Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exploitation Cambronne Autos a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période courant du 1er décembre 2005 au 31 octobre 2007 et des pénalités y afférentes et des suppléments d'impôt sur les sociétés et contribution additionnelle à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 et des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1105256, 1105252/2-2 du 14 mai 2013, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 793 463 euros, déchargé la société d'exploitation Cambronne Autos des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie à concurrence d'un montant de 170 881 euros et de la pénalité pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt qui lui ont été assignés au titre de l'exercice clos en 2006 et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 17 juin 2013,
23 octobre 2013, 21 juillet 2015 et 29 juillet 2015 la société d'exploitation Cambronne Autos, représenté par le cabinet Laurant et Michaud , demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105256, 1105252/2-2 du 14 mai 2013 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer à titre principal la décharge totale des impositions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et à titre subsidiaire, à hauteur d'une somme de 4 916 euros pour décembre 2005 et de 70 796 euros en 2006 et à titre subsidiaire à hauteur d'une somme de 13 060 euros en 2006 et de 4 004 euros en mai 2007 ;
3°) de prononcer à titre principal la décharge total des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et à titre subsidiaire de lui accorder la décharge correspondant à la prise en compte des charges d'un montant de 489 564 euros pour l'exercice 2005 et de 570 686 euros pour l'exercice 2006 ainsi que celle correspondant à la prise en compte de crédits bancaires pour un montant de 149 000 euros en 2005 et de 432 000 euros en 2006 lesquels ne constituent pas du chiffre d'affaires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête devant le tribunal administratif n'était pas tardive ; que ses réclamations contentieuses ont été rejetées par deux décisions du 13 janvier 2011, réceptionnées le
17 janvier 2011 ;
- l'existence de crédits bancaires n'est pas justifiée et les rectifications ne sont pas fondées ;
- les prêts de la société HC Chenai ne constituent pas du chiffre d'affaires ;
- certaines ventes de véhicules neufs sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, ces véhicules étant destinés à la livraison intracommunautaire ou à l'exportation hors de l'Union européenne ;
- le montant total des déficits reportables ainsi que les amortissements régulièrement différés doivent doit être imputés sur le résultat de l'exercice 2005 ;
- la reconstitution de résultat est radicalement viciée et excessivement sommaire ;
- en l'absence de la communication des relevés bancaires obtenus dans le cadre du droit de communication et fondant l'ensemble des redressements, les rectifications sont dépourvues de fondement.
Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés le
2 septembre 2013, le 22 juillet 2015 et 23 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté de la requête de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- les réclamations préalables ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
1. Considérant que la société d'exploitation Cambronne Autos, mise en liquidation judiciaire le 2 juillet 2009, exerçait, jusqu'au 31 décembre 2007, l'activité d'achat-revente de véhicules automobiles neufs et d'occasion, de pièces détachées et d'atelier de réparation automobile et de location de parking ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 3 janvier au
30 octobre 2008 portant sur les exercices clos des 31 décembre 2005 et 31 décembre 2006, la taxe sur la valeur ajoutée étant vérifiée jusqu'au 31 octobre 2007 ; que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des impositions en matière d'impôt sur les sociétés ont été mis en recouvrement le
27 mai 2009 ; que par un jugement du 14 mai 2013, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 793 463 euros, déchargé la société
d'exploitation Cambronne Autos des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie à concurrence d'un montant de 170 881 euros et de la pénalité pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt qui lui ont été assignés au titre de l'exercice clos en 2006 et rejeté le surplus des conclusions ; que la société d'exploitation Cambronne Autos relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé un dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence d'un montant de 13 060 euros portant sur un montant de 79 692 euros correspondant à la vente de véhicules exonérée de taxe sur la valeur ajoutée ; que les conclusions en décharge présentées à ce titre sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus du litige :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la circonstance que, postérieurement à la notification de l'avis de mise en recouvrement, l'intéressée ait demandé sans succès à l'administration fiscale de lui communiquer les documents dont la notification fait état, est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que, par suite, en tout état de cause, la société d'exploitation Cambronne Autos ne peut pas utilement se prévaloir de ce qu'elle a, en application de la loi susvisée du 17 juillet 1978 sur le droit d'accès de toute personne aux documents administratifs, sollicité la communication des documents bancaires ayant servi de fondement aux impositions contestées, et ce postérieurement à leur mise en recouvrement, pour obtenir la décharge des impositions contestées ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L 192 alinéa 3 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable (...) à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) " ;
6. Considérant qu'il est constant que la société n'a présenté aucune comptabilité au cours des opérations de contrôle ; que, dans le cadre de la vérification de comptabilité, un procès-verbal de défaut de comptabilité daté du 9 juin 2008 et portant sur la période du 1er janvier 2005 au
31 décembre 2006 a été établi ; que, par ailleurs, la société n'a pas déposé dans le délai expirant le
2 mai des années 2006 et 2007, contrairement aux prescriptions de l'article 223-1 du code général des impôts, ses déclarations de résultats accompagnées de leurs annexes, ni au titre de l'année 2005, ni au titre de l'année 2006 ; que l'administration fiscale a ainsi procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires ; qu'il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à la société d'exploitation Cambronne Autos d'apporter la preuve de l'absence de bien-fondé ou de l'exagération des impositions mises à sa charge ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le service a reconstitué les recettes de la société d'exploitation Cambronne Autos sur la base des crédits figurant sur deux comptes ouverts à son nom auprès de la banque HSBC ; que la société, sur laquelle repose la charge de la preuve, ainsi qu'il résulte du point 6, n'établit pas que les rectifications sont dépourvues de fondement en se bornant à faire valoir l'absence de production par l'administration fiscale de justificatifs démontrant que les crédits bancaires reconstitués pour les comptes bancaires ouverts à son nom auprès de la banque HSBC ont bien été encaissés sur les comptes bancaires de la société ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'elle conteste encore le caractère imposable de certains crédits bancaires en soutenant qu'ils ne correspondent pas à des ventes mais à un prêt de la société HC CHENAI et ne constituent donc pas du chiffre d'affaires, pour un montant de
149 000 euros en 2005 et 456 000 euros en 2006 ; que pour établir la réalité des avances, la société requérante produit uniquement des relevés bancaires de la société HC CHENAI ainsi, pour la première fois en appel, que la copie des chèques libellés à son nom, correspondant aux différents débits des comptes de la société HC CHENAI, sauf celle du chèque de 24 000 euros qui aurait été encaissé le 26 juin 2006 ; que, toutefois, pour expliquer la discordance entre le montant des sommes prêtées et la variation du solde du compte courant d'associé dans la société HC CHENAI, elle se prévaut de ce qu'elle aurait remboursé une partie des sommes sans toutefois en justifier ; qu'ainsi, si les versements en provenance de la société HC CHENAI sont bien établis, pour un montant de 149 000 euros en 2005 et de 432 000 euros en 2006, l'absence de justificatifs produits quant au montant des remboursements effectués et la discordance entre la variation négative du solde du compte débiteur et les montants versés, ne permettent pas de retenir que la société requérante apporte la preuve que les sommes versées constituaient des prêts et non du chiffre d'affaires imposable ; que, par suite, elle n'est pas fondée à obtenir la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces crédits bancaires ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la société requérante a produit la facture de vente de véhicules adressée à la société LM POSITIF dont le siège social est situé à Fort-de-France pour un montant total de 24 433,95 euros ; que pour s'opposer à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée sur cette opération, l'administration fiscale, qui ne conteste pas le caractère déductible de la taxe, résultant de l'application des articles 262-I-1° du code général des impôts et de l'article 73 G de l'annexe III du même code, ne peut pas utilement opposer la condition formelle d'absence de déclaration ; qu'il est par ailleurs constant que l'administration fiscale a procédé à une rectification en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur l'ensemble des encaissements ; que, par suite, la société Cambronne Autos est fondée à obtenir la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à cette facture pour un montant de 4 004 euros ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
10. Considérant, en premier lieu, que si la société d'exploitation Cambronne Autos soutient que les sommes provenant de la société HC CHENAI constituent des prêts et non du chiffre d'affaires, elle n'établit pas, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, que les sommes d'un montant de 149 000 euros en 2005 et de 432 000 euros en 2006 ne constituaient pas du chiffre d'affaires ; qu'elle n'est pas suite pas fondée à demander la décharge des impositions y afférentes ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que pour contester la méthode de reconstitution de résultat, la société Cambronne Autos fait valoir que les trente-cinq sociétés utilisées comme échantillon par l'administration exercent une activité de prestations de services au regard du
code NAF indiqué, alors qu'elle exerce " l'activité de commerce de voiture et de véhicules légers ",
c'est-à-dire une activité de livraison de biens, codée différemment ; que si elle soutient, sans d'ailleurs l'établir, que les activités de livraison de biens et de prestation de services ne présentent pas la même structure de charges, dès lors que l'activité de prestations de service nécessiterait beaucoup plus de personnel, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a pris en compte un ensemble de sociétés exerçant l'activité " entretien et réparation " ayant une moyenne de chiffre d'affaires respectif par salarié sensiblement inférieure au chiffre d'affaires reconstitué pour la société et que l'administration a pris en compte la moyenne du taux de charge des entreprises de l'échantillon, hors prise en compte des charges d'impôts et taxes, charges sociales et dotations d'exploitations sur immobilisations et amortissements, en l'absence de production de tout élément comptable ; qu'ainsi, la société d'exploitation Cambronne Autos n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution administrative est radicalement viciée dans son principe ni qu'elle est excessivement sommaire, la requérante n'apportant, par ailleurs, aucun autre échantillon représentatif ;
12. Considérant, en troisième lieu, que pour proposer une autre reconstitution du montant des charges, la société d'exploitation Cambronne Autos produit un CD-ROM comportant de très nombreuses factures ainsi que des " relevés individuels " reprenant les salaires de ses employés ; que toutefois, elle ne produit pas les bulletins de salaire de son personnel ; que la société, qui n'a tenu aucune comptabilité, n'établit pas ainsi le montant des charges réelles engagées ; que si elle se réfère encore au montant des charges pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée a été admise en déduction, soit 2 739 646 euros en 2005 et 2 633 837 euros en 2006, elle ne justifie pas toutefois du montant des charges sociales de personnel par la seule production de documents intitulés " relevés individuels " qui viendraient s'ajouter à ces montants ; qu'elle ne justifie pas non plus des frais bancaires de 18 422,42 euros pour l'exercice 2005 et de 17 448,53 euros pour l'exercice 2006 ; que, par suite, elle n'établit pas que des montants de 3 317 536 euros pour l'année 2005 et
de 3 312 233 euros pour l'année 2006 devraient être substitués aux montants de charges retenues par l'administration de 2 827 972 euros pour l'année 2005 et de 2 741 547 euros pour l'année 2006 ;
13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :
1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ;
14. Considérant que la société se prévaut des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales pour que soit opérée au titre de l'exercice clos en 2005 la déduction des déficits reportables de 205 727 euros et des amortissements régulièrement différés de 43 911 euros subsistant au 31 décembre 2004 consécutivement aux opérations antérieures de vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2004, indiqués dans la proposition de rectification du 18 avril 2006 ; que si elle peut se prévaloir des dispositions citées au point 13 pour établir la réalité de l'existence de déficits et d'amortissements régulièrement différés au 31 décembre 2004, elle ne peut toutefois pas s'en prévaloir pour obtenir un droit au report au titre de l'exercice clos en 2005 alors qu'elle ne justifie pas avoir exercé l'option dont elle demande le bénéfice ; que, par suite, le moyen est inopérant et sa demande en décharge de ce chef ne peut qu'être rejetée ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société
d'exploitation Cambronne Autos est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes en décharge à hauteur d'une somme de 4 004 euros ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Cambronne Autos sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 13 060 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société d'exploitation Cambronne Autos.
Article 2 : La société d'exploitation Cambronne Autos est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie à concurrence d'un montant de 4 004 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société d'exploitation Cambronne Autos est rejeté.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation Cambronne Autos et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France Ouest.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 23 octobre 2015.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
F. DUBUYLa République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA02346