Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 décembre 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours préalable obligatoire formé contre l'arrêté du 24 juin 2014 par lequel le ministre de la défense l'a placé d'office en position de retraite par limite d'âge et l'a radié des cadres, ensemble cet arrêté.
Par un jugement n° 1432042 du 25 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 août 2015, 26 décembre 2016 et 10 février 2017, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1432042 du 25 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2014 du ministre de la défense rejetant son recours préalable obligatoire formé contre l'arrêté du 24 juin 2014 par lequel le ministre de la défense l'a placé d'office en position de retraite par limite d'âge et l'a radié des cadres ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 8 décembre 2014 du ministre de la défense ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 8 décembre 2014 du ministre de la défense méconnaît les dispositions de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, dès lors qu'il avait demandé à bénéficier du report d'une année avant d'avoir atteint la limite d'âge et qu'il ne bénéficiait pas du nombre de trimestres fixé par l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 dont le champ d'application comprend les militaires ; il est le père de trois enfants ; il a sollicité le bénéfice des ces dispositions lors de son entretien avec le chef du service des ressources humaines de l'Ecole nationale supérieure de techniques avancées le 13 juin 2014 ;
- s'il ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 en raison de sa qualité de militaire, il est victime de discrimination en méconnaissance des stipulations de l'article 119 du traité de Rome et de celles de l'article 1er de la convention n° 111 de l'organisation internationale du travail concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession, cette différence de traitement n'étant pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention n° 111 de l'organisation internationale du travail concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession ;
- le code de la défense ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;
- le décret n° 2011- 2103 du 30 décembre 2011 ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 23 mars 2017 :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M.A....
1. Considérant que M.A..., ingénieur principal de l'armement affecté à l'Ecole nationale supérieure de techniques avancées, détenant le grade de commandant, a été placé d'office à la retraite par limite d'âge à compter du 13 août 2014 et radié des cadres de l'armée active à compter de la même date, par un arrêté du 24 juin 2014 du ministre de la défense ; que, par décision du 8 décembre 2014, le ministre de la défense a rejeté le recours administratif préalable de l'intéressé tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. A...fait appel du jugement du 25 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2014 du ministre de la défense ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 4139-14 du code de la défense, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : / 1° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles L.4139-16 et L. 4141-5 (...) " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 4139-16 du même code que la limite d'âge pour le corps des ingénieurs de l'armement est fixée, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 susvisée, à soixante-six ans ; que cette même limite d'âge était antérieurement fixée à soixante-quatre ans ; qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - Pour les militaires dont la limite d'âge est inférieure à soixante-cinq ans, en application de l'article L. 4139-16 du code de la défense, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi, la limite d'âge est fixée, à compter du 1er janvier 2016 : / (...) 8° A soixante-six ans lorsque cette limite d'âge était fixée antérieurement à soixante-quatre ans. / Un décret fixe, de manière croissante, les limites d'âge sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des âges fixés au présent I (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 30 décembre 2011 susvisé : " Pour les militaires, la limite d'âge applicable avant l'entrée en vigueur de l'article 33 de la loi du 9 novembre 2010 susvisée est relevée, à titre transitoire, comme indiqué dans le tableau suivant (...) " ; que ce tableau fait apparaître, pour les militaires ayant atteint la limite d'âge en 2013, un relèvement d'an et deux mois ;
3. Considérant que M. A...est né le 12 juin 1949 et, comme il a déjà été dit, servait en tant qu'ingénieur principal de l'armement, au grade de commandant ; qu'il avait donc atteint en 2013 l'âge limite fixé, pour les ingénieurs de l'armement, à soixante-quatre ans par l'article L. 4139 16 du code de la défense, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'article 33 de la loi du 9 novembre 2010 ; que, toutefois, en application des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 30 décembre 2011, cet âge limite a été, à titre transitoire, relevé d'un an et deux mois ; que l'âge limite était, dès lors, fixé, pour M.A..., à soixante-cinq ans et deux mois ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 18 août 1936 modifiée concernant les mises à la retraite pour ancienneté : " La limite d'âge est abaissée, pour les fonctionnaires et employés civils des services de l'Etat de la catégorie A et de la catégorie B, dans les conditions ci-dessous : (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de la même loi : " les limites d'âge seront reculées d'une année par enfant à charge, sans que la prolongation d'activité puisse être supérieure à 3 ans (...). - Les limites d'âge seront également reculées d'une année pour tout fonctionnaire et employé civil qui, au moment où il atteignait sa cinquantième année, était parent d'au moins trois enfants vivants (...)" ;
5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions précitées que les reculs de la limite d'âge qu'elles instituent au titre des charges de famille ne s'appliquent qu'aux fonctionnaires et employés civils de l'État ; qu'elles ne peuvent, dès lors, bénéficier aux militaires, dont les limites d'âge entraînant l'admission obligatoire à la retraite sont fixées par les dispositions de l'article L. 4139-16 du code de la défense ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 119 du traité de Rome, devenu l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, aujourd'hui repris à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur (...) ; 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées qui n'énoncent pas le principe d'égalité de traitement entre les fonctionnaires civils et les militaires mais le principe d'égalité entre les hommes et les femmes dans la vie professionnelle ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant soutient que la circonstance que la qualité de militaire fasse obstacle à l'application des dispositions de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 constitue une différence de traitement avec les fonctionnaires civils injustifiée, en méconnaissance du principe d'égalité tel qu'il est consacré dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ; que, toutefois, le principe de non discrimination invoqué par le requérant ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; que les fonctionnaires civils et les militaires sont placés dans des situations différentes, tant du point de vue du déroulement de leur carrière que de celui du calcul de leurs droits à la retraite ; qu'ainsi, les limites d'âge des militaires ne correspondent pas à l'âge normal de cessation des activités professionnelles de la fonction publique, mais sont fixées pour chaque corps et pour chaque grade par le code de la défense, et notamment par les dispositions de l'article L. 4139-16 du code de la défense, en tenant compte des conditions particulières d'emploi des personnels au sein des unités ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la convention n° 111 de l'organisation internationale du travail concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession : " Aux fins de la présente convention, le terme discrimination comprend: (...) (b) toute autre distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession, qui pourra être spécifiée par le Membre intéressé après consultation des organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs, s'il en existe, et d'autres organismes appropriés. 2. Les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations. 3. Aux fins de la présente convention, les mots emploi et profession recouvrent l'accès à la formation professionnelle, l'accès à l'emploi et aux différentes professions, ainsi que les conditions d'emploi. " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette convention : " Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à formuler et à appliquer une politique nationale visant à promouvoir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, afin d'éliminer toute discrimination en cette matière. " ; que ces stipulations, qui créent seulement des obligations à l'égard des Etats membres de l'organisation internationale du travail sans ouvrir de droits aux particuliers, sont dépourvues d'effet direct ; que, par suite, M. A...ne peut utilement s'en prévaloir ;
9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1-1 de la loi susvisée du 13 septembre 1984 : " (...) les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le maintien en activité du fonctionnaire au-delà de la limite d'âge du corps auquel il appartient ne constitue pas un droit, mais une faculté laissée à l'appréciation de l'autorité administrative, qui détermine sa position en fonction de l'intérêt du service, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qui exerce sur ce point un contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation ;
10. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que le 13 juin 2014, lors d'un entretien avec le chef du service des ressources humaines de l'Ecole nationale supérieure de techniques avancées, M. A...a demandé à être maintenu en activité au-delà de la limite d'âge, il n'établit pas, en se bornant à se prévaloir de cette demande et de la circonstance qu'il n'avait pas atteint le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension mentionnée à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires, que la décision contestée serait entachée d'illégalité ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2014 du ministre de la défense ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de la défense.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03486