Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Manpro Interim a demandé au Tribunal administratif de Paris la restitution partielle, assortie des intérêts moratoires, de la participation au développement de la formation professionnelle continue qu'elle a versée au titre des années 2011 et 2013 en tant qu'elle a été acquittée au titre de l'année 2011 sur la base d'un taux de 1,35 %, au lieu de 0,55 % et au titre de l'année 2013 sur la base d'un taux de 1,50 %, au lieu de 1,35 %.
Par une ordonnance n° 1511953/1-3 du 14 avril 2016, la vice-présidente de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mai 2016 et le 6 janvier 2017, la société Manpro Interim, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1511953/1-3 du 14 avril 2016 de la vice-présidente de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la restitution partielle de cette participation, assortie des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée n'est pas motivée et ne répond pas à ses nombreux arguments ;
- la requête est régulièrement motivée au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, l'absence de moyen nouveau en appel n'étant pas une absence de moyen au sens de ces dispositions ; en outre la requête comporte des moyens nouveaux en ce qu'elle critique la motivation de l'ordonnance ;
- il résulte de l'instruction administrative du 12 septembre 2012 (BOI-TPS-FPC-40-20 n° 300 du 12 septembre 2012) que la compétence des services fiscaux n'est pas réservée aux seuls cas de versement de la participation au Trésor public ;
- en application des articles 235 ter KD bis du code général des impôts et L. 6331-8 du code du travail, le contentieux de la participation litigieuse relève toujours de la compétence des services fiscaux sauf en ce qui concerne les seuls litiges relatifs à la réalité et la validité des versements faits aux organismes collecteurs ; au cas présent, la contestation litigieuse porte sur le calcul de la participation ; la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé qu'une contestation ayant pour objet la détermination du montant de la participation litigieuse relève de la compétence de la juridiction administrative ;
- au fond, la société requérante a appliqué par erreur pour le calcul de la participation due au titre de l'année 2011 un taux de 1,35 % alors que le taux applicable était de 0,55 % et de 1,50 % au lieu de 1,35% pour 2013 dès lors qu'il résulte des dispositions des articles 163 nonies de l'annexe II au code général des impôts et du 3ème paragraphe de l'article R. 6331-1 du code du travail que les effectifs servant de base à sa participation en 2011 et 2013 devaient être déterminés en fonction de la moyenne mensuelle des effectifs de l'année précédente ;
- il résulte de la circulaire ACOSS du 1er février 2010 que l'effectif pris en compte est celui apprécié au 31 décembre de l'année N-1 en fonction de la moyenne des effectifs mensuels.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative en l'absence de production de moyens nouveaux dans le délai d'appel ;
- il appartenait à la requérante de demander le reversement du trop-perçu de participation au Fonds d'assurance de formation du travail temporaire ;
- le moyen pris de la doctrine fiscale est inopérant pour contester l'irrecevabilité de sa demande devant le juge de l'impôt, dès lors que le litige est étranger au champ d'application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- les autres moyens soulevés par la société Manpro Interim ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.
1. Considérant que la société par actions simplifiée Manpro Interim, entreprise de travail temporaire constituée en décembre 2009, a spontanément acquitté la participation au développement de la formation professionnelle continue, prévue à l'article L. 6331-1 du code du travail en versant en février 2012 au Fonds d'assurance de formation du travail temporaire, organisme collecteur agréé pour le versement de cette taxe, les sommes de 17 884 euros au titre de l'année 2011 et de 20 844 euros en février 2014 au titre de l'année 2013 ; qu'estimant qu'elle avait calculé à tort ces participations en retenant les taux de 1,35 % de sa masse salariale au lieu de 0,55 % pour 2011 et 1,50 % au lieu de 1,35 % pour 2013, la société Manpro Interim a formé auprès de l'administration fiscale une réclamation en vue d'obtenir la restitution partielle de cette participation ; que l'administration fiscale a rejeté sa réclamation par décision du 24 janvier 2015 au motif qu'elle n'était pas compétente pour restituer les sommes indûment perçues par les organismes collecteurs et que la réclamation devait être portée devant le Fonds d'assurance de formation du travail temporaire ; que la société Manpro Interim a en conséquence saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande de restitution ayant le même objet que sa réclamation ; que par une ordonnance du 14 avril 2016, la vice-présidente de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Considérant que la requête d'appel de la société Manpro Interim contient l'exposé des moyens exigés par l'article R. 411-1 du code de justice administrative, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie et des finances ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 235 ter KD bis du code général des impôts : " Conformément aux dispositions de l'article L. 6331-8 du code du travail, le contrôle et le contentieux de la participation des employeurs sont réalisés selon les règles applicables en matière de taxe sur le chiffre d'affaires " et qu'aux termes de l'article L. 6331-8 du code du travail : "Le contrôle et le contentieux de la participation des employeurs sont opérés selon les règles applicables en matière de taxe sur le chiffre d'affaires. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux litiges relatifs à la réalité et à la validité des versements faits aux organismes collecteurs paritaires agréés par les employeurs de moins de onze salariés en application du présent chapitre " ;
4. Considérant que la demande présentée par la société Manpro Interim relevait du contentieux de la participation des employeurs et n'avait pas pour objet de remettre en cause la réalité ou la validité des versements qu'elle avait effectués auprès d'un organisme collecteur paritaire ; qu'il appartenait dès lors à la juridiction administrative de connaître du litige ainsi engagé ; que la société requérante est dès lors fondée à demander l'annulation de l'ordonnance en date du 14 avril 2016 par laquelle la vice-présidente de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les conclusions présentées par la société Manpro Interim devant le Tribunal administratif de Paris ;
6. Considérant, d'une part, s'agissant des dispositions applicables aux employeurs de moins de dix salariés, qu'aux termes de l'article 235 ter KA du même code : " Conformément aux dispositions de l'article L. 6331-2 du code du travail, les employeurs de moins de dix salariés consacrent au financement des actions de formation professionnelle continue un pourcentage au moins égal à 0,55 % du montant des rémunérations versées (...)" ; d'autre part, qu'aux termes de l'article 235 ter KC du code général des impôts : " Conformément et dans les conditions prévues à l'article L. 6331-6 du code du travail, le versement prévu à l'article 235 ter KA est majoré du montant de l'insuffisance constatée " ; qu'aux termes de l'article L. 6131-6 du code du travail : " Lorsqu'un employeur n'a pas opéré les versements à l'organisme collecteur dans les conditions du décret prévu au troisième alinéa de l'article L. 6331-2 ou a opéré un versement insuffisant, le montant de sa participation au financement de la formation professionnelle continue est majoré de l'insuffisance constatée. L'employeur verse au Trésor public, selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies du code général des impôts, un montant égal à la différence constatée entre sa participation ainsi majorée et son versement à l'organisme collecteur. Le montant de ce versement est établi et recouvré selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables en matière de taxe sur le chiffre d'affaires " ; qu'enfin, l'article 235 ter KD bis du code général des impôts dispose que : " Conformément aux dispositions de l'article L. 6331-8 du code du travail, le contrôle et le contentieux de la participation des employeurs sont réalisés selon les règles applicables en matière de taxe sur le chiffre d'affaires " ; que, d'autre part, s'agissant des dispositions applicables aux employeurs de plus de dix salariés, aux termes de l'article 235 ter D du code général des impôts : " Conformément aux dispositions de l'article L. 6331-9 du code du travail, les employeurs de dix salariés consacrent au financement des actions de formation professionnelle continue un pourcentage au moins égal à 1,60 % du montant des rémunérations versées " ; qu'aux termes de l'article 235 ter G du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Conformément et dans les conditions prévues à l'article L. 6331-28 du code du travail, lorsque les dépenses au titre du développement de la formation professionnelle continue sont inférieures au montant prévu à l'article 235 ter D, l'employeur effectue au Trésor un versement égal à la différence constatée" ; qu'aux termes de l'article 235 ter JA du même code : " Conformément aux dispositions de l'article L. 6331-33 du code du travail, le contrôle et le contentieux de la participation des employeurs sont réalisés selon les règles applicables en matière de taxe sur le chiffre d'affaires " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 6331-30 du code du travail : " Lorsqu'un employeur n'a pas opéré le versement auquel il est assujetti dans les conditions prévues à l'article L. 6331-9 à l'organisme collecteur paritaire agréé pour collecter ce versement ou a opéré un versement insuffisant, le montant de sa contribution est majoré de l'insuffisance constatée et l'employeur verse au Trésor public une somme égale à la différence entre le montant des sommes versées à l'organisme collecteur et le montant de la contribution ainsi majorée (...)" ;
7. Considérant que la société Manpro Interim a demandé à l'administration fiscale la restitution partielle des sommes qu'elle avait versées au titre des années 2011 et 2013 au Fonds d'assurance de formation du travail temporaire, organisme collecteur agréé, au titre de la participation des employeurs prévue par les dispositions précitées de l'article L. 6331-1 du code du travail ; que les versements destinés au financement de la formation professionnelle continue effectués auprès d'un organisme de collecte agréé ne présentent pas le caractère d'une créance fiscale susceptible de faire l'objet de conclusions devant le juge de l'impôt ; que, par ailleurs, la société Manpro Interim, pour laquelle aucune insuffisance de versement spontané n'avait été constatée par l'administration fiscale au titre de ladite année, n'a pas été assujettie aux versements au Trésor public prévus par les dispositions des articles L. 6331-6 et L. 6331-30 du code du travail, relatifs aux hypothèses de versements insuffisants au titre de cette participation effectués par les entreprises respectivement de moins et plus de dix salariés auprès des organismes de collecte agréés ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sur le plan de la loi fiscale, la société Manpro Interim n'est pas recevable à demander au juge de l'impôt d'ordonner le remboursement par les services fiscaux de versements qu'elle a effectués au profit du Fonds d'assurance de formation du travail temporaire ;
9. Considérant, par ailleurs, en ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative, qu'elle ne peut utilement se prévaloir des termes d'une doctrine fiscale pour contester l'irrecevabilité de sa demande devant le juge de l'impôt, dès lors, et en tout état de cause, que le litige est étranger au champ d'application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Manpro Interim tendant à la restitution partielle de la participation litigieuse doivent être rejetées comme irrecevables ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1511953/1-3 du 14 avril 2016 de la vice-présidente de la 1ère section du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la société Manpro Interim devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Manpro Interim et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 11 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er juin 2017.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNI
Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16PA01630