Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel le préfet de police a, d'une part, retiré la carte de séjour temporaire qui lui avait été délivrée pour la période du 9 octobre 2012 au 8 octobre 2013, d'autre part, rejeté sa demande de renouvellement de titre et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1516749/6-1 du 12 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2016, M.A..., représenté par Me Belyaletdinova, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1516749/6-1 du 12 février 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours, dans les mêmes conditions d'astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à
Me Belyaletdinova, avocat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de retrait, qui ne contient aucune motivation en droit et ne vise aucun texte applicable à sa situation, est insuffisamment motivée ;
- il n'a pas eu un comportement frauduleux pour obtenir le titre initial ;
- la décision portant refus de séjour, qui ne vise aucune disposition en droit, est insuffisamment motivée ;
- le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour dès lors qu'il justifie de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, y compris pour les années 2011, 2012 et 2013 ;
- en refusant de renouveler son droit au séjour, le préfet a porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée en France, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de séjour étant illégal, la mesure d'éloignement est illégale par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la décision de retrait n'avait pas à mentionner la disposition légale applicable, dès lors que l'administration peut retirer une décision individuelle créatrice de droits obtenue par fraude, même en l'absence de texte ;
- M. A...a obtenu le titre de séjour initial à la suite de fausses déclarations ;
- il ne justifie pas d'une résidence habituelle en France de 2011 à 2013, d'autant qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 28 mai 2008, soit deux mois avant la naissance de son quatrième enfant et qu'il a lui-même indiqué être entré sur le territoire en dernier lieu le 25 juin 2013 ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues.
Par une décision du 30 mai 2016, le président de la Cour administrative d'appel de Paris a accordé à M. A...l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les observations de Me Belyaletdinova, avocat de M.A....
1. Considérant que M.A..., né le 25 novembre 1970, de nationalité mauritanienne, est entré en France le 25 août 2000, selon ses déclarations ; que le 9 octobre 2012, le préfet de police lui a délivré sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 8 octobre 2013 ; que par l'arrêté attaqué, daté du 9 septembre 2015, le préfet de police a retiré la décision par laquelle il lui avait délivré ce titre, au motif que, dans sa demande de titre de séjour, l'intéressé avait omis de déclarer deux enfants nés en Mauritanie en 2006 et 2008, soit après sa date d'entrée en France telle qu'elle avait été déclarée dans la demande de titre ; que par ce même arrêté, le préfet de police a refusé à M. A...la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de l'article L. 313-14, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. A...relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision portant retrait de titre de séjour :
2. Considérant qu'en vertu des principes gouvernant le retrait des actes administratifs, l'administration peut, même en l'absence de texte, retirer une décision individuelle créatrice de droits obtenue par fraude ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision portant retrait de titre de séjour est insuffisamment motivée faute de mentionner le texte sur lequel elle se fonde ;
3. Considérant que M. A...reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation que le préfet de police aurait commise en estimant que le titre de séjour du 9 octobre 2012 avait été obtenu par la fraude ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le Tribunal administratif de Paris au point 5 de son jugement du 12 février 2016 ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article
L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
5. Considérant que M. A...a versé au dossier, pour chacune des années comprises entre 2005 et 2015, des pièces, en particulier des bulletins de salaires, des relevés de livret A mentionnant des retraits d'argent et des documents à caractère médical, en nombre suffisant et de caractère probant, pour établir qu'il résidait habituellement en France au cours de la période de dix ans précédant l'arrêté contesté, y compris au cours des années 2011, 2012 et 2013 ; que si le préfet de police fait valoir que M. A...a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 28 mai 2008, soit deux mois avant la naissance de son quatrième enfant le 21 juillet 2008, M. A...a produit des bulletins de salaires pour les mois de mai à décembre 2008, des relevés de livret A mentionnant des retraits effectués tout au long de l'année 2008, ainsi que diverses pièces de nature à établir qu'il résidait effectivement en France au cours de l'année 2008, contrairement à ce que soutient le préfet de police ; que si M. A...a indiqué, dans sa demande de titre de séjour en date du 10 décembre 2014, qu'il était entré pour la dernière fois en France en juin 2013, cette mention n'implique pas qu'il aurait résidé jusqu'alors hors de France ; que, dans ces conditions et dès lors que M. A...doit être regardé comme ayant habituellement résidé en France au cours des dix années ayant précédé l'arrêté contesté, en ne soumettant pas la demande d'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé à la commission du titre de séjour, le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision portant refus de séjour, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt n'implique pas qu'un titre de séjour soit délivré à M. A...mais seulement que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour soit réexaminée, après avoir été préalablement soumise, pour avis, à la commission du titre de séjour ; qu'il y a lieu de prescrire ce réexamen dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêté ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Belyaletdinova, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Belyaletdinova de la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 9 septembre 2015 du préfet de police est annulé en tant qu'il rejette la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. A...sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il oblige M. A...à quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de destination.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de soumettre la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. A...à la commission du titre de séjour et de procéder au réexamen de cette demande dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement n° 1516749/6-1 du 12 février 2016 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Belyaletdinova, avocat de M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Belyaletdinova renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Me Belyaletdinova, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er juin 2017.
Le rapporteur,
D. DALLELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02200