Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juin 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office passé le délai de départ volontaire qui lui a été imparti.
Par un jugement n° 1511328/2-3 du 3 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de
Mme A...tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 janvier 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1511328/2-3 du 3 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant ce tribunal.
Il soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier soumis à leur examen ;
- les pièces produites par la requérante à l'appui de ses conclusions de première instance sont postérieures à l'arrêté attaqué ; elles ne sont pas susceptibles de remettre en cause l'avis émis par le médecin chef de la préfecture de police ;
- il n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- aucun des autres moyens invoqués devant le tribunal n'était fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2016, MmeA..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Appèche a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., née le 1er janvier 1979 en Côte d'Ivoire, pays dont elle a la nationalité, est entrée en France en 2010 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa délivré le 25 février 2010 par les autorités consulaires françaises ; qu'en tant qu'employée d'un diplomate en poste à l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris, Mme A...a bénéficié d'une carte spéciale du ministère des affaires étrangères valable jusqu'au 3 mai 2014 ; qu'elle s'est présentée auprès des services de la préfecture de police de Paris en dernier lieu le
16 avril 2015 afin de solliciter son admission au séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 4 juin 2015, le préfet de police a rejeté sa demande et lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement n° 1511328/2-3 du 3 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme A...;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin compétent venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant que, par un avis rendu le 12 janvier 2015, le médecin chef du service médical de la préfecture de police a estimé que l'état de santé de Mme A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que l'intéressée pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet de police a refusé de délivrer le titre de séjour demandé par l'intéressée ;
6. Considérant qu'il ressort des éléments du dossier que les certificats médicaux produits en première instance comme en appel par MmeA..., émanant des médecins du pôle médico-chirurgical d'hépato-gastroentérologie du groupe hospitalier Cochin Saint-Vincent de Paul, attestent qu'elle souffre d'une hépatite B chronique avec réplication virale significative et cytolyse depuis janvier 2014, susceptible d'entraîner la progression vers une cirrhose et un carcinome hépatocellulaire ; que, toutefois, ces certificats, en tout état de cause postérieurs à l'arrêté attaqué pour deux d'entre eux et devant, à défaut de précision, être regardés comme se référant à l'état de santé de l'intéressée à la date à laquelle ils ont été établis, se bornent à mentionner que " le dépistage et le traitement ne sont pas accessibles/disponibles dans son pays d'origine " et ne comportent pas de précisions suffisantes permettant de remettre en cause l'appréciation portée par le médecin chef du service médical de la préfecture de police dans son avis du 12 janvier 2015 ; qu'ainsi que le fait valoir le préfet de police, Mme A...ne suivait, à la date de l'arrêté attaqué, aucun traitement médical en France mais faisait seulement l'objet d'un simple suivi biologique destiné à détecter, le cas échéant, une éventuelle évolution de son infection dans un sens défavorable ; qu'il n'est, au demeurant, et en dépit des affirmations non circonstanciées et stéréotypées figurant sur ce point dans ces certificats médicaux, pas sérieusement contesté qu'il existe des structures sanitaires et des professionnels de santé en Côte d'Ivoire, capables d'assurer un tel suivi ; qu'au surplus, le préfet de police apporte, au soutien de ses écritures d'appel, des documents établissant notamment l'existence, en Côte d'Ivoire, de services spécialisés aptes à assurer le suivi hépatique de malades atteints, comme Mme A...d'une hépatite B, ainsi, d'ailleurs que la disponibilité de traitements antiviraux dans son pays ; qu'il s'ensuit qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme A...ne pourrait bénéficier dans son pays d'un suivi approprié à sa pathologie ; que, dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les juges de première instance ont estimé qu'il avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...tant en première instance que devant elle ;
8. Considérant que, si Mme A...est entrée en France en 2010 sous couvert d'un visa obtenu en qualité d'employée de diplomate, la carte spéciale dont elle a bénéficié pour cette raison ne lui donnait pas vocation à s'établir durablement en France ; que, si l'intéressée fait valoir qu'elle réside sur le territoire français de façon continue depuis le 29 mars 2010, les documents qu'elle produit, à savoir, notamment, des copies de son titre de transport Pass Navigo et de sa carte d'admission à l'aide médicale de l'Etat ainsi que trois bulletins de salaires et un contrat de travail à durée déterminée conclu en vue du remplacement momentané d'un salarié malade, ne permettent pas de l'établir ; qu'il ressort des éléments du dossier, et notamment de l'avis d'impôt sur les revenus de l'année 2013, qui fait, en tout état de cause, état d'un montant d'impôt nul, que l'intéressée ne justifie pas d'un domicile propre ni de ressources régulières ; que, si Mme A...fait valoir qu'elle est mère d'un enfant né le 20 juillet 2013 sur le territoire français, qu'il est surveillé aux services de soins d'hépatologie de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et que son éloignement du territoire français lui ferait courir un risque d'une exceptionnelle gravité, elle n'apporte aucune précision ni éléments permettant d'apprécier le bien-fondé de ses allégations, ni ne fait état d'aucun obstacle à la possibilité de reconstituer sa vie privée et familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans et, en tout état de cause, d'y faire suivre médicalement son enfant ; qu'ainsi, le préfet de police n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant que, si Mme A...soutient que le préfet a méconnu les stipulations des articles 3 et 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'assortit ces moyens d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en tout état de cause, et eu égard aux motifs énoncés au point 8 ci-dessus, Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'en raison de son état de santé, elle serait exposée en Côte d'Ivoire à un traitement inhumain et dégradant au sens de ces stipulations et que, celles-ci auraient été méconnues par l'auteur de l'arrêté préfectoral contesté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à obtenir l'annulation du jugement n° 1511328/2-3 du 3 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 juin 2015 et lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme A...à compter de la notification du jugement ; que les conclusions présentées par MmeA..., tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour, doivent être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1511328/2-3 du 3 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 janvier 2017.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00096