Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 avril 2015 par lequel le préfet de police a ordonné son expulsion du territoire français en application de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", enfin, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1508890/7-3 du 7 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué, d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, enfin, mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le numéro 16PA01459 le 28 avril 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1508890/7-3 du 7 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de fait en affirmant que les faits délictueux les plus récents commis par M. C...remontaient à l'année 2010 ;
- eu égard à la gravité et à la répétition des faits dont M. C...s'est rendu l'auteur, l'arrêté d'expulsion n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale et n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en lui enjoignant de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dès lors que l'intéressé était en situation irrégulière à la date de l'arrêté d'expulsion ;
- s'agissant des autres moyens soulevés par le requérant en première instance, il entend conserver l'entier bénéfice de ses écritures présentées devant le Tribunal administratif de Paris.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2016, M.C..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- sa présence sur le territoire français ne constituait pas une menace grave pour l'ordre public au sens de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- eu égard à ses liens familiaux en France et sa durée de séjour, son âge, son état de santé et son absence de lien avec la Macédoine, le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 521-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ordonnant son expulsion du territoire français.
- la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme de 1 500 euros par le Tribunal administratif sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être confirmée dès lors qu'il n'avait pas demandé l'aide juridictionnelle en première instance.
II. Par une requête, enregistrée sous le numéro 16PA02964 le 21 septembre 2016, le préfet de police demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1508890/7-3 du 7 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que les moyens développés dans sa requête au fond sont sérieux et de nature à conduire à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2016, M.C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de police n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
- et les observations de M. C...et de MmeA..., pour le préfet de police.
1. Considérant que les requêtes n° 16PA01459 et n° 16PA02964 du préfet de police sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M.C..., ressortissant de l'ex-République yougoslave de Macédoine, né le 1er janvier 1958 à Stip, est entré sur le territoire français en 1981 selon ses déclarations ; que, par un arrêté du 16 avril 2015, le préfet de police a décidé l'expulsion de l'intéressé du territoire français pour menace grave à l'ordre public sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fixé le pays de renvoi ; que le préfet de police relève appel du jugement du 7 mars 2016, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
Sur la requête n° 16PA01459 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant que le Tribunal administratif a annulé l'arrêté litigieux au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a notamment relevé que les faits délictueux les plus récents commis par M. C...remontaient à l'année 2010 ; qu'il résulte toutefois de l'arrêt du juge pénal que la dernière condamnation dont l'intéressé a fait l'objet a été prononcée par la Cour d'appel de Paris le 16 octobre 2013 pour des faits de détention non autorisée de stupéfiants en récidive, offre ou cession non autorisée de stupéfiants en récidive et usage illicite de stupéfiants commis au cours de la période allant du 1er janvier 2011 au 6 juillet 2012 pour lesquels l'intéressé a été condamné à trois ans d'emprisonnement, sa libération n'étant intervenue qu'en novembre 2014 quelques mois seulement avant la décision contestée ; qu'il avait également été condamné par jugement du 18 avril 2007 du Tribunal correctionnel de Paris à huit mois d'emprisonnement, dont cinq mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans pour détention non autorisée de stupéfiants, offre ou cession non autorisée de stupéfiants et acquisition non autorisée de stupéfiants, puis, le 12 mai 2010 par la Cour d'appel de Paris, à trois ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans pour détention non autorisée de stupéfiants en récidive, offre ou cession non autorisée de stupéfiants en récidive et acquisition non autorisée de stupéfiants en récidive ; que, par ailleurs, si l'intéressé fait valoir qu'il résiderait en France depuis près de trente ans, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir commis une série de délits entre 1985 et 1994, il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion du 1er mars 1995, lequel n'a été abrogé qu'en 2004, et que trois interdictions judiciaires du territoire, la dernière pour une durée de cinq années par jugement du 30 novembre 1996 du Tribunal correctionnel de Paris, ont été prononcées à son encontre sans qu'il n'y obéisse ; que, par ailleurs, s'il vit en concubinage avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 7 mars 2023 et employée en qualité de femme de ménage par la ville de Paris, et que de cette relation sont nés en France deux enfants de nationalité française, ses deux enfants étaient devenus majeurs à la date de la décision contestée, et, comme le révèle l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 16 octobre 2013, son fils a également été condamné pour détention et usage de stupéfiants ; que, par ailleurs, si M. C...soutient avoir exercé la profession d'artiste-peintre et a obtenu en 2014 au cours de son incarcération à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis le certificat de compétence professionnelle 1 " Réaliser des retouches et fabrication unitaire de vêtements féminins " et si la Cour d'appel de Paris a relevé dans son arrêt du 16 octobre 2013 qu'il devait du fait des efforts qu'il avait fournis au cours de sa dernière détention être regardé comme justifiant de garanties exceptionnelles d'insertion justifiant d'écarter l'application des dispositions de l'article 132-19-1 du code pénal prévoyant l'infliction d'une peine d'emprisonnement d'une durée au moins égale au seuil de peine prévue pour les cas de récidive, il ne justifiait à la date de la décision attaquée d'aucun effort d'insertion professionnelle effectif postérieurement à sa libération en novembre 2014, se bornant à se prévaloir d'une inscription comme demandeur d'emploi en septembre 2016 ; qu'enfin, s'il soutient être dépourvu de tous liens avec la Macédoine qu'il aurait quittée en 1981, il n'en justifie pas alors en outre que le préfet de police fait état des déclarations qu'il a faites au cours de l'audience pénale du 16 octobre 2013 devant la Cour d'appel de Paris selon lesquelles il avait envisagé de s'établir dans son pays d'origine ; que dans ces conditions, compte tenu en particulier de la nature des infractions les plus récentes, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a annulé son arrêté au motif qu'il aurait porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C...une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour ;
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ;
7. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, M. C...a commis de nombreuses infractions pénales durant son séjour en France ; que notamment, les trois dernières condamnations prononcées à son encontre, analysées au point 4, sont de gravité croissante et sont motivées par des faits liés au trafic de stupéfiants, commis alors que sa situation avait été régularisée ; que s'il fait valoir qu'il n'a pas réitéré ces faits et est inséré, son comportement délictueux s'est poursuivi jusqu'en mai 2012, il était en détention jusqu'en novembre 2014, quelques mois avant l'intervention de l'arrêté d'expulsion contesté, et il ne justifie d'aucun effort particulier de réinsertion postérieur à sa libération, se bornant à se prévaloir d'une inscription comme demandeur d'emploi en 2016 ; que, dans ces conditions, il résulte de la persistance du comportement délictueux de M. C..., de la gravité croissante et du caractère récent des dernières condamnations pour des faits notamment de trafic de stupéfiants en récidive, que c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de police a estimé, à la date de son arrêté, que la présence de l'intéressé en France constituait une menace grave pour l'ordre public ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 521-5 du même code : " Les mesures d'expulsion prévues aux articles L. 521-1 à L. 521-3 peuvent être prises à l'encontre des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou d'un membre de leur famille, si leur comportement personnel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Pour prendre de telles mesures, l'autorité administrative tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée de leur séjour sur le territoire national, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle dans la société française ainsi que l'intensité des liens avec leur pays d'origine " ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que les dispositions de l'article L. 521-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont en tout état de cause pas été méconnues ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 16 avril 2015 par lequel il a ordonné l'expulsion de M. C...du territoire français et fixé son pays de renvoi ; que, par suite, ce jugement doit être annulé et la demande de M. C... présentée devant ce tribunal rejetée ; qu'à cet égard, M. C... n'est pas fondé à demander le maintien de la décision des premiers juges en tant qu'ils avaient mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son profit sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors que ces dispositions s'opposent à ce qu'une telle somme soit mise à la charge de l'Etat, dont il résulte de ce qui précède qu'il ne peut être regardé comme ayant eu la qualité de partie perdante devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la requête n° 16PA02964 :
10. Considérant que la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de police tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 16PA02964 tendant à ce qu'il soit sursis à exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1508890/7-3 du 7 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16PA02964 du préfet de police tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1508890/7-3 du 7 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 janvier 2017.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNILe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 16PA01459-16PA02964