Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 31 mars 2015 par lequel le préfet de police a ordonné son expulsion du territoire français en application de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1508777/7-3 du 7 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 avril 2016, M. B..., représenté par Me Moughli, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1508777/7-3 du 7 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 31 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs ;
- le ministre de l'intérieur était seul compétent en application de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre l'arrêté attaqué dès lors qu'il justifie résider régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date dudit arrêté ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il justifie résider régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté et ne pouvait, par voie de conséquence, être expulsé que sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public ;
- l'arrêté contesté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté attaqué est dépourvu de base légale.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par une ordonnance du 23 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., ressortissant marocain, est né le 28 novembre 1983 à Cherbourg ; qu'il a quitté le territoire français alors qu'il était âgé de trois ans pour y revenir en 1999, selon ses déclarations ; que, par arrêté du 31 mars 2015, le préfet de police a décidé l'expulsion de l'intéressé du territoire français pour menace grave à l'ordre public sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fixé le pays de renvoi ; que M. B...relève appel du jugement du 7 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si une contrariété entre les motifs et le dispositif d'un jugement entraîne l'annulation de celui-ci, il ne peut être reproché en l'espèce aux premiers juges d'avoir commis une telle irrégularité, dans la mesure où le requérant n'établit pas l'incohérence dont il se prévaut ; qu'après avoir écarté l'ensemble des moyens invoqués par M.B..., y compris celui tiré de l'erreur de droit commise par le préfet en ordonnant son expulsion sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et considéré que l'intéressé n'était pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté litigieux, le tribunal administratif a rejeté dans le dispositif de sa décision la requête dont il était saisi ; qu'ainsi, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune contradiction entre ses motifs et son dispositif ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant "(...)" ; qu'aux termes de l'article L. 521-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. " ; qu'aux termes de l'article R. 522-1 de ce code : " L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application de l'article L. 521-1, après accomplissement des formalités prévues à l'article L. 522-1, est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. " ;
4. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que le ministre de l'intérieur était seul compétent en application de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'expulser du territoire français dès lors qu'il justifie résider régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B...a résidé en France sous couvert d'un titre de séjour du 7 février 2002 au 6 février 2003 ainsi que du 18 avril 2005 au 1er novembre 2013 et sous couvert d'un récépissé de demande de renouvellement de son titre de séjour du 1er novembre 2013 au 16 février 2014 ; que, par ailleurs, il a été incarcéré du 11 décembre 2013 au 2 août 2014 à la maison d'arrêt de Fleury Mérogis ; que, par suite, il n'établit pas résider régulièrement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux dès lors que les périodes de détention ne peuvent être prises en compte dans le calcul de la durée de sa résidence en France et qu'il est en situation de séjour irrégulier depuis le 16 février 2014 ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque donc en fait et doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il entre dans le cas des étrangers visés au 4° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur de droit en ordonnant son expulsion sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté en cause, qui vise les dispositions sur lesquelles il est fondé ainsi que l'avis de la commission spéciale d'expulsion du 10 février 2015, rappelle les condamnations dont M. B...a fait l'objet et indique que sa présence sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public en raison de l'ensemble de son comportement ; que, par suite, il est suffisamment motivé aux regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté litigieux qui est motivé, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B...avant de prononcer son expulsion du territoire français ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public ; que lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a été condamné le 15 mars 2002 par le tribunal correctionnel de Paris à neuf mois d'emprisonnement et 1 000 euros d'amende pour vol en réunion, le 6 juin 2003 par le tribunal correctionnel de Nanterre à 300 euros d'amende pour vol, le 22 janvier 2004 par le tribunal correctionnel de Paris à 600 euros d'amende pour rébellion et 600 euros d'amende pour outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, le 2 mai 2013 par le tribunal correctionnel de Paris à un mois d'emprisonnement pour tentative de vol, aggravé par deux circonstances, le 22 janvier 2014 par le tribunal correctionnel de Paris à six mois d'emprisonnement pour extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, en récidive, enfin le 19 mars 2014 par le tribunal correctionnel de Paris à deux mois d'emprisonnement pour récidive de conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique ; que, par ailleurs, il ne présente aucune garantie de réinsertion sociale ou professionnelle depuis la fin de son incarcération à la maison d'arrêt de Fleury Mérogis ; que, par suite, eu égard aux infractions répétées et de gravité croissante dont M. B...s'est rendu coupable, le préfet de police n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que la présence de l'intéressé en France constituait une menace grave pour l'ordre public ;
10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
11. Considérant que M. B...fait valoir qu'il réside en France depuis seize années, qu'il entretient une relation amoureuse établie depuis près de quinze années avec un ressortissant équatorien, qu'il est extrêmement proche de ses cousins et de son oncle résidant en France et qu'il est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas fait état de la relation amoureuse alléguée lors de son audition par la commission spéciale d'expulsion et produit seulement des attestations de proches et quatre photos, au demeurant floues, pour attester de son intensité et de son ancienneté ; qu'il est sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu de l'âge de 3 ans à l'âge de 16 ans et où réside sa mère avec laquelle il a affirmé devant la commission d'expulsion être toujours en contact ; que, dans ces conditions, eu égard à la répétition et à la gravité croissante des infractions commises, la mesure d'expulsion n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
12. Considérant, en septième et dernier lieu, que l'arrêté litigieux du 31 mars 2015 est légalement fondé sur les articles L. 521-1 et R. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de base légale dudit arrêté ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2015 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Dalle, président,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
D. DALLE
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01205