Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...F...a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation des deux arrêtés du 26 juillet 2015 par lesquels le préfet de l'Oise, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, et a fixé le pays de destination, d'autre part, a ordonné son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1506024 du 30 juillet 2015 le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a annulé ces deux arrêtés et mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2015, le préfet de l'Oise demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1506024 du 30 juillet 2015 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F...devant le Tribunal administratif de Melun ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a accueilli le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte dès lors que M.A..., sous-préfet de Compiègne, était de permanence le 26 juillet 2015 et bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de l'Oise en vertu d'un arrêté du 15 juillet 2015 régulièrement publié, le 16 du même mois, au recueil des actes administratifs de l'Oise ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. F...ne sont pas fondés ;
- en effet, les décisions contenues dans les arrêtés attaqués sont suffisamment motivées ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ;
- compte tenu de la brève durée du séjour en France de M.F..., qui peut poursuivre dans son pays d'origine la relation récente entretenue avec sa compagne, la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- qu'eu égard au risque de soustraction à la mesure d'éloignement, en application du b) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus de délai de départ volontaire n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- pour les mêmes motifs, la décision portant placement en rétention est légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2015, M.F..., représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant Me Robine-Da Silva Megela, avocat de M. F....
1. Considérant qu'à la suite de l'interpellation de M. F...par les services de police dans le cadre d'un contrôle d'identité opéré le dimanche 26 juillet 2015 sur l'autoroute A1, à la barrière de péage de Chamant (Oise), le préfet de l'Oise, par deux arrêtés pris le même jour, a, d'une part, obligé ce ressortissant brésilien à quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, et a fixé le pays de destination, d'autre part, a ordonné son placement en rétention administrative au centre de rétention du Mesnil-Amelot ; que, par un jugement du 30 juillet 2015, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a annulé ces deux arrêtés et mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le préfet de l'Oise relève appel de ce jugement ;
2. Considérant que, par un arrêté du 15 juillet 2015, régulièrement publié le 16 juillet 2015 au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Oise, le préfet de l'Oise a donné délégation à M. D... A..., sous-préfet de Compiègne, à l'effet de signer, lors de la permanence des membres du corps préfectoral de la fin de semaine, tout arrêté relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Oise à l'exception de certaines matières, parmi lesquelles ne figure pas la police des étrangers ; que le préfet de l'Oise a produit en appel le tableau des permanences pour la semaine du 20 au 27 juillet 2015, d'ailleurs déjà transmis au Tribunal administratif en annexe de son mémoire du 29 juillet 2015, qui confirmait que M. A...était de permanence le dimanche 26 juillet 2015 ; que c'est dès lors à tort que, pour annuler les arrêtés en litige, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a retenu le moyen tiré de ce que M. A...n'était pas compétent pour les signer ;
3. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. F...devant le Tribunal administratif de Melun et devant la Cour ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant que le préfet de l'Oise a énoncé dans l'arrêté attaqué les considérations de droit et de fait justifiant la mesure d'éloignement prise en l'espèce sur le fondement des dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la motivation de cette décision est ainsi conforme aux exigences de l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, seul applicable à la motivation d'une obligation de quitter le territoire français ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant que M.F..., ressortissant brésilien né le 1er janvier 1994, est entré régulièrement en France le 13 avril 2013 sous couvert de son seul passeport, dès lors qu'il n'était pas soumis à l'obligation de visa, mais s'y est maintenu en situation irrégulière à l'expiration du délai de trois mois à compter de cette date, à l'issue duquel il devait être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré pour pouvoir prolonger son séjour ; qu'à la date de la décision attaquée, il vivait en concubinage avec une compatriote, MmeE..., née le 28 septembre 1993, entrée en France le 1er décembre 2012 pour y rejoindre sa mère, mariée avec un ressortissant du Portugal, et alors dans l'attente de la délivrance d'un titre de séjour en tant que membre de la famille d'un citoyen de l'Union ; que compte tenu à la fois de la faible durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé à la date de la décision attaquée, à laquelle il convient exclusivement de se placer pour apprécier sa légalité, de la durée de la vie commune avec sa compagne, de l'absence d'enfant et de la possibilité pour le couple de reconstituer sa vie familiale au Brésil, la mesure d'éloignement en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été édictée ; que dès lors, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.F... ;
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
7. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger ne se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;
8. Considérant que le préfet de l'Oise, pour obliger M. F...à quitter sans délai le territoire français, s'est fondé sur les dispositions précitées du b) et du f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant qu'il est constant que la situation de cet étranger relevait du b) de ce texte, ainsi qu'il a été dit au point 6 ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.F..., lors de son interpellation, a notamment présenté aux policiers un passeport brésilien en cours de validité et le certificat d'immatriculation du véhicule dont il est propriétaire, délivré le 4 avril 2015, sur lequel figure comme adresse le 24 rue de Paris, à Corbeil Essonnes, où il habitait avec sa compagne, qui avait signé le 12 mars 2015 le bail de location de l'appartement situé à cette adresse ; que, dans ces conditions, la situation de l'intéressé ne relevait pas du f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préfet de l'Oise aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif fondé sur le b) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, compte tenu de la situation de M.F..., qui n'a dissimulé aucun des éléments de celle-ci et présentait de solides garanties de représentation de nature à limiter le risque qu'il ne se soustraie à la mesure d'éloignement, le préfet de l'Oise, en refusant de tenir compte des circonstances particulières existant en l'espèce, a entaché sa décision refusant un délai de départ volontaire d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision ordonnant un placement en rétention administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6°) Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " et qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. F...présentait des garanties de représentation effectives, au sens des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de l'Oise ne pouvait dès lors légalement le placer en rétention ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Oise est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a annulé la décision par laquelle il a fait obligation à M. F...de quitter le territoire français ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que compte tenu de ce que M. F...était fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire et de l'arrêté ordonnant son placement en rétention, il ne peut être regardé comme partie perdante en première instance ; qu'il y a par suite lieu de confirmer l'article 2 du jugement attaqué, mettant la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, les dispositions de ce texte font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'instance d'appel, dans laquelle il n'est pas partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1506024 du 30 juillet 2015 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 26 juillet 2015 par laquelle le préfet de l'Oise a fait obligation à M. F...de quitter le territoire français.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. F...devant le Tribunal administratif de Melun et tendant à l'annulation de cette décision sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de l'Oise et les conclusions d'appel de M. F...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...F....
Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03708