Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
D'une part, la société Orange a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision, en date du 2 janvier 2014, par laquelle le maire de la commune de Moussy-le-Neuf a rejeté sa demande de raccordement électrique, présentée par la société ERDF, en vue de l'alimentation d'une station temporaire de téléphonie mobile à édifier sur une parcelle cadastrée section ZB n° 31 située au lieu-dit la Fessine, rue de la Grande Tuilerie, à Moussy-le-Neuf.
D'autre part, la société Orange a également demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision, en date du 17 janvier 2014, par laquelle le maire de la commune de Moussy-le-Neuf a rejeté sa demande de raccordement électrique, présentée par la société ERDF, en vue de l'alimentation d'une station temporaire de téléphonie mobile à édifier sur une parcelle cadastrée section ZB n° 31 située au lieu-dit la Fessine, rue de la Grande Tuilerie à Moussy-le-Neuf ;
Par un jugement n°s 1400631-1401991 du 10 avril 2015 le tribunal administratif de Melun a joint ces deux demandes et a annulé les décisions des 2 janvier 2014 et 17 janvier 2014 du maire de la commune de Moussy-le-Neuf.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2015 la commune de Moussy-le-Neuf, représentée par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1400631 et n° 1401991 du 10 avril 2015 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car les règles de la clôture d'instruction n'ont pas été respectées et parce qu'il n'est pas signé ;
- le maire avait compétence liée pour rejeter une demande de raccordement au réseau électrique d'une construction édifiée sans autorisation ; dès lors, les vices affectant cette décision sont inopérants ; les premiers juges ne pouvaient en conséquence annuler les décisions de refus de raccordement en se fondant sur l'incompétence de leur auteur et le défaut de motivation
- l'antenne présentée comme provisoire ne l'est pas, dès lors qu'elle est restée sur place plus de trois mois.
La requête a été communiquée à la société Orange, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 24 mai 2017 :
- le rapport de M. Gouès,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Roze avocat de la commune de Moussy-le-Neuf ;
1. Considérant que la commune de Moussy-le-Neuf relève appel devant la Cour du jugement du tribunal administratif de Melun du 10 avril 2015 annulant les décisions des 2 janvier 2014 et 17 janvier 2014 opposant un refus à la demande de raccordement au réseau d'électricité formée pour la société Orange ;
Sur la régularité du jugement attaqué
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. " ;
3. Considérant que la commune de Moussy-le-Neuf soutient que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière dans la mesure où, selon elle, le tribunal administratif ne pouvait régulièrement clore l'instruction le 26 février 2015, avec effet immédiat, sans l'avoir préalablement informée de l'éventuelle intervention de cette clôture immédiate ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 22 décembre 2012, le tribunal administratif a informé les parties que l'instruction était, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, susceptible d'être clôturée, avec effet immédiat, à compter du 23 janvier 2015 ; qu'à la suite de l'envoi de ce courrier, la procédure a été clôturée, avec effet immédiat, le 10 février 2015 ; que, toutefois, postérieurement à cette première clôture, le tribunal a rouvert l'instruction en communiquant à la commune de Moussy-le-Neuf le mémoire en réplique présenté par la société Orange le 13 février 2015 ; que, dès lors et dans la mesure où la lettre d'information précitée du 22 décembre 2014 avait épuisé ses effets du fait de la clôture intervenue 10 février 2015, le tribunal, s'il entendait, postérieurement à cette réouverture, clore à nouveau l'instruction, ne pouvait que prononcer une nouvelle clôture à effet différé, en indiquant le délai de sa prise d'effet ; qu'ainsi, à défaut d'information préalable, la commune ne pouvait s'attendre à l'intervention de la seconde clôture immédiate le 26 février 2015 ; que, par suite, la commune de Moussy-le-Neuf est fondée à soutenir que, faute pour elle d'avoir été avertie du délai dont elle disposait pour répliquer aux observations présentées par la société Orange le 13 février 2015, les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; que, par suite,; le jugement attaquée doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Orange ;
Sur la demande de la société Orange :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande :
5. Considérant que la commune de Moussy-le-Neuf soutient que la demande de première instance de la société Orange, tendant à l'annulation des deux décisions du maire de Moussy-le-Neuf en date des 2 et 17 janvier 2014, est irrecevable ; que, pour ce faire, elle fait valoir que ces deux décisions sont confirmatives d'une précédente décision de refus de raccordement au réseau électrique prise par le maire de Moussy-le-Neuf le 8 novembre 2013 ; que, toutefois, il apparaît que cette précédente décision n'a été notifiée à la société Orange qu'en 2015 et que, par conséquent, à supposer que les deux décisions en litige soient confirmatives de la décision précitée du 8 novembre 2013, en tout état de cause, le délai du recours contentieux à l'encontre de cette décision n'a pu commencer à courir qu'en 2015 ; que, par suite, faute pour la décision du 8 novembre 2013 d'avoir été régulièrement notifiée à la société Orange, son recours dirigé contre les deux décision en date des 2 et 17 janvier 2014 est recevable, contrairement à ce que soutient la commune de Moussy-le-Neuf ;
En ce qui concerne la légalité des décisions litigieuses :
6. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités " ;
7. Considérant que les refus d'autorisation de raccordement aux réseaux publics, qui ont été opposés à la société Orange ont été pris sur le fondement de l'article L. 111-6 précité du code de l'urbanisme ; qu'ils présentent ainsi le caractère de mesures de police de l'urbanisme, destinées à assurer le respect des règles d'utilisation du sol ; qu'il appartient ainsi à l'autorité administrative chargée de la délivrance des permis de construire de mettre en oeuvre, le cas échéant, les dispositions précitées de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ; que, dans les communes dotées d'un document d'urbanisme, la compétence de principe pour la délivrance des autorisations d'urbanisme appartient au maire ; que ce dernier n'est pas tenu de refuser cette délivrance lorsque les conditions d'application de l'article L. 111-6 sont réunies ;
S'agissant de la légalité externe :
8. Considérant que, comme il a été dit au point 7, le maire n'est pas tenu de refuser la délivrance de l'autorisation prévue à l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme lorsque les conditions d'application de cet article sont réunies ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient la commune de Moussy-le-Neuf, les moyens articulés à l'encontre des décisions litigieuses ne sont pas inopérants ;
Quant à la compétence de l'auteur des décisions :
9. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision, contenue dans le courrier électronique adressé le 2 janvier 2014 à la société ERDF, émane de M. B...A..., chargé de mission en développement urbain et économique de la commune de Moussy-le-Neuf ; que la commune ne justifie pas, ni même n'allègue que M. A...aurait reçu délégation à l'effet de prendre les décisions autorisant, ou non, ERDF à procéder à des raccordements au réseau électrique ;
10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'État dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-2 de ce code : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : ... / 3° Les actes à caractère réglementaire pris par les autorités communales dans tous les autres domaines qui relèvent de leur compétence en application de la loi " ; que l'article R. 2122-7 du même code dispose : " La publication des arrêtés du maire est constatée par une déclaration certifiée du maire. (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la loi subordonne le caractère exécutoire des actes réglementaires des collectivités territoriales, au nombre desquelles figurent les délégations de fonctions accordées par un maire, à leur publication ou affichage et à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté en date du
14 mai 2008, le maire de la commune de Moussy-le-Neuf a, en application de l'article
L. 2122-17 du code général des collectivité territoriales, et en cas d'absence ou d'empêchement, donné à M. C... D..., sixième adjoint pour l'urbanisme, l'environnement et le développement durable et signataire de la décision du 17 janvier 2014, " délégation totale de fonction " à l'effet de signer " tous documents (administratif, financiers, d'urbanisme, de police, d'état-civil ou autres) concernant la gestion de la commune " ; que, si cet arrêté comporte le cachet de la sous-préfecture de Meaux établissant qu'il a été transmis au préfet de Seine-et-Marne le 19 juin 2008, il ne comporte aucune indication concernant sa publication ou son affichage ; que, par suite, il n'est pas établi que cet arrêté était exécutoire à la date de la décision attaquée ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les deux décisions litigieuses sont l'une et l'autre entachées d'un vice d'incompétence ;
Quant à la motivation des décisions litigieuses :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 loi n° 79-587 du
11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors en vigueur : " (...) doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " la motivation (...) doit (...) comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
14. Considérant que la décision du 2 janvier 2014 mentionne que la société Orange n'a pas obtenu d'autorisation d'urbanisme pour les travaux entrepris, que la déclaration préalable qu'elle a déposée a fait l'objet d'une opposition, que le terrain d'assiette du projet " est en rapport direct avec une zone humide classée désormais pour sa biodiversité " et que son auteur " ne pense pas qu'il soit judicieux d'autoriser ces travaux " ; que, par ailleurs, la décision du 17 janvier 2014 oppose un refus à la demande présentée pour la société Orange en faisant état de ce que celle-ci n'était pas titulaire d'une autorisation d'urbanisme lui permettant d'implanter une antenne relais de téléphonie mobile ; qu'il est ainsi constant que ces deux décisions se bornent à énoncer des circonstances de fait sans comporter la moindre mention de dispositions législatives ou réglementaires applicables susceptibles d'en constituer le fondement ; qu'ainsi, dépourvues de tout motivation en droit, elles ne satisfont pas aux exigences posées par les articles 1er et 3 précités de la loi du 11 juillet 1979 ;
S'agissant de la légalité interne des décisions litigieuses :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, ne peuvent (...) être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités " ; qu'aux termes de l'article L. 421-5 de ce code : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : a) De leur très faible importance ; b) De la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel ils sont destinés [...] " ; qu'enfin aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel elles sont destinées, les constructions implantées pour une durée n'excédant pas trois mois. " ; que si les dispositions précitées permettent au maire de s'opposer au raccordement définitif au réseau de distribution d'électricité des constructions édifiées en méconnaissance des règles d'urbanisme, elles ne sont en revanche pas opposables à une demande de raccordement provisoire au réseau d'électricité ;
16. Considérant que la société Orange soutient, d'une part, que le motif retenu par la commune de Moussy-le-Neuf pour lui rejeter la demande d'autorisation de raccordement au réseau électrique qui lui était soumise, à savoir qu'elle ne disposait pas d'une autorisation d'urbanisme, n'est pas fondé, d'autre part, que les installations à raccorder s'entendent d'équipements temporaires devant ainsi uniquement bénéficier d'un raccordement provisoire destiné à assurer dans l'urgence la couverture d'un secteur connaissant une carence importante, son projet étant différent de celui ayant fait l'objet de la déclaration préalable du 30 avril 2013, et enfin, que l'équipement dont s'agit est de faible ampleur et n'emporte aucune emprise au sol, contrairement à ce que fait valoir la commune, selon laquelle le projet envisagé possède toutes les caractéristiques d'une installation permanente ;
17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le motif retenu par la commune de Moussy-le-Neuf pour rejeter la demande d'autorisation de raccordement au réseau électrique est notamment démenti par l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 9 septembre 2013, lequel, après avoir constaté le caractère temporaire de la construction en voie d'édification, l'a dispensée de toute formalité d'urbanisme, et a prononcé le retrait de l'arrêté interruptif de travaux pris par le maire ; que, par suite, s'agissant d'un raccordement qui présente un caractère seulement provisoire, le maire ne pouvait légalement fonder ses décisions de refus sur les dispositions législatives et réglementaires précitées ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu d'accueillir le moyen soulevé par la société Orange ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Orange est fondée à soutenir que les décisions en date des 2 janvier 2014 et 17 janvier 2014 par lesquelles le maire de la commune de Moussy-le-Neuf a rejeté sa demande de raccordement provisoire au réseau électrique, en vue de l'alimentation d'une station temporaire de téléphonie mobile à édifier sur une parcelle cadastrée section ZB n° 31 située au lieu-dit la Fessine, rue de la Grande Tuilerie, sur le territoire de cette commune, sont illégales et doivent être annulées ;
Sur les frais de procédure :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange, qui ne succombe pas dans la présente instance, la somme que la commune de Moussy-le-Neuf demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Orange fondées sur ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 1400631-1401991 du 10 avril 2015 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Les décisions du maire de la commune de Moussy-le-Neuf en date des 2 janvier 2017 et du 17 janvier 2014, opposant un refus à la demande de raccordement au réseau d'électricité formée par la société Orange, en vue de l'alimentation d'une station temporaire de téléphonie mobile à édifier sur une parcelle cadastrée section ZB n° 31 située au lieu-dit la Fessine, rue de la Grande Tuilerie, sur le territoire de cette commune, sont annulées.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de la commune de Moussy-le-neuf et les conclusions de la société Orange fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Moussy-le-Neuf et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2017, où siégeaient :
- M. Diémert, président,
- M. Gouès, premier conseiller,
- Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 juin 2017.
Le rapporteur,
S. GOUÈSLe président,
S. DIÉMERT
Le greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02352