Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun de déclarer le département de Seine-et-Marne responsable des conséquences de l'accident de la circulation dont il a été victime le 15 août 2011 sur la route départementale 216 en direction de Faremoutiers, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer le préjudice corporel subi et de condamner le département de Seine-et-Marne à lui verser une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice.
Par un jugement n° 1310175 du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2015, M. A..., représenté par la SCP B. Guillon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1310175 du 16 mars 2015 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du président du conseil général de Seine-et-Marne ;
3°) de constater que la responsabilité du département de Seine-et-Marne est engagée du fait de l'accident subi par lui le 15 août 2011 et d'indemniser toutes les conséquences, notamment le préjudice corporel, de cet accident ;
4°) de diligenter une expertise médicale confiée à un médecin expert, avec la mission habituelle, afin de déterminer toute l'étendue du dommage corporel en lien avec l'accident survenu le 15 août 2011 ;
5°) de lui allouer une provision de 50 000 euros à valoir sur l'ensemble de son préjudice corporel ;
6°) de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'accident survenu le 15 août 2011 sur la route départementale 216 en direction de Faremoutiers, alors qu'il roulait, casqué, à une vitesse très modérée, est dû à la présence excessive de gravillons sur la route, à la suite de travaux de réfection de la chaussée ; la responsabilité du département de Seine-et-Marne, à qui incombe la charge de la preuve, est engagée en raison d'une signalisation défectueuse et de la dangerosité de la route, qui n'a pas été remise en état après les travaux afin d'assurer la sécurité des usagers.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2015, le département de Seine-et-Marne, représenté par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que le requérant se contente de reprendre les mêmes moyens et la même argumentation qu'en première instance, sans apporter d'élément nouveau ;
- les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 28 pluviôse an VIII,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- et les observations de Me Phelip, avocat du département de Seine-et-Marne.
Une note en délibéré a été présentée le 20 avril 2017 pour le département de Seine-et-Marne.
Considérant ce qui suit :
Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de Seine-et-Marne :
1. Il ressort des termes de la requête qu'elle critique le jugement attaqué, notamment en estimant que " c'est à tort que les premiers juges ont considéré, uniquement sur la base des documents établis unilatéralement par le conseil général, que ce dernier avait rempli son obligation d'information signalant correctement la présence des gravillons ". Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le département de Seine-et-Marne tirée de ce que la requête serait irrecevable en ce que le requérant se contenterait de reprendre les mêmes moyens et la même argumentation qu'en première instance, sans apporter d'élément nouveau, doit, en tout état de cause, être écartée
Sur la responsabilité du département de Seine-et-Marne :
2. Il résulte de l'instruction que, le 15 août 2011, un peu avant 18 heures, M.A..., qui circulait avec son épouse à moto sur la route départementale 216, venant de Mouroux et allant en direction de Faremoutiers, a été victime d'un accident de la circulation à la sortie de la commune de Pommeuse, rue du général Huerne, juste après le pont franchissant la voie ferrée, au point kilométrique 3.675, après avoir dérapé sur des gravillons présents sur la chaussée.
3. Pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer, d'une part, la réalité de leur préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et leurs dommages. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage soit d'établir qu'elle en a normalement assuré l'entretien, soit de démontrer que les dommages sont imputables à une faute de la victime ou à l'existence d'un évènement de force majeure.
4. Il résulte de l'instruction que, du 11 au 12 août 2011, soit trois jours avant l'accident dont s'agit, le département de Seine-et-Marne a fait procéder à des travaux de regravillonnage de la chaussée de la route départementale 216 sur le territoire de la commune de Pommeuse, entre les points kilométriques 3.070 et 4.555. La présence de gravillons sur la chaussée était signalée aux usagers de cette route par un panneau de signalisation de type AK 22 (projections de gravillons), comme il ressort de la carte des lieux commentée réalisée par les services du département et du procès-verbal d'audition du 24 novembre 2011 de l'ingénieur en génie civil près le conseil général de Seine-et-Marne faisant état de la présence d'un tel panneau au point kilométrique 2.978, soit à 697 mètres avant le lieu de l'accident, corroborés par le procès-verbal du 15 août 2011 du gardien de la paix arrivé sur les lieux après l'accident, qui indique avoir constaté la présence d'un panneau pour avertir de la présence de graviers à l'entrée de la D 216, au niveau du cimetière de Pommeuse. Si le département de Seine-et-Marne fait valoir qu'un autre panneau de signalisation de type AK 22 ainsi qu'un panneau de limitation de vitesse avait été implantés lors des travaux au point kilométrique 3.521, soit à 154 mètres avant le lieu de l'accident, la présence de ces panneaux n'est attestée ni par le gardien de la paix arrivé sur les lieux après l'accident, ni par les témoins interrogés lors de l'enquête de police. Enfin, un troisième panneau de signalisation de type AK 22 était implanté au point kilométrique 3.745, soit juste après le lieu de l'accident. Ainsi, la signalisation, par le panneau implanté au point kilométrique 2.978, des risques induits par les travaux réalisés sur la route départementale doit être regardée comme suffisante, sans même qu'il soit nécessaire d'examiner la présence réelle de l'autre panneau de signalisation qui aurait été implanté au point kilométrique 3.521, dont l'existence ne ressort que des pièces produites par le département de Seine-et-Marne.
5. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment tant du procès-verbal du 15 août 2011 du gardien de la paix arrivé sur les lieux après l'accident que des témoignages, recueillis lors de l'enquête de police, d'un témoin direct de l'accident, qui arrivait en voiture en sens inverse, et d'un gendarme à moto qui est arrivé sur place juste après l'accident, que des gravillons étaient amoncelés sur la chaussée en une épaisseur si importante que le sillage du passage de la moto de M. A...y était visible après l'accident (le témoin direct de l'accident a estimé la hauteur de l'amas de gravillons à 5 ou 6 centimètres et le gendarme à moto, qui était passé sur les lieux trois heures avant l'accident, a estimé que cet amoncellement de graviers rendait la route dangereuse, particulièrement pour une moto). Par suite, alors que trois jours s'étaient écoulés depuis la réalisation des travaux sur la route départementale 216, ce qui aurait dû conduire à la dispersion des gravillons, la présence de ces gravillons excédait, eu égard à leur quantité, les risques ordinaires de circulation auxquels un usager, même averti de leur présence, peut s'attendre et rendait ainsi la circulation sur cette route dangereuse, particulièrement pour les deux roues, eu égard aux risques de dérapage.
6. Enfin, il résulte de l'instruction, et notamment du témoin direct de l'accident, que M. A..., au moment de l'accident, roulait à une vitesse réduite, qui n'excédait pas les 50 kilomètres/heure autorisés sur ce tronçon de route. Par ailleurs, la circonstance que M. A...circulait à moto avec sa femme n'était pas de nature à déstabiliser son véhicule et à rendre le freinage moins efficace, comme le soutient à tort le département de Seine-et-Marne.
7. Il résulte de ce qui précède que le département de Seine-et-Marne n'apportant pas la preuve de l'entretien normal de l'ouvrage public que constitue la route départementale 216, il doit être condamné à réparer les conséquences dommageables de l'accident dont M. A...a été victime le 15 août 2011.
Sur les préjudices de M.A... :
8. En l'état du dossier, les préjudices subis par M.A... ne peuvent être déterminés. Par suite, il y a lieu de diligenter une mission d'expertise médicale afin de les déterminer.
Sur les conclusions de M. A...tendant à ce qu'une indemnité provisionnelle soit allouée :
9. Il y a lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, de condamner le département de Seine-et-Marne à verser à M. A...une somme de 20 000 euros à titre de provision.
10. Les autres moyens et conclusions de M.A..., sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 16 mars 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à ce que le département de Seine-et-Marne soit déclaré responsable des conséquences de l'accident de la circulation dont il a été victime le 15 août 2011 sur la route départementale 216 en direction de Faremoutiers, à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée afin de déterminer le préjudice corporel subi et à ce que le département de Seine-et-Marne soit condamné à lui verser une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1310175 du 16 mars 2015 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Le département de Seine-et-Marne est déclaré responsable des conséquences dommageables de l'accident de la route survenu à M. A...le 15 août 2011.
Article 3 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions présentées par M.A..., procédé à une expertise médicale afin de déterminer les préjudices subis par M. A...du fait de l'accident de la route qui lui est survenu le 15 août 2011. Cette expertise sera faite en présence de M.A..., du président du conseil général de Seine-et-Marne et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'intéressé.
Article 4 : L'expert aura pour mission :
1°) de se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M.A..., antérieurement et postérieurement à l'accident survenu le 15 août 2011 ; de convoquer et entendre les parties et tous sachants ;
2°) de décrire son état de santé actuel ; de procéder à l'évaluation du dommage corporel ; d'indiquer les différents préjudices subis, en les déterminant en pourcentage ou sur une échelle de 1 à 7 degrés, et en particulier le déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique temporaire et permanent, le préjudice sexuel et le préjudice d'agrément ;
3°) de déposer un pré-rapport afin de permettre aux parties de faire valoir contradictoirement leurs observations préalablement au dépôt du rapport définitif au greffe de la Cour.
Article 5 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la Cour dans un délai de deux mois suivant la prestation de serment.
Article 6 : Le département de Seine-et-Marne est condamné à verser à M. A...une somme de 20 000 euros à titre de provision.
Article 7 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au président du conseil général de Seine-et-Marne et à la caisse du régime social des indépendants d'Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mai 2017.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADELe greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01995