Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 18 septembre 2015,
25 et 30 août 2016, la société FRP V, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 18 juin 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SCI l'Orgeval 02 l'autorisation de créer à Coulommiers (Seine-et-Marne) un ensemble commercial d'une surface de 9 500 m² composé d'une cellule alimentaire d'une surface de 295 m², d'un magasin spécialisé dans l'équipement de la maison d'une surface de 530 m², de quatre magasins spécialisés dans l'équipement de la personne d'une surface respective de 1 310 m², de 480 m², de 920 m² et de 765 m², de trois magasins spécialisés dans la culture et les loisirs d'une surface respective de 1 660 m², de 880 m² et de 825 m², d'un commerce de détail de type biens d'occasion d'une surface de vente de 940 m² et d'une cellule dédiée au service d'une surface de 895 m² ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise à la suite d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués conformément aux dispositions de l'article R. 752-35 du code du commerce ;
- elle est entachée d'erreurs d'appréciation au regard des objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable, dès lors que le projet n'est pas de nature à participer à l'animation de la vie urbaine de Coulommiers, qu'il se situe dans une zone commerciale qui se caractérise déjà par une offre commerciale importante et diversifiée et risque d'accentuer le déséquilibre de l'offre commerciale à l'échelle du bassin de vie, que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas pu apprécier l'accessibilité du site, que le site ne bénéficie pas d'une véritable desserte en transports en commun ni d'une desserte piétonne ou cycliste, que l'insertion paysagère du projet n'est pas de qualité et que le projet supprime les seuls espaces non urbanisés de la zone commerciale " La Prairie Saint Pierre " ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée s'agissant de la compatibilité du projet au schéma de cohérence territoriale du bassin de vie de Coulommiers.
Par des mémoires enregistrés les 14 mars 2016, 29 août 2016 et 28 septembre 2016, la SCI l'Orgeval 02, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société FRP V la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Un mémoire a été présenté pour la Commission nationale d'aménagement commercial le 6 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la société FRP V et de Me C...pour la SCI l'Orgeval 02.
1. Considérant qu'à la suite du recours formé par la société FRP V contre la décision du 23 octobre 2012 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial de Seine et Marne a autorisé la société l'Orgeval 02 à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 9 500 m² à Coulommiers, la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'autoriser le projet de cette société ; que, par une décision n° 370150 du 7 novembre 2014, le Conseil d'Etat a annulé la décision de la commission nationale ; qu'à la suite du réexamen de la demande de la société l'Orgeval 02, cette autorité a autorisé le projet litigieux par une décision du 18 juin 2015 dont la société FRP V demande l'annulation ;
Sur la régularité de la procédure :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-35 du code du commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. " ;
3. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter des mentions attestant de la convocation régulière de ses membres ou de l'envoi dans les délais de l'ordre du jour et des documents nécessaires à ses décisions ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que, conformément au règlement intérieur de la commission nationale, ses membres ont été convoqués à la séance du 18 juin 2015 par un courrier du 2 juin 2015 envoyé sur leur messagerie électronique, auquel était joint un ordre du jour prévoyant, d'une part, l'examen du dossier n° 1697TR portant création d'un ensemble commercial à Coulommiers (Seine et Marne) et indiquant, d'autre part, que les documents relatifs aux dossiers soumis à la commission seraient disponibles sur une plateforme de téléchargement cinq jours au moins avant la tenue de la séance ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, ces documents, qui peuvent désormais être adressés aux membres de la commission par tout moyen, n'avaient pas à être joints à la convocation, laquelle n'avait pas non plus à être nominative ni à comporter le numéro d'enregistrement et le nom du pétitionnaire, mentions dont l'absence n'a d'ailleurs pas été de nature à nuire à l'information des membres de la commission ; que, par ailleurs, ni l'article R. 752-35 du code du commerce, dans sa rédaction issue du décret du 12 février 2015 entrée en vigueur le 15 février suivant, ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose l'envoi de ces documents par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'enfin la commission nationale justifie de ce que les documents en cause étaient disponibles sur la plateforme de téléchargement à compter du 11 juin 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code du commerce manque en fait et doit être écarté ;
Sur l'appréciation de la commission nationale :
4. Considérant qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code ; que l'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs ;
En ce qui concerne l'objectif d'aménagement du territoire :
5. Considérant que la société requérante soutient que la décision attaquée compromettrait la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire en raison de l'existence d'une offre commerciale d'ores et déjà importante et diversifiée, de l'éloignement du projet du centre-ville et des quartiers d'habitation et de sa mauvaise desserte, ainsi que de ses conséquences négatives sur les commerces du centre-ville et sur les conditions de circulation ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet litigieux, qui se situe à environ 2 km et trois minutes du centre de Coulommiers et à moins de 1,7 km de trois quartiers d'habitation, s'inscrit dans la continuité d'une zone à vocation commerciale, artisanale et industrielle ; qu'il est de nature à accroître l'offre existante dans la zone de chalandise, sans porter atteinte à l'animation de la vie urbaine et rurale et sans que l'effet de détournement de la clientèle du centre-ville ne ressorte des pièces du dossier ;
6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la demande d'autorisation comportait des indications relatives aux incidences du projet sur les flux de transport ; que l'impact sur les flux supplémentaires de transport générés par le projet, notamment avec le pôle de loisirs Baloo parc, sera limité, y compris aux niveaux du giratoire situé entre la RD 934 et la RD 402 et des carrefours entre la rue de l'Orgeval et les rues du Grand Morin et de Montigny, compte tenu des capacités des infrastructures routières ; que le dossier de demande n'avait pas à faire état du projet de construction d'un boulevard urbain, mentionné lors de la précédente demande, dès lors que celui-ci a depuis été abandonné, ni à l'existence d'une permission de voirie autorisant l'accès à la rue de l'Orgeval ; qu'il est également constant que le projet est accessible en transports en commun puisqu'il est desservi par la ligne de bus n° 13, qui est interconnectée au centre-ville de Coulommiers avec une quinzaine d'autres lignes, mais également aux piétons, plusieurs quartiers d'habitation étant situés, ainsi qu'il a été dit, dans un rayon de 1,7 km du projet ; que si le projet n'est pas directement desservi par une piste cyclable, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'un itinéraire sécurisé pour les cyclistes a été prévu sur son terrain d'assiette, qu'une piste cyclable est aménagée à proximité, boulevard de la Marne, et que le développement des liaisons douces est inscrite dans les documents d'urbanisme de la commune et également dans le schéma de cohérence territoriale du bassin de Coulommiers ; que la circonstance que le projet ne soit pas accessible de manière plus satisfaisante par les modes de transports doux, ne saurait, à elle seule, justifier le refus d'accorder l'autorisation sollicitée ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commission nationale a correctement apprécié l'impact du projet en matière d'aménagement du territoire ;
En ce qui concerne l'objectif de développement durable :
8. Considérant que la société requérante soutient que la décision attaquée compromettrait la réalisation de l'objectif de développement durable en raison de la mauvaise insertion du projet dans les paysages, de son absence de qualité architecturale et de la suppression des derniers espaces verts de la zone commerciale ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que le projet, qui présente une certaine unité architecturale, sera implanté dans une zone qui ne présente elle-même aucun caractère particulier ; qu'il en ressort également que le projet, situé dans une zone commerciale entourée de zones naturelles, prévoit la réalisation de 8 570 m² d'espaces verts, la plantation de 164 arbres ainsi que, désormais, la réalisation d'une toiture végétalisée et de places de stationnement non imperméabilisées ; qu'ainsi, le projet n'est pas de nature à compromettre l'objectif fixé par le législateur en matière de développement durable ;
En ce qui concerne la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale du bassin de vie de Coulommiers :
9. Considérant qu'en vertu de l'article L. 122-1-15 du code de l'urbanisme alors applicable, les autorisations délivrées par la Commission nationale d'aménagement commercial doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale ; que, d'autre part, si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission nationale, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'ainsi la commission nationale n'avait pas à mentionner les raisons pour lesquelles elle a estimé que le projet litigieux était compatible avec le schéma de cohérence territoriale du bassin de vie de Coulommiers ; qu'en outre, le moyen tiré de l'incompatibilité de l'autorisation contestée avec le schéma de cohérence territoriale du bassin de vie de Coulommiers n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société FRP V n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 18 juin 2015 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société l'Orgeval 02 pour sa défense ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société FRP V est rejetée.
Article 2 : La société FRP V versera à la société l'Orgeval 02 la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société FRP V, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la société l'Orgeval 02.
Délibéré après l'audience du 13 octobre, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 novembre 2016.
Le rapporteur,
P. NGUYEN DUYLa présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03666