Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Le Directoire a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006.
Par un jugement n° 1313097 /2-2 du 8 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 février et
9 décembre 2015, la SARL Le Directoire, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1313097/2-2 du 8 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées.
Elle soutient que :
- le jugement de première instance est entaché d'une omission à statuer en ce qui concerne la prise en compte de charges supplémentaires provenant des pourboires reversés aux salariés ;
- le pourcentage des charges admises en déduction doit être porté à 38 % pour tenir compte des charges supplémentaires de pourboires, lesquelles représentent 13 % des recettes ;
- la proportion retenue au titre des coupes de champagne offertes, et plus généralement au titre des offerts est insuffisante ; il en est de même de la proportion retenue au titre des cafés consommés par le personnel ;
- faute d'avoir mis en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'administration ne pouvait pas considérer les co-gérants comme bénéficiaires des revenus réputés distribués ;
- la pénalité de 40 % pour manquement délibéré doit être modulée dans la mesure du possible.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par la SARL Le Directoire ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée Le Directoire, qui exploite un bar-brasserie de même nom, sis 41, rue Alain Chartier à Paris 15ème relève régulièrement appel du jugement n° 1313097/2-2 du 8 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge, en droit et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les société auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que la SARL Le Directoire soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le pourcentage de charges admis déduction des recettes omises devrait être porté à 38 % pour tenir compte des pourboires reversés aux salariés ; qu'il ressort du jugement que le tribunal, qui a expressément visé ce moyen dans les visas de son jugement, n'y a pas répondu ; que, dés lors, le jugement attaqué est entaché pour ce motif d'une omission à statuer ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et, par la voie de l'évocation, de statuer sur la demande présentée devant le tribunal administratif ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales :
" Lorsqu'une des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ;
4. Considérant que les bases d'imposition de la SARL Le Directoire, dont la comptabilité a été écartée comme non probante au regard des graves irrégularités constatées lors de la vérification, circonstance qui n'est pas contestée par l'appelante, ont été établies conformément à l'avis émis le 8 décembre 2009 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, il appartient à l'appelante, en application des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ;
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
5. Considérant qu'il est constant que la comptabilisation des recettes journalières par la SARL Le Directoire présentait des variations inexpliquées du pourcentage des recettes réglées en espèces, allant de 40 % en moyenne à moins de 15 % certains jours, et recelait de nombreuses données manquantes, en particulier s'agissant des recettes du bar, aucune consommation n'étant enregistrées, certains jours, en début et en fin de journée ; que, pour reconstituer les recettes de l'appelante pour chacun des deux exercices vérifiés, l'administration a appliqué la méthode dite des liquides, en déterminant, à partir d'un échantillon, la part des recettes liées à la consommation des liquides dans les recettes totales ; qu'a été appliqué aux achats revendus, le rapport existant entre le chiffre d'affaires total ressortant des 5 705 notes clients retenues après dépouillement sur une période de référence de trois semaines d'activité et le chiffre d'affaires des boissons ressortant de ces mêmes notes ; que l'administration a admis de retenir un pourcentage global de pertes de 10 % pour les bières pression, de 3 % pour le café et le chocolat, de 1 % pour le thé et de 2 % pour les autres liquides, ainsi qu'un pourcentage d'offerts de 3 % pour l'ensemble des consommations de liquides ; que l'appelante se borne à soutenir que le nombre de coupes de champagne offertes s'établissait à 15 par mois, soit un pourcentage supérieur à celui admis et que le nombre de cafés offerts doit être fixé à quinze par jour, auxquels doivent s'ajouter six cafés par jour consommés par le personnel et 4 consommés par les dirigeants ; que, toutefois, elle n'assortit ces arguments d'aucun élément tangible, de nature à apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des impositions contestées ;
6. Considérant, enfin, que la SARL Le Directoire soutient que le pourcentage de charges admis en déduction du chiffre d'affaires doit être porté à 38 % au lieu de 25 % afin de tenir compte des pourboires versés à ses employés ; qu'elle fait valoir que les pourboires reversés aux employés représentent 13,18 % du chiffre d'affaires déclaré hors taxe ; que, toutefois, l'appelante, qui ne produit à l'appui de sa demande aucune pièce justificative, n'établit pas le versement effectif, à ses employés, de pourboire théoriques, calculés sur les recettes non comptabilisées; que, par suite, sa demande ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant que le moyen tiré de ce que faute d'avoir mis en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'administration ne pouvait pas considérer les époux B...comme bénéficiaires des revenus réputés distribués, est sans incidence sur le présent litige, qui porte sur les impositions établies au nom de la société appelante ;
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; b) 80 % en cas d'abus droit (...) " ; que les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable, prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit, ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le juge de l'impôt ne peut, contrairement à ce que soutient la SARL Le Directoire qu'infirmer ou confirmer la pénalité précitée sans pouvoir la moduler ; qu'en l'espèce, la proposition de rectification en date du 4 décembre 2008, relève que le gérant de la SARL s'est délibérément abstenu de comptabiliser une part importante des recettes de la société au cours des deux exercices vérifiés alors même que sa qualité de gérant impliquait qu'il ait à connaître des opérations de comptabilité et du montant des recettes ; que, par suite, en relevant notamment le caractère non probant de la comptabilité et le caractère répétitif des omissions constatées, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de l'intention délibérée de l'appelante d'éluder l'impôt ; que, dés lors, c'est à bon droit qu'elle a fait application des pénalités pour manquement délibéré de 40 % contestées ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Le Directoire n'est pas fondée à obtenir la décharge des impositions contestées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1313097/2-2 du 8 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL Le Directoire devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Directoire et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Legeai, premier conseiller,
Lu en audience publique le 31 décembre 2015.
Le rapporteur,
A. LEGEAI Le président,
I. BROTONS Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00637