Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 février 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office passé le délai qui lui était imparti pour quitter volontairement la France.
Par un jugement n° 1517825/3-1 du 29 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. C..., a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1517825/3-1 du 29 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour opposé à M. C... contrevenait aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal administratif étaient, pour les motifs exposés par l'administration dans ses écritures produites en première instance et auxquelles il entend se référer, dépourvus de fondement.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2016, M. C..., représenté par Me A...B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire à ce qu'il soit procédé au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et enfin, à ce que l'Etat soit condamné à verser à Me A...B...une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, sous réserve pour celle-ci de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la requête d'appel du préfet de police est tardive ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 23 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
- la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Appèche a été entendu au cours de l'audience publique ;
1. Considérant que C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 février 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office ; que le préfet de police relève appel du jugement n° 1517825/3-1 du
29 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. C..., a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de M. C...de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Sur la fin de non recevoir opposée à la requête d'appel par M. C... :
2. Considérant qu'en application de l'article R.751-4-1 du code de justice administrative, la notification de la décision par le moyen de l'application Télérecours aux administrations de l'Etat, aux personnes morales de droit public et aux organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public qui y sont inscrits est réputée reçue à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Paris a, le 1er avril 2016, été mis à disposition du préfet de police par le moyen de l'application Télérecours, et qu'il a été reçu par l'intéressé le 8 avril suivant ; que pour relever appel dudit jugement, le préfet de police disposait d'un délai d'un mois, qui n'était pas expiré le 4 mai 2016, date à laquelle sa requête d'appel a été déposée, au moyen de ladite application ; que M. C... n'est dès lors pas fondé à soutenir que cette requête est tardive ;
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d' autrui. " ;
4. Considérant que M.C..., ressortissant malien né le 28 décembre 1975, est, selon ses déclarations, entré une première fois en France en 2001 ; que s'étant maintenu en France, sans justifier d'une autorisation pour ce faire, il a sollicité en 2003, pour la première fois, un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police soutenant sans être contredit que l'intéressé indiquait alors aux services préfectoraux être célibataire, père d'un enfant né au Mali en 2001 et y résidant, et n'avoir aucune attache familiale en France ; que, suivant l'avis défavorable du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, cette demande de titre de séjour a été refusée ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en 2005, M.C..., qui était toujours sur le territoire français malgré ce premier refus de titre de séjour, s'est rendu coupable outre d'entrée et de séjour irréguliers en France, de faits d'escroquerie pour lesquels il a été condamné, en 2006, à huit mois d'emprisonnement avec sursis ; qu'en 2008, M. C..., s'est à nouveau présenté dans les services de la préfecture de police pour solliciter cette fois son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour du droit d'asile, présentant, notamment, à l'appui de sa demande, un passeport délivré le 11 mai 2006 à Bamako, et soutenant alors, ainsi que l'indique le préfet de police sans être contredit, qu'il était marié depuis 2000 à une compatriote et prétendant, sans en justifier, que celle-ci était venue le rejoindre en 2006 en France, où tous deux se maintenaient en situation irrégulière avec leur second enfant né en France en 2007, le premier né en 2001 étant resté au Mali ; que le préfet de police a le 7 octobre 2008, refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que M. C..., qui n'a pas obtempéré à l'obligation qui lui était faite, et a continué à se maintenir irrégulièrement en France, a été interpellé par les services de police le 28 février 2012, et a, le même jour, fait à nouveau l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, et d'un placement en rétention administrative ; que cette obligation d'éloignement, devenue définitive après que le Tribunal administratif de Melun eut rejeté le recours formé par M. C..., a été effectivement exécutée à destination du Mali le 15 mai 2012, ce séjour hors du territoire national de l'intéressé, quelle qu'en fût la durée, étant d'ailleurs, de nature par sa cause même à retirer à la résidence de celui-ci sur le territoire français son caractère habituel ; que M. C... est revenu en France, selon ses déclarations, le 13 novembre 2012, et a sollicité, en mars 2013, son admission provisoire au séjour, cette fois au titre de l'asile ; qu'il a été muni d'une autorisation provisoire de séjour et de récépissés jusqu'à ce que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides se prononce le 26 novembre 2013 sur sa demande et la rejette, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile ; que le préfet de police a alors pris un arrêté, le
10 février 2015, portant refus du titre de séjour sollicité par l'intéressé en qualité de demandeur d'asile et a assorti ce refus d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, faisant droit au moyen invoqué devant lui par M. C... et tiré de ce que le refus de titre de séjour qui lui était opposé contrevenait aux stipulations de l'article 8 rappelées ci-dessus, ce que conteste le préfet de police ;
5. Considérant que dans l'arrêté préfectoral contesté, le préfet de police après avoir constaté que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, seuls organismes habilités à reconnaître ou dénier à un étranger la qualité de refugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire, avaient rejeté la demande en ce sens présentée par M. C..., se borne à constater qu'il ne peut, en conséquence, être délivré à l'intéressé un titre de séjour en vertu des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 ou de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquelles était présentée sa demande ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 rappelé ci-dessus était dès lors inopérant à l'encontre du refus de titre de séjour, exclusivement motivé par le rejet de la demande d'asile ou de protection subsidiaire ; qu'en effet, la mention dans l'arrêté préfectoral contesté, de l'absence d'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale, tout comme celle de l'absence d'exposition à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention susmentionnée, ne constituent pas, en l'espèce, des motifs de refus du titre de séjour, mais des éléments sur lesquels l'autorité préfectorale se fonde pour décider d'assortir ledit refus d'une obligation d'éloignement et fixer le pays de destination d'un éventuel éloignement d'office ;
6. Considérant, au surplus, que si l'épouse de M. C..., entrée en France en 2006, à l'âge de 27 ans, vivait en France à la date de l'arrêté contesté, avec l'un de leur deux enfants né en 2007 en France et scolarisé, M. C... n'avait repris sa vie commune avec son épouse que depuis deux ans, et dans les circonstances décrites ci-dessus à la date de l'arrêté contesté ; que M.C..., dont la famille était prise en charge depuis plusieurs années, notamment pour son hébergement, par une association pour l'accompagnement social administratif des migrants et de leurs familles, ne justifiait pas d'un emploi stable lui permettant de subvenir à leurs besoins, ni d'une insertion professionnelle et personnelle en France particulièrement réussie ; que si l'épouse de M. C..., comme lui de nationalité malienne, est titulaire d'un titre de séjour, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que la vie familiale des intéressés puisse se poursuivre dans leur pays commun, où leurs enfants peuvent être scolarisés et où ils ont, en tout état de cause, conservé des attaches familiales étroites ; qu'eu égard, d'une part, à l'ensemble des éléments caractérisant la situation privée et familiale de M. C... et, d'autre part, aux conditions décrites ci-dessus, dans lesquelles il est entré à plusieurs reprises en France et s'y est avec persistance maintenu irrégulièrement en dépit des refus de titre de séjour et obligations d'éloignement qui lui ont été opposés, le refus de titre de séjour litigieux ne peut, en tout état de cause, être considéré comme portant, au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'autorité préfectorale, chargée de la police des étrangers et donc, du respect, dans un but d'intérêt général, des conditions mises à leur entrée et à leur séjour en France ; que le préfet de police est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour annuler le refus de titre de séjour litigieux et par voie de conséquence l'obligation de quitter le territoire faite à M. C... ;
7. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués tant devant le tribunal administratif que devant elle par M. C... ;
Sur les autres moyens invoqués par M. C... :
8. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisamment précis des circonstances de droit et de fait sur lesquelles son auteur s'est fondé pour décider de refuser le titre de séjour sollicité par M. C..., assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixer le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être éloigné passé ce délai ; que cet arrêté est, par suite, suffisamment motivé ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, l'obligation de quitter le territoire français faite à M. C... ne contrevient, pas plus que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé, aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à la situation de M. C... décrite aux points 4 et 6 ci-dessus, le préfet de police ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en n'usant pas, au bénéfice de l'intéressé, de son pouvoir de régulariser la situation d'un étranger qui ne remplit pas les conditions requises pour prétendre à un titre de séjour , et en faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que le refus de titre de séjour ne fait pas obstacle à ce que l'enfant de M. C... puisse continuer à vivre hors de France et notamment au Mali avec ses parents et à y être scolarisé ; que par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français litigieux contreviendraient aux stipulations de l'article
3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté comme non fondé ;
12. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, pour décider que M. C... pourrait, s'il ne quittait pas volontairement la France dans le délai qui lui était imparti pour ce faire, être éventuellement reconduit d'office vers le Mali et estimer qu'il n'y courrait pas le risque d'être soumis à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, se serait considéré comme tenu par l'appréciation portée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa propre compétence ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder, elle-même, à un examen des risques encourus par l'intéressé ; que M. C... ne démontrant pas, qu'ainsi qu'il l'allègue, il serait personnellement exposé à de tels risques en cas de retour dans son pays, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 susmentionné et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés comme non fondés ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral pris le 10 février 2015 à l'encontre de M.C..., a enjoint à l'administration de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que le préfet de police est fondé à obtenir l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif ainsi que des conclusions présentées en appel par l'intéressé, y compris celles présentées sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative et sur celui de l'article L. 761-1 dudit code et de l'article 37 de la loi susvisée du
10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1517825/3-1 du 29 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. D... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2017, à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2017.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01513