Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société LFB Biomédicaments a saisi le tribunal administratif de Paris d'un recours contestant la validité des marchés portant sur les lots nos 102, 114, 115, 448 et 451 conclus par le groupement d'intérêt public " réseau des acheteurs hospitaliers d'Ile-de-France " (RESAH IDF) et ayant pour objet la fourniture de médicaments pour les établissements membres de ce groupement.
Par un jugement n° 1511219 du 11 août 2016, le tribunal administratif de Paris a résilié ces marchés à compter du 30 novembre 2016.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 19 août 2016 et 14 octobre 2016, le RESAH IDF, représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) de surseoir à l'exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de la société LFB Biomédicaments la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 7611- du code de justice administrative.
Le RESAH IDF soutient que :
- l'article 11 du CCP des marchés en litige n'a pas méconnu l'article 5 du code des marchés publics ;
- en ne s'interrogeant pas d'office sur le caractère divisible ou non de l'article 11 des CCP des marché en lige, les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire de la procédure en ne mettant pas en oeuvre les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et ont en outre entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit ;
- en indiquant que le vice constitué par la violation, par l'article 11 du CCP des marchés en litige, de l'article 5 du code des marchés publics, n'était pas d'une particulière gravité tout en estimant qu'un tel vice justifiait la résiliation des marchés, les premiers juges ont entaché le jugement d'une contradiction de motifs et d'une erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2016, la société
LFB Biomédicaments, représentée par le cabinet d'avocats Simmons et Simmons, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du RESAH IDF la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société LFB Biomédicaments soutient que les moyens invoqués par le RESAH IDF n'apparaissent pas sérieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy, premier conseiller,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- les observations de Me Hourcabi, avocat du GIP RESAH IDF,
- et les observations de Me Nigri, avocat de la société LFB Biomédicaments.
Une note en délibéré, enregistrée le 7 novembre 2016, a été présentée par Me A...pour le RESAH IDF.
1. Considérant que, le 15 février 2014, le groupement d'intérêt public (GIP) " réseau des acheteurs hospitaliers d'Ile-de-France " (RESAH IDF) a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché public à bons de commande, sans minimum ni maximum, ayant pour objet la fourniture de médicaments pour les établissements membres de ce groupement ; que ce marché à bons de commande, divisé en 865 lots, a été soumis à un règlement de consultation et à un cahier des clauses particulières communs ; que la société
LFB Biomédicaments a présenté sa candidature en vue de l'attribution des lots nos 102, 114, 115, 448, 450 et 451 ; que, le 19 février 2015, le GIP RESAH IDF a rejeté les offres de la société au motif qu'elles étaient irrégulières et, le 15 juin suivant, a attribué les lots nos 102, 114, 115, 448 et 451 aux sociétés CSL Behring et Octapharma ; que le lot n° 450, d'abord déclaré infructueux, a ensuite été attribué à la société LFB Biomédicaments au terme d'une procédure négociée ;
2. Considérant que, saisi par la société LFB Biomédicaments d'un recours contestant la validité des marchés portant sur les lots nos 102, 114, 115, 448 et 451, le tribunal administratif de Paris, par un jugement rendu le 11 août 2016, a résilié ces marchés à compter du
30 novembre 2016 ; que le RESAH IDF demande à la Cour, sur le fondement de l'article
R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement " ;
En ce qui concerne la violation, par l'article 11 du cahier des clauses particulières (CCP) des marchés en litige, de l'article 5 du code des marchés publics :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du code des marchés publics alors applicable : " I - La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins (...) " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 du CCP des marchés en litige, relatif aux prix et règlement : " (...) Le marché est traité à prix unitaires. Les prix unitaires présentés dans le(s) tableau(x) offre de prix sont appliqués aux quantités réellement exécutées. (...)Les prix sont révisables, seulement à la baisse, et dans les cas suivants : à tout moment en cas d'évolution des tarifs CPS (...) à tout moment par le biais d'offres de prix promotionnelles (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 du même CCP, relatif à la contribution fournisseurs basée sur les flux (C2F) : " 11.1. Seuil de déclenchement / Le RESAH incite les bénéficiaires au respect des quantités de commandes prévisionnelles données à titre indicatif dans l'annexe 1 du présent marché. / En conséquence, la C2F n'est due que dès lors que les quantités de commandes prévisionnelles, données à titre indicatif dans l'annexe 1 et divisée par 2, sont atteintes sur chaque période de référence de 6 mois d'exécution du marché. (...)/ 11.2. Assiette / Le montant de référence sur lequel s'applique la C2F est le chiffre d'affaires TTC facturé à l'issue de chaque période de référence de 6 mois d'exécution du marché. / 11.3. Taux / Le taux est fixé à 1% du chiffre d'affaires facturé par le titulaire. Le titulaire pourra proposer en cours d'exécution du marché une ou des augmentations de ce taux pour une période donnée et/ou sur un périmètre définis. Ces augmentations de taux, si elles sont validées par le GIP RESAH-IDF, donneront lieu à la passation d'avenants / 11.4. Fourniture d'un fichier de reporting des quantités et des chiffres d'affaires facturés / Tous les 6 mois à compter de la date de début d'exécution du marché, le GIP RESAH-IDF envoie un fichier de reporting au titulaire (....). / Ce document doit être complété et renvoyé sous 15 jours à partir de sa réception par le titulaire. Il sert de base, notamment, au calcul de la C2F (...) / 11.5. Modalités de paiement / Le GIP RESAH-IDF calcule la C2F à l'issue de la transmission par le titulaire du fichier de reporting des quantités et des chiffres d'affaires TTC facturés (...). La C2F, bien que calculée sur le chiffre d'affaires TTC facturé, n'est pas soumise à la TVA. Le GIP RESAH-IDF procède à l'émission d'un avis des sommes à payer à destination du destinataire. (...) / 11.6. Dispense de versement / La C2F n'est due que si elle atteint un montant minimum, calculé sur l'ensemble des marchés dont le fournisseur est titulaire au titre de l'appel d'offre, de 150 euros par période de référence de
6 mois d'exécution du marché " ;
6. Considérant que le RESAH IDF soutient que le mécanisme de la C2F conduit à une baisse des coûts d'exécution des marchés par les membres du GIP en faisant valoir que la stratégie de regroupement de l'achat mis en oeuvre par la centrale d'achat RESAH IDF intègre une démarche d'amélioration de la performance du processus achats consistant à inciter de nouveaux établissements à recourir à la centrale pour satisfaire leurs besoins en médicaments et qu'une telle démarche conduit " inévitablement " à la mise en oeuvre d'un système incitatif qui se traduit, en cas d'efficience, par une augmentation des flux de médicaments, qu'il est logique d'accompagner par un effort financier de la part des fournisseurs qui voient leurs perspectives de commercialisation s'accroître ; qu'il indique également que l'affectation du produit de la C2F s'effectuera aux marchés dont les membres du RESAH IDF sont les bénéficiaires et que le bénéfice généré par la C2F est " inévitable pour les membres du RESAH IDF " et qu'il se traduit par " une baisse des coûts d'exécution des marchés et une réduction de leurs cotisations relatives à la filière médicaments " ; que le RESAH IDF indique que la clause financière litigieuse est usuelle dans les marchés conclus par les centrales d'achat et se prévaut d'une clause insérée dans un marché passé par l'UGAP ;
7. Considérant, en premier lieu, que la C2F n'a ni pour objet ni pour effet d'instituer une modulation des prix des médicaments fournis par les titulaires des marchés en fonction du volume effectivement commandé par les établissements adhérents au RESAH IDF ; qu'elle n'est dès lors pas rattachable à l'article 8 du CCP qui concerne seulement la détermination des prix des médicaments fournis ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort d'aucune des stipulations des contrats en litige que le versement de la C2F au RESAH IDF constituerait la contrepartie de services, précisément identifiés, qui seraient spécifiquement rendus par le GIP aux titulaires des marchés et qui iraient au-delà des obligations contractées normalement entre les fournisseurs et les distributeurs ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'il n'appartient pas aux titulaires des marchés fournissant des médicaments à une centrale d'achat d'établissements publics de contribuer directement au financement du fonctionnement de cette centrale d'achat ou à la réduction des cotisations dues par ses adhérents ; que le RESAH IDF, qui n'apporte au demeurant aucun élément sérieux sur l'affectation du produit de la C2F, n'établit pas que la perception de cette contribution serait en lien avec l'objet du marché et correspondrait à ses besoins ;
10. Considérant, dès lors, que compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 7 à 9, le RESAH IDF n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, être sérieusement fondé à soutenir que les premiers juges ont estimé que l'article 11 du CCP des marchés en litige avait méconnu l'article 5 du code des marchés publics ;
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par le RESAH IDF :
11. Considérant qu'en l'état de l'instruction, il apparaît que l'article 11 du CCP, qui constitue l'un des éléments contractuels concourant à la détermination de la rémunération des titulaires des marchés litigieux, ne constitue pas une clause divisible de ces marchés et que les marchés litigieux sont entachés d'un vice de nature à justifier leur résiliation ;
12. Considérant, dès lors, que les moyens tirés, d'une part, de ce que les premiers juges auraient méconnu le caractère contradictoire de la procédure en ne mettant pas en oeuvre les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit pour ce qui concerne la divisibilité de l'article 11 du CCP des marchés et, d'autre part, de ce que les premiers juges auraient entaché le jugement d'une contradiction de motifs et d'une erreur de droit pour ce qui concerne l'appréciation des conséquences du vice ne paraissent pas sérieux ou de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions aux fins de résiliation accueillies par le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le
16 août 2016 ;
13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par le GIP RESAH IDF doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société LFB Biomédicaments qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande
le GIP RESAH IDF au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge du GIP RESAH IDF une somme de 1 500 euros à verser la société LFB Biomédicaments au titre de ces mêmes frais ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du GIP RESAH IDF est rejetée.
Article 2 : Le GIP RESAH IDF versera à la société LFB Médicaments la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié groupement d'intérêt public " réseau des acheteurs hospitaliers d'Ile-de-France ", à la société LFB Biomédicaments, à la société CLS Behring et à la société Octapharma France.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 novembre 2016.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
L. DRIENCOURTLe greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de la santé, des affaires sociales et des droits des femmes en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°16PA02766 2