Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 novembre 2013 par lequel le préfet de police a procédé au retrait de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 1400268 du 26 novembre 2014 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 17 décembre 2014, le 4 février 2016 et le 11 février 2016, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, MmeA..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400268 du 26 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 12 novembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui restituer sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation et s'est cru à tort en situation de compétence liée pour procéder au retrait de son titre de séjour ;
- le préfet de police ne peut justifier de l'exactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés en se fondant sur le compte-rendu d'enquête après identification du 13 août 2013 alors qu'elle bénéficie d'une présomption d'innocence tant qu'aucune condamnation n'a été prononcée à son encontre ;
- le préfet de police a méconnu le principe de présomption d'innocence inscrit à l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au § 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté critiqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle réside en France depuis 1998 et qu'elle y est très bien intégrée notamment professionnellement ;
- le préfet de police a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet de police a commis une erreur de droit ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il ne pouvait se fonder sur la circonstance qu'elle avait méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante chinoise, entrée en France le 4 octobre 1998, a, dès son arrivée, été mise en possession d'une carte temporaire de séjour portant la mention " étudiant " puis, le 13 mai 2009, d'une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", régulièrement renouvelée, en dernier lieu, jusqu'au 22 mars 2014. A la suite du contrôle de la société Yours dont elle est la gérante, Mme A...a été interpellée pour des faits d'emploi d'étrangers démunis de titre de séjour et de travail. Ce sont dans ces circonstances que le préfet de police a, le 28 août 2013, pris un arrêté par lequel il a procédé au retrait de la carte de séjour temporaire de l'intéressée en se fondant sur les dispositions de l'article L. 341-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme A...fait appel du jugement du 26 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris, lequel a substitué aux dispositions ayant servi de base légale à l'arrêté en litige celles de l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2013-00937 du 28 août 2013, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 3 septembre 2013, le préfet de police a donné délégation à Mme D...C..., attachée d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions. Si Mme A...soutient qu'il n'est pas établi que le préfet de police était empêché de signer l'arrêté contesté, il lui appartenait, dès lors qu'elle entendait critiquer la qualité du délégataire pour le signer, d'établir que le préfet de police n'était ni empêché ni, en tout état de cause, absent. Il est constant que Mme A...n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Par suite, Mme D...C..., signataire de l'arrêté contesté, était autorisée à signer les décisions portant retrait de titre de séjour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se serait estimé en situation de compétence liée pour procéder au retrait de la carte de séjour temporaire de Mme A...et n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] /. La carte de séjour temporaire peut [...] être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, en infraction avec l'article L. 341-6 du code du travail [...] ".. Aux termes de l'article L. 341-6 du code du travail devenu l'article L. 8251-1 : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / [...] ".
5. D'une part, l'arrêté en litige doit être regardé comme une mesure nécessaire à la prévention des infractions aux dispositions du code pénal et du code du travail visant à réprimer le travail clandestin. Par suite, et contrairement à ce que soutient MmeA..., il résulte de l'application combinée des dispositions susrappelées que le préfet de police pouvait lui retirer son titre de séjour au seul motif que les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail avaient été méconnues. D'autre part, il ressort du compte-rendu d'enquête après identification dressé le 13 août 2013 que MmeA..., suite à un contrôle du même jour effectué au sein de sa société par les services de police, a déclaré y employer depuis ce jour une salariée dépourvue de titre de séjour et de travail et attendre la fin du mois d'août et de la période d'essai de cette salariée pour la déclarer. Si Mme A...conteste la matérialité des faits tels qu'ils ont été retranscrits par ce document, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la valeur probante de celui-ci, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. Dès lors, l'infraction à l'article L. 8251-1 du code du travail étant constituée, le préfet de police pouvait prononcer le retrait de la carte de séjour temporaire de MmeA....
6. En quatrième lieu, la procédure qui tend à infliger une sanction administrative est indépendante de la procédure pénale. Par suite, y compris dans l'hypothèse où c'est à raison des mêmes faits que sont engagées parallèlement les deux procédures, l'autorité préfectorale ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence en prononçant une sanction sans attendre que les juridictions répressives aient définitivement statué. Dès lors, en retirant à Mme A...sa carte de séjour au motif que l'intéressée avait été interpellée pour l'emploi d'étrangers démunis de titre de séjour alors qu'elle n'avait pas été condamnée par les juridictions répressives, le préfet de police n'a pas méconnu le principe de la présomption d'innocence ni, dans ces conditions, l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789 ni les stipulations du § 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige méconnaît ce principe doit donc être écarté.
7. En cinquième lieu, Mme A...ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, il ressort des pièces versées au dossier que Mme A...a été interpellée pour des faits d'emploi d'étrangers démunis de titre de séjour et de travail, faits prévus et réprimés par l'article L. 341-6 du code du travail alors en vigueur. Si elle se prévaut de sa résidence habituelle et régulière de plus de dix ans en France ainsi que de son intégration professionnelle, il est constant qu'elle est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside sa mère. Dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux méconnaîtrait, en tout état de cause, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2016.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA05098