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13/02/2017 | FRANCE | N°15PA04744

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 13 février 2017, 15PA04744


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision en date du 8 janvier 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société de transports terrestres et de roulage (STTR) à le licencier pour faute.

Par un jugement n° 1500084 du 29 octobre 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2015 et 22 août 2016

, la société STTR, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 15000...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision en date du 8 janvier 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société de transports terrestres et de roulage (STTR) à le licencier pour faute.

Par un jugement n° 1500084 du 29 octobre 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2015 et 22 août 2016, la société STTR, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500084 du 29 octobre 2015 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont fondés sur des faits inexacts en considérant que l'autre salarié était à l'initiative de l'altercation, que M. B... n'avait pas fait preuve d'agressivité et n'avait fait que se défendre et que ses préjudices corporels étaient plus importants que ceux de l'autre salarié ;

- M. B... était à l'origine de l'altercation ; en tout état de cause, l'inspecteur du travail ne s'est pas fondé sur cette circonstance, mais sur la violence de la riposte et des coups portés par M. B... ;

- les motifs du jugement du Tribunal de police de Nouméa du 23 juillet 2015 n'ont pas autorité de chose jugée sur le juge administratif ;

- les actes d'insubordination de M. B... au cours du mois précédant l'altercation sont établis par des éléments circonstanciés ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet 2016 et 2 janvier 2017, M. B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société STTR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société STTR ne sont pas fondés ;

- la décision litigieuse est entachée d'une insuffisance de motivation, dès lors qu'elle n'a pas pris en compte le reproche formulé par l'employeur tiré de son insubordination ;

- l'inspecteur du travail s'est fondé sur un fait inexact, tiré de ce que l'autre protagoniste de l'altercation avait subi dix-sept jours d'incapacité temporaire de travail, alors qu'il n'en a eu que trois.

La requête a été communiquée au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie,

- le code du travail de la Nouvelle-Calédonie,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté le 16 août 2010 en qualité de conducteur de véhicules poids lourds par la société de transports terrestres et de roulage (STTR). Il était par ailleurs titulaire des mandats de délégué du personnel et de délégué syndical et était membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La société STTR a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. B... pour faute. Par une décision du 8 janvier 2015, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. B.... Par la présente requête, la société STTR demande l'annulation du jugement du 29 octobre 2015, par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision de l'inspecteur du travail.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que, le 4 décembre 2014, alors qu'il se trouvait sur son lieu de travail, M. B... a eu une violente altercation physique avec un salarié d'une société appartenant au même groupe. Cette rixe a eu comme témoins d'autres salariés de la société STTR.

4. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que, pour autoriser le licenciement de M. B..., l'inspecteur du travail a considéré que la responsabilité de l'origine de la rixe ne pouvait être attribuée à l'un ou l'autre des deux protagonistes, en raison des contradictions existant entre les témoignages sur ce point. Il a toutefois considéré que la violence de la riposte de M. B..., qui avait entraîné pour l'autre salarié " de graves blessures et une ITT de 17 jours ", était, à elle seule, constitutive d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. En revanche, l'inspecteur du travail ne s'est nullement fondé sur les autres griefs invoqués par l'employeur dans sa demande d'autorisation de licenciement et tenant à des faits d'insubordination.

5. Toutefois, contrairement à ce qui est mentionné dans la décision de l'inspecteur du travail, les coups échangés n'ont entraîné, pour l'autre protagoniste, que des blessures superficielles. Il ressort en effet du certificat médical établi le lendemain des faits par un médecin légiste à la demande des services de police, que celui-ci n'a été victime que de plaies au crâne et au front, dont l'une a cependant dû faire l'objet de trois points de suture, d'un hématome discret thoracique et d'un hématome au niveau de la hanche, ne nécessitant que trois jours d'incapacité temporaire totale (ITT) et non dix-sept. A l'inverse, M. B... a été plus grièvement blessé puisqu'il ressort du certificat médical établi le lendemain des faits par le même médecin légiste qu'il a été victime d'une ecchymose de la langue, d'un placard ecchymotique du thorax, de plaies superficielles au cou et d'une fracture de l'annulaire droit, nécessitant sept jours d'ITT.

6. Par ailleurs, il ressort des déclarations de M. B... aux services de police une heure après les faits, corroborées par les témoignages de plusieurs de ses collègues qui ont assisté à la fin de l'altercation, que M. B..., qui portait une attelle au poignet droit en raison d'une tendinite, a principalement eu une attitude défensive, alors que l'autre salarié l'avait saisi à la gorge. Il est ainsi établi, et la constatation de ces faits est d'ailleurs revêtue de l'autorité de chose jugée par un jugement du 23 juillet 2015 du Tribunal de police de Nouméa devenu définitif, que, lorsque les autres salariés sont intervenus, M. B... était calme, alors que l'autre salarié était très agressif et envoyait des coups de pied et de poing. Les témoignages concordants établissent également qu'à la fin de l'altercation, M. B... se contentait de maintenir au sol l'autre salarié qui l'insultait et tentait de le frapper.

7. Enfin, il est constant, d'une part, que ces faits n'ont pas eu de témoins extérieurs à l'entreprise et, d'autre part, qu'il s'agit d'un acte isolé, aucun fait de violence n'ayant jusqu'alors été reproché à M. B.... Dans ces conditions, l'inspecteur du travail a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que les faits fautifs reprochés à M. B... présentaient un caractère suffisant de gravité pour justifier son licenciement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société STTR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision du 8 janvier 2015 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de M. B....

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société STTR demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société STTR une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société STTR est rejetée.

Article 2 : La société STTR versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société de transports terrestres et de roulage (STTR), à M. D... B...et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2017.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA04744


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04744
Date de la décision : 13/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : BRIANT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-13;15pa04744 ?
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