Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Nièvre, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Côte d'Or, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Eure-et-Loir, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Marne, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Orne, la Fédération départementale des exploitants agricoles - Yonne, M. E... V..., le GAEC Verstraete, M. T... P..., M. Z... L..., le GAEC du Val de Vire, le GAEC de la Rançonnière, le GAEC de la Patoyère, l'EARL des Hêtres, l'EARL des hauts vents, le GAEC la Ferme des Vaux, M. J... R..., l'EARL de la Riquerie, M. D... N..., M. W... U..., M. Y... O..., M. B... I..., M. F... G..., M. Q... X..., la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Manche, M. A...K...et MM. S...et H...M...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Ile de France, préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie a délimité les zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole.
Par un jugement n° 1302474/7-2 du 17 octobre 2014, le tribunal administratif de Paris a admis l'intervention de l'association générale des producteurs de blé et rejeté la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 19 décembre 2014, 10 février 2015, 2 septembre 2015, 22 juin 2016 et 6 avril 2017, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Nièvre, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Côte d'Or, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Eure-et-Loire, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Marne, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Orne, la Fédération départementale des exploitants agricoles - Yonne, M. E... V..., le GAEC Verstraete, M. T... P..., M. Z... L..., le GAEC du Val de Vire, le GAEC de la Rançonnière, le GAEC de la Patoyère, l'EARL des Hêtres, l'EARL des hauts vents, le GAEC la Ferme des Vaux, M. J... R..., l'EARL de la Riquerie, M. D... N..., M. W... U..., M. Y... O..., M. B... I..., M. F... G..., M. Q... X..., la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Manche, M. A...K...et MM. S...et H...M..., représentés par MeC..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302474/7-2 du 17 octobre 2014 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Ile-de-France, préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie a délimité les zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole ;
3°) d'enjoindre au ministre chargé de l'écologie d'abroger la circulaire du 22 décembre 2011 dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au premier ministre d'abroger l'article R. 211-77 du code de l'environnement dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du même code.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la procédure contradictoire n'a pas été respectée, que la formule exécutoire vise le ministre de l'écologie et non le préfet coordonnateur de bassin ; que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision s'agissant de l'applicabilité de la convention OSPAR ;
- les dispositions de l'article R. 211-77 du code de l'environnement en ce qu'elles désignent le préfet coordonnateur et non le premier ministre comme autorité compétente pour délimiter les zones vulnérables sont entachées d'illégalité ;
- le préfet de la région Ile de France est incompétent pour édicter l'arrêté litigieux ;
- le signataire de la décision attaquée ne dispose pas d'une délégation de signature ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de forme comme ayant été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;
- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'un vice de procédure ; les conditions dans lesquelles le CODERST des Ardennes a rendu son avis sont contraires aux prescriptions de l'article 9 du décret du 8 juin 2006 ;
- la procédure de concertation prévue par les dispositions de l'article R. 211-77 du code de l'environnement n'a pas été respectée ;
- l'arrêté attaqué n'a pas été publié au recueil des actes administratifs de l'Orne, du Calvados, de l'Yonne, de la Côte d'Or, de la Nièvre et de la Saône et Loire ; l'information du public n'a ainsi pas été assurée ;
- l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance des stipulations des articles 6, 7 et 8 de la convention d'Arrhus et de l'article 7 de la charte de l'environnement ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit compte tenu de ce qu'il a été pris sur le fondement de la circulaire du 22 décembre 2011 laquelle est illégale ; que par jugement du 1er octobre 2014 devenu définitif le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Lorraine a délimité les zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole au motif de l'illégalité de la circulaire du 22 décembre 2011 ; que ce jugement est revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée ;
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article R. 211-76 du code de l'environnement ; il est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en intervention enregistré le 3 février 2015, l'association générale des producteurs de blé s'associe aux requérants et conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 décembre 2015, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens des requérants n'est fondé.
Les parties ont été invitées à indiquer à la Cour quelles seraient les conséquences d'une annulation rétroactive de l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Ile de France, préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie a délimité les zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole.
Par un mémoire enregistré le 26 avril 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer expose qu'une annulation rétroactive emporterait, au regard de l'intérêt qui s'attache au maintien de l'arrêté attaqué des conséquences manifestement excessives.
Il soutient que :
- la disparition rétroactive de la délimitation des zones vulnérables à partir du 20 décembre 2012 porterait une atteinte manifestement excessive à l'intérêt qui s'attache au respect du droit communautaire ; qu'en effet l'annulation d'un arrêté délimitant les zones vulnérables remet en cause l'application des programmes d'action sur ces territoires ;
- compte tenu de la procédure de délimitation des zones vulnérables et de la durée de celle-ci, il convient de moduler les effets de l'annulation de manière à ce qu'elle ne prenne effet qu'à l'expiration d'un délai de neuf mois à compter de l'arrêt à intervenir.
Par un mémoire enregistré le 26 avril 2017, la FNSEA et les autres requérants demandent à la cour de ne pas moduler les effets dans le temps de l'annulation de l'arrêté attaqué.
Ils soutiennent que :
- l'annulation rétroactive de l'arrêté attaqué n'est pas de nature à remettre en cause des situations créées sous l'empire de celui-ci dès lors que les agriculteurs concernés n'ont pas procédé aux mises aux normes compte tenu des imprécisions et modifications de celles-cis ;
- l'annulation différée serait de nature à laisser perdurer dans l'ordonnancement juridique un acte illégal pouvant constituer le fondement de poursuites pénales et de sanctions administratives ;
- l'annulation rétroactive n'exposerait pas la France à un nouveau recours en manquement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte de l'environnement ;
- la convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est signée à Paris le 22 septembre 1992 ;
- la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public aux processus décisionnels et l'accès à la justice en matière d'environnement ;
- la directive n° 91/676/CEE du 12 décembre 1991 du Conseil ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Amat,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Margaroli, avocat de la FNSEA et les autres requérants.
Une note en délibéré présentée par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer a été enregistrée le 11 mai 2017.
1. Considérant que, par arrêté du 20 décembre 2012, le préfet de la région Ile-de-France, coordonnateur du bassin Seine-Normandie, a délimité les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole du bassin Seine-Normandie ; que la FNSEA et les autres requérants relèvent appel du jugement du 17 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur l'intervention de l'association générale des producteurs de blé :
2. Considérant que l'association générale des producteurs de blé a intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la fin de non recevoir invoquée par le ministre de l'environnement en première instance :
3. Considérant que si le ministre de l'environnement soutenait en première instance que les requérants n'avaient pas d'intérêt leur donnant qualité pour agir, il résulte des stipulations de l'article 8 des statuts des fédérations départementales des syndicats d'exploitants agricoles de la Nièvre, de la Côte-d'Or, d'Eure et Loir, de la Marne, de l'Orne et de l'Yonne que l'objet de celles-ci est " de représenter et de défendre, sur le plan départemental, les intérêts de la profession agricole " dans les domaines moral, technique, social et économique ; que compte tenu des incidences de l'arrêté attaqué sur les modalités d'exercice de la profession agricole dans chacun de ces départements, les fédérations départementales précitées disposent d'un intérêt leur donnant qualité pour solliciter l'annulation de celui-ci ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt pour agir des autres requérants, la fin de non recevoir invoquée par le ministre de l'environnement devant les premiers juges ne peut qu'être écartée ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 211-75 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Il est dressé un inventaire des zones dites vulnérables qui contribuent à la pollution des eaux par le rejet direct ou indirect de nitrates et d'autres composés azotés susceptibles de se transformer en nitrates d'origine agricole / Sont désignées comme vulnérables, compte tenu notamment des caractéristiques des terres et des eaux ainsi que de l'ensemble des données disponibles sur la teneur en nitrate des eaux, les zones qui alimentent les eaux définies à l'article R. 211-76 " ; qu'aux termes de l'article R. 211-76 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Pour la désignation des zones vulnérables, sont définies comme atteintes par la pollution : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant au captage d'eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est supérieure à 50 milligrammes par litre ; / 2° Les eaux des estuaires, les eaux côtières et marines et les eaux douces superficielles qui ont subi une eutrophisation susceptible d'être combattue de manière efficace par une réduction des apports en azote. / II. - Pour la désignation des zones vulnérables, sont définies comme menacées par la pollution : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant au captage d'eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est comprise entre 40 et 50 milligrammes par litre et montre une tendance à la hausse ; / 2° Les eaux des estuaires, les eaux côtières et marines et les eaux douces superficielles dont les principales caractéristiques montrent une tendance à une eutrophisation susceptible d'être combattue de manière efficace par une réduction des apports en azote (...) " ; qu'enfin selon l'article R. 211-77 dudit code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le préfet coordonnateur de bassin élabore, avec le concours des préfets de département, à partir des résultats obtenus par le programme de surveillance de la teneur des eaux en nitrates d'origine agricole et de toute autre donnée disponible, un projet de délimitation des zones vulnérables en concertation avec les organisations professionnelles agricoles, des représentants des usagers de l'eau, des communes et de leurs groupements, des personnes publiques ou privées qui concourent à la distribution de l'eau, des associations agréées de protection de l'environnement intervenant en matière d'eau et des associations de consommateurs. / Le préfet coordonnateur de bassin transmet le projet de délimitation des zones vulnérables aux préfets intéressés qui consultent les conseils généraux et les conseils régionaux (...) ainsi que les conseils départementaux de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques et les chambres d'agriculture. / Le préfet coordonnateur de bassin arrête la délimitation des zones vulnérables après avis du comité de bassin. / Les avis sont réputés favorables s'ils n'interviennent pas dans un délai de deux mois à compter de la transmission de la demande d'avis. / L'inventaire des zones vulnérables est rendu public (...) / L'inventaire des zones vulnérables est modifié selon la même procédure que celle prévue pour son adoption. Cet inventaire fait l'objet d'un réexamen au moins tous les quatre ans " ;
5. Considérant, d'une part, que l'interprétation par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions que l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ; qu'il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;
6. Considérant, d'autre part, que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale ;
7. Considérant que, par une circulaire du 22 décembre 2011 relative au réexamen de la liste des zones vulnérables au titre de la directive n° 91/676/ CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, dite " directive nitrates ", le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a prescrit aux préfets concernés, au paragraphe 3 de l'annexe technique intitulée " Instructions pour réviser les zones vulnérables ", d'utiliser la méthode du " percentile 90 " pour identifier les valeurs des concentrations en nitrates pertinentes ; que ces dispositions de la circulaire, qui imposent aux services l'usage d'une méthode qui n'est prévue par aucun texte afin de déterminer les zones vulnérables à la pollution, présentent un caractère réglementaire ; que, le ministre ne tenant d'aucun texte le pouvoir d'édicter de telles règles, le paragraphe 3 de l'annexe est, dans cette mesure, entaché d'incompétence ; qu'il est constant que pour définir, par l'arrêté préfectoral litigieux, les zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole, le préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie a fait application de ces dispositions de la circulaire ministérielle ; que, par suite, la FNSEA et autres sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêté attaqué pris en application d'un texte illégal ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que la FNSEA et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Ile de France, préfet coordonnateur du bassin de Seine-Normandie a délimité les zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole ;
Sur les conséquences de l'illégalité de l'arrêté du 20 décembre 2012 :
9. Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause, de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;
10. Considérant que la délimitation des zones vulnérables en application des dispositions de l'article R. 211-76 du code de l'environnement vise à permettre l'application des programmes d'action en vue du respect de la directive européenne du 12 décembre 1991, laquelle établit un cadre de mesures visant à réduire et à prévenir la pollution directe et indirecte des eaux par les nitrates d'origine agricole et impose à cet effet aux Etats membres d'établir dans ces zones vulnérables des programmes d'action portant sur l'utilisation des fertilisants azotés, ainsi que les pratiques agricoles associées, selon une règle reprise en droit interne au V de l'article R. 211-80 du code de l'environnement ; qu'ainsi l'annulation rétroactive de l'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Ile de France, préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie a délimité de telles zones dans le bassin Seine Normandie aurait, sur une large portion du territoire, des conséquences manifestement excessives, tant pour la protection de l'environnement que pour le respect par la France, déjà condamnée en la matière, de ses engagements communautaires ; que dans ces conditions, eu égard à l'intérêt qui s'attache à la continuité de ces programmes d'action, en dépit de la circonstance que les agriculteurs du bassin n'auraient pas procédé aux mises aux normes prévues par ceux-ci et qu'ils pourraient le cas échéant faire l'objet de poursuites pénales ou de sanctions administratives, il y a lieu, pour permettre au ministre chargé de l'environnement de prendre les dispositions nécessaires à cette continuité, de n'en prononcer l'annulation totale qu'à compter du 24 février 2018, sous réserve des droits des personnes qui ont engagé une action contentieuse à la date de la présente décision ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt n'implique ni qu'il soit fait injonction au Premier ministre d'abroger les dispositions de l'article R. 211-77 du code de l'environnement, ni qu'il soit fait injonction au ministre chargé de l'environnement d'abroger la circulaire du 22 décembre 2011 mentionnée ci-dessus ; que les conclusions présentées en ce sens ne peuvent par suite qu'être rejetées ;
Sur les dépens :
12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la FNSEA et des autres requérants tendant à ce que l'Etat supporte la charge de la contribution pour l'aide juridique ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante en la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure exposés par la FNSEA et les autres requérants ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association générale des producteurs de blé est admise.
Article 2 : Le jugement n° 1302474/7-2 du 17 octobre 2014 du tribunal administratif de Paris annulé.
Article 3 : L'arrêté du 20 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Ile de France, préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie a délimité les zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole du bassin Seine-Normandie est annulé. Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur son fondement, cette annulation prendra effet à compter du 24 février 2018.
Article 4 : La contribution pour l'aide juridique acquittée par la FNSEA et les autres requérants de première instance est mise à la charge de l'Etat.
Article 5 : L'Etat versera à la FNSEA et autres requérants une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, à la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Nièvre, à la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Côte d'Or, à la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Eure-et-Loir, à la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Marne, à la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Orne, à la Fédération départementale des exploitants agricoles - Yonne, à M. E... V..., au GAEC Verstraete, à M. T... P..., à M. Z... L..., au GAEC du Val de Vire, au GAEC de la Rançonnière, au GAEC de la Patoyère, à l'EARL des Hêtres, à l'EARL des hauts vents, au GAEC la Ferme des Vaux, à M. J... R..., à l'EARL de la Riquerie, à M. D... N..., à M. W... U..., à M. Y... O..., à M. B... I..., à M. F... G..., à M. Q... X..., à la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles - Manche, à M. A... K..., à MM. S...et H...M..., à l'association générale des producteurs de blé (AGPB) et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2017.
Le rapporteur,
N. AMATLa présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA05294