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31/10/2016 | FRANCE | N°14PA04853

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 31 octobre 2016, 14PA04853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le ministre du travail a implicitement rejeté sa demande tendant à constater l'absence de représentativité au niveau national de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire (FEDESFI) dans la branche des transporteurs routiers, d'autre part, d'enjoindre au ministre de prendre les mesures qu'impose le constat de la non représentativité de la F

EDESFI, et notamment de cesser de convoquer cette dernière à siéger dans le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le ministre du travail a implicitement rejeté sa demande tendant à constater l'absence de représentativité au niveau national de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire (FEDESFI) dans la branche des transporteurs routiers, d'autre part, d'enjoindre au ministre de prendre les mesures qu'impose le constat de la non représentativité de la FEDESFI, et notamment de cesser de convoquer cette dernière à siéger dans les différentes instances relevant de la négociation collective, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1317586/3-2 du 24 septembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2014, l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre du travail a implicitement rejeté sa demande formée le 5 septembre 2013 tendant à constater l'absence de représentativité au niveau national de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire (FEDESFI) dans la branche des transporteurs routiers et à donner plein effet aux dispositions législatives de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;

3°) d'enjoindre au ministre du travail de prendre les mesures qu'impose le constat de la non représentativité de la FEDESFI, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que, pour apprécier si le critère des effectifs d'adhérents et de cotisations était rempli par la FEDESFI, le tribunal n'a pris en compte que les données relatives au secteur du transport de fonds et de valeurs, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2122-5 du code du travail, alors qu'il aurait dû réaliser cette analyse en fonction de l'ensemble de la branche des transports routiers ;

- la convention collective nationale du 21 décembre 1950 qui définit la branche professionnelle dans le cadre de laquelle s'apprécient les critères de représentativité des organisations syndicales, couvre les métiers du transport routier de marchandises et de voyageurs, le déménagement, le transport de fonds et de valeurs, la logistique et le transport sanitaire ; sa caractéristique commune est le transport par route ; cette branche comptait 67 845 établissements et 646 384 salariés en 2012 ;

- en appréciant la représentativité nationale de la FEDESFI, en ne tenant compte que du sous-secteur du transport de fonds et de valeurs qui comportait 20 entreprises et 8 897 salariés, le tribunal a violé la loi ;

- ce faisant, le tribunal a créé une distorsion entre le périmètre d'activité de la FEDESFI à travers sa participation à diverses instances paritaires et à la négociation et la signature d'accords dépassant le seul sous-secteur du transport de fonds et de valeurs et sa représentativité réelle ;

- sous l'empire du code du travail en vigueur à la date de la demande adressée au ministre du travail le 12 juin 2013, la notion de représentativité par sous-secteur des organisations patronales n'existait pas ;

- la FEDESFI qui ne compte d'après son site Internet que 17 entreprises adhérentes ne peut justifier ni d'effectifs ni de cotisations suffisants pour être représentative au plan national dans la branche des transports ;

- la FEDESFI qui ne possède aucune structure régionale en dehors de son siège parisien ne remplit pas davantage le critère d'une implantation territoriale équilibrée ;

- le refus implicite du ministre de prendre acte de l'absence de représentativité de la FEDESFI est illégal et porte atteinte au principe d'égalité devant la loi, dès lors la FEDESFI a pu bénéficier du principe de reconnaissance tacite et mutuelle, à la différence de l'OTRE qui a dû solliciter la reconnaissance de sa représentativité et l'établir dans le cadre d'une enquête de représentativité effectuée par le ministère du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2016, la FEDESFI représentée par la SCP Lyon-Caen Thiriez, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'OTRE le versement de la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la FEDESFI est bien représentative dans le champ d'activité de logistique de valeurs et activités connexes correspondant à la rubrique 80.10Z de la Convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport et donne mandat à l'UFT pour la négociation des accords sectoriels ;

- c'est donc à bon droit que le tribunal a apprécié si les critères de représentativité prévus par l'article L. 2121-1 du code du travail étaient remplis par la FEDESFI dans son secteur d'activité et non dans l'ensemble des secteurs couvert par le périmètre de la branche professionnelle ;

- la FEDESFI qui regroupe 17 entreprises adhérentes, soit 90% des entreprises du secteur du transport de fonds et de valeurs et rassemble 6 000 salariés sur un total de 10 000 dans ce secteur, remplit le critère des effectifs d'adhérents et de cotisations ;

- sa représentation territoriale est équilibrée puisque ses adhérents ont des agences réparties sur tout le territoire ;

- l'influence et la légitimité de la FEDESFI à négocier aux côtés de l'UFT sont démontrées par sa participation aux réunions de négociation des accords sectoriels ainsi que par sa présence au sein des commissions départementales de sécurité des transports de fonds, des instances régionales de l'observatoire prospectif des métiers et des qualification dans le transport et la logistique et dans les réunions avec les partenaires institutionnels tels que la Banque de France, le ministère de l'intérieur ou le conseil national des activités privées de sécurité ;

- la requête de l'OTRE n'est pas dirigée contre une décision faisant grief ;

- le ministre n'était dans aucune des hypothèses prévues par le code du travail lui permettant de déclencher une enquête de représentativité ;

- le moyen tiré de ce que le refus de reconnaître la représentativité méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi est inopérant, l'OTRE ne se trouvant pas dans la même situation que la FEDESFI ;

- le ministre était en tout état de cause en situation de compétence liée pour refuser d'abroger une décision créatrice de droits au-delà du délai de deux mois et à raison de sa propre incompétence.

Par un mémoire en réplique enregistré le 6 octobre 2016, l'OTRE représentée par Me B..., conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Elle soutient, en outre, que l'intérêt général qui s'attache à la poursuite de la négociation collective dans la branche nécessitait que le ministre diligente une enquête de représentativité et qu'il a commis, par son refus, une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en duplique enregistré le 12 octobre 2016, la FEDESFI représentée par la SCP Lyon-Caen Thiriez persiste dans ses précédentes écritures.

Elle soutient en outre que l'OTRE ne justifie pas de sa capacité à agir en appel.

Un mémoire enregistré le 13 octobre 2016 a été présenté par l'OTRE, représentée par MeB....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;

- la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour l'Organisation des transporteurs routiers européens, et celles de MeE..., pour la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire.

1. Considérant que l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) relève appel du jugement du 24 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre du travail a implicitement rejeté sa demande formée le 5 septembre 2013 tendant à constater l'absence de représentativité au niveau national de la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire (FEDESFI) dans la branche des transporteurs routiers et à donner plein effet aux dispositions législatives de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que l'article L. 2261-19 du code du travail dispose que : " Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus en commission paritaire. Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré " ; que selon l'article L. 2261-20 du même code : " A la demande de l'une des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, ou de sa propre initiative, l'autorité administrative peut provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire. Lorsque deux de ces organisations en font la demande, l'autorité administrative convoque la commission mixte paritaire " ; que l'article L. 2121-1 dudit code définit les critères en fonction desquels est appréciée la représentativité des organisations syndicales, qu'il s'agisse des organisations de salariés ou, jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 5 mars 2014 relatives à la représentativité patronale, des organisations d'employeurs ; que selon l'article L. 2121-2 du même code : " S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. / L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose " ; qu'enfin aux termes de l'article R. 2121-1 de ce code : " Les enquêtes relatives à la détermination de la représentativité sont diligentées par le ministre chargé du travail (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées qu'il appartient au ministre du travail d'apprécier, suivant la procédure définie à l'article L. 2121-2 du code du travail et dans le respect des critères énoncés à l'article L. 2121-1, la représentativité d'une organisation syndicale d'employeurs ou de salariés, non seulement lorsqu'il détermine la composition d'une commission mixte dont il provoque la réunion ou lorsqu'il envisage de procéder à l'extension d'une convention signée, mais également dans l'hypothèse où est contestée, dans le cadre d'une négociation engagée sur le fondement de l'article L. 2261-19, la représentativité d'une organisation syndicale au regard du champ d'application de la convention collective susceptible d'être étendue ou de celui d'un avenant ou d'une annexe à une telle convention ; qu'en revanche, aucune disposition du code du travail, ni aucun autre texte applicable ne donne compétence au ministre chargé du travail pour reconnaître le caractère représentatif d'une organisation syndicale d'employeurs en dehors de ces cas limitativement énumérés ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande du 5 septembre 2013 adressée par l'OTRE au ministre du travail visait, en se fondant sur des arguments circonstanciés, à établir que la FEDESFI ne remplit pas les critères cumulatifs de la représentativité d'une organisation professionnelle afin, selon les termes de la demande, de " donner plein effet aux dispositions de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail en tant qu'elle remet en cause la représentativité de la FEDESFI " et à solliciter du ministre " sans délai (...) l'édiction d'un arrêté entérinant l'absence de représentativité de la FEDESFI " ; qu'une telle demande, tant au regard de sa formulation que de ses motivations, ne peut être regardée comme une demande d'organisation par les services du ministre d'une enquête de représentativité ; que l'OTRE ne se prévaut ni dans sa demande au ministre, ni dans sa requête de première instance ou ses écritures d'appel, de la convocation prochaine par le ministre d'une commission mixte paritaire ou d'une négociation en cours dans le cadre d'une commission mixte paritaire déjà composée à la date sa demande ; que, par suite, le ministre du travail ne se trouvait dans aucun des cas dans lesquels il pouvait être saisi d'une demande de reconnaissance ou de contestation de la représentativité d'une organisation syndicale d'employeurs et était tenu de rejeter la demande de l'OTRE ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête que l'OTRE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la FEDESFI, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'OTRE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OTRE le versement de la somme que la FEDESFI demande sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'OTRE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la FEDESFI présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire (FEDESFI).

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, première conseillère,

- MmeA..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 31 octobre 2016.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA04853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04853
Date de la décision : 31/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : AARPI RIVIERE MORLON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-10-31;14pa04853 ?
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