partir de renseignements obtenus lors du contrôle sur place de la société Somap, ainsi que l'indique expressément le ministre dans son mémoire en date du 3 juin 2014 ; que toutefois la société Somap est l'associée unique de la SCI Blanqui ; que leurs dirigeants sont communs ; qu'il en résulte, ainsi d'ailleurs que de la réponse à la proposition de rectification adressée à la SCI Blanqui, que les dirigeants de cette société étaient avertis de la vérification de comptabilité de la société Somap, et des constatations faites au cours de cette vérification ; que par suite, les
renseignements susmentionnés ne sauraient être regardés comme ayant été obtenus de tiers au sens des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; qu'en conséquence, la seule circonstance que le service n'ait pas précisé dans les pièces de procédure adressées à la SCI Blanqui l'origine de ces renseignements ne révèle aucune méconnaissance de ces dispositions ; qu'en tout état de cause, et à supposer même que les renseignements susmentionnés puissent être regardés comme ayant été obtenus de tiers, ladite circonstance n'a, en l'espèce, privé la SCI Blanqui d'aucune garantie ;
4. Considérant, enfin, que nonobstant la circonstance que certains renseignements obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Somap aient été utilisés pour fonder les rectifications en litige, les impositions en résultant procèdent du contrôle sur pièces mis en oeuvre à l'égard de la SCI Blanqui et non de la vérification susmentionnée ; qu'il suit de là que les moyens tirés de l'irrégularité de cette vérification, et notamment de ce que les dirigeants de la société Somap auraient été privés de la garantie attachée à la tenue d'un débat oral et contradictoire sur place, sont inopérants ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Considérant, en premier lieu, que, le 6 septembre 2007, la SCI Blanqui a cédé à
Mlle B...trois lots d'un ensemble immobilier sis 87, quai Blanqui à Alfortville (Val-de-Marne), constitués d'un appartement, d'un emplacement de parking et d'une cave, pour un montant total de 285 000 euros TTC, soit un prix moyen de 919,35 euros par millième ; que l'administration a considéré que les lots en cause avaient été cédés pour un prix inférieur à leur valeur vénale, qu'elle a réévaluée à 367 463,66 euros TTC en substituant un prix moyen par millième de 1 185,36 euros ; que deux des locaux utilisés comme comparaison ont été cédés le même jour que le local en cause et le troisième au cours de l'année qui a précédé ; que si la société requérante fait valoir que deux des lots retenus à titre de comparaison par l'administration n'ont pas fait l'objet d'une " vente en état futur d'achèvement " (VEFA) contrairement à l'appartement acquis par l'intéressée, il est constant que la valeur vénale calculée par le service inclut le prix d'un lot cédé en VEFA ; que la société requérante fait valoir que le local est situé en zone inondable, plein nord, à côté des caves et des locaux à poubelles et n'est pas comparable, contrairement au lot n°5 vendu à un prix similaire, aux lots 2,3 et 4 utilisés par l'administration comme points de comparaison ; que, toutefois, le lot n° 5 ne dispose que d'un balcon alors que le lot cédé à Mlle B...dispose d'une terrasse et d'un jardin privatif ; que les locaux utilisés comme éléments de comparaison sont également situés au rez-de chaussée ; qu'ainsi, et alors même que le local cédé à Mlle B...a été réservé en 2005, et n'a été payé qu'en 2007, sans d'ailleurs que Mlle B...ait eu à supporter des frais financiers, et qu'il existe des différences liées à l'orientation et à la surélévation de certains lots, l'administration doit être regardée comme établissant que la base d'imposition retenue correspond à la valeur vénale réelle du bien cédé à Mlle B...;
6. Considérant, en deuxième lieu, que, le 11 mai 2006, la SCI Blanqui a cédé à la SCI du Soleil quatre lots du même ensemble immobilier, constitués d'un duplex, de deux emplacements de parking et d'une cave, pour un montant total de 362 000 euros TTC, soit un prix moyen de 780,17 euros par millième ; que l'administration a considéré que les lots en cause avaient été cédés pour un prix inférieur à leur valeur vénale, qu'elle a estimée à 559 338 euros TTC en substituant un prix moyen par millième de 1 205,47 euros ; que la société requérante fait valoir que le local acquis par la SCI du Soleil correspond à un comble aménagé de faible hauteur sous-plafond et éclairé par des " vélux " et n'est pas comparable aux lots normalement éclairés et de hauteur sous plafond normale, cédés deux ans auparavant et utilisés par l'administration comme points de comparaison ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les biens utilisés comme élément de comparaison, sont, comme le bien en cause, des duplex situés au 4ème étage avec accès aux combles, situés dans le même ensemble immobilier, et vendus dans les mois qui ont suivi la cession litigieuse ; que si ces ventes sont postérieures à celle des appartements litigieux, cette circonstance n'est pas de nature à retirer à l'évaluation son caractère probant, les dates des actes de vente étant suffisamment proches pour que les prix de vente puissent être pris en considération ; qu'il suit de là que, comme précédemment, l'administration doit être regardée comme établissant que la base d'imposition retenue correspond à la valeur vénale réelle du bien cédé à la SCI du Soleil ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la preuve de l'existence d'une libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ; que, dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêt, l'intention d'octroyer et de recevoir une libéralité est présumée ; qu'il résulte de l'instruction que la mère de Mlle B...avait été chargée, dans le cadre de ses fonctions commerciales au sein de la société Somap, de la vente des lots cédés par la SCI Blanqui ; qu'en outre, elle était associée, aux côtés de la société Somap, dans deux autres SCI ; que ces seules circonstances sont de nature à établir l'existence d'un lien d'intérêt, quel que soit le caractère avantageux des modalités de réservation du lot et de paiement du prix consenti par la SCI Blanqui à Mlle B...; qu'enfin, il n'est pas contesté que les associés de la SCI du Soleil sont intervenus, en leur qualité de détenteurs de parts de la société Blanqui lors de l'acquisition, en 2005, de ces parts par la société Somap ; qu'en outre, à la date d'acquisition en cause, la société Somap a acquis auprès d'une société représentée par un associé de la SCI du Soleil 800 des 1000 parts d'une autre SCI ; que le lien d'intérêt entre la SCI Blanqui et la SCI du Soleil doit en conséquence être regardé comme établi ;
Sur les pénalités :
8. Considérant que compte tenu de la sous-estimation des prix de cession rappelée aux points 5 et 6 et des liens existant, rappelés au point 7, entre la SARL Somap et les acquéreurs des lots, l'administration établit l'intention de la SARL Somap d'éluder l'impôt ; qu'elle justifie en conséquence du bien-fondé de l'application des pénalités pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts ; que dans ces conditions le moyen tiré de ce qu'il aurait été porté atteinte à la présomption d'innocence consacrée par l'article 6§2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en tout état de cause, la société requérante n'est pas fondée à obtenir devant le Cour le remboursement de la somme de 35 euros au titre des frais de timbre supportés en première instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Somap est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Somap et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Magnard, premier conseiller,
Lu en audience publique le 23 septembre 2015.
Le rapporteur,
M. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 08PA04258
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N° 14PA00073