Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Vendôme Automobiles a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012.
Par un jugement n° 1501391/1-1 du 9 décembre 2015 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 janvier 2016 et le 10 novembre 2016, la société Vendôme Automobiles, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501391/1-1 du 9 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités pour un montant total de 382 298 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative le versement d'une somme de 5 000 euros.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'en violation des dispositions du V de l'article L. 16 B l'administration a refusé de lui restituer les pièces saisies lors de la procédure de visite et saisie du 31 juillet 2012 ; la condition mise par l'administration à la présence simultanée des divers occupants des lieux pour la restitution des pièces saisies était illégale et en outre impossible dès lors que la société requérante n'était pas en mesure de contraindre les autres occupants des lieux à se présenter ; elle a dans ces conditions été privée de débat oral et contradictoire sur ces pièces lors des opérations de vérification de comptabilité ;
- elle bénéficiait d'une présomption de bien-fondé de l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dès lors que les factures de son fournisseur mentionnaient l'application de ce régime de taxe ; l'administration fiscale a renversé la charge de la preuve en s'appuyant sur des pièces saisies et non restituées avant l'engagement du contrôle ni communiquées au cours des opérations de contrôle et n'établit pas qu'elle ne pouvait ignorer participer à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; l'administration a irrégulièrement fondé les rappels de taxe sur les dispositions du 4 bis de l'article 283 du code général des impôts qui n'autorisait la remise en cause du régime de taxe sur la valeur ajoutée qu'au niveau du premier acquéreur français du véhicule dès lors qu'elle avait acquis les véhicules auprès d'un fournisseur installé en France et qu'elles ne sont applicables qu'en l'absence de tout versement de la taxe sur la valeur ajoutée ; les dispositions du 4 ter du même article, permettant d'assujettir à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée un acquéreur français autre que le premier acquéreur, n'étaient applicables qu'aux livraisons intervenues à compter du 1er janvier 2013.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 avril 2016 et le 2 décembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.
1. Considérant que la société Vendôme Automobiles, qui exploite une activité de revente à des clients français de véhicules d'occasion en provenance d'autres Etats de l'Union européenne, relève appel du jugement du 9 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012 et assortis de la majoration pour manquement délibéré, portés à sa connaissance par une proposition de rectification du 16 décembre 2013 à raison de la remise en cause du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle avait appliqué, dans le cadre d'une procédure contradictoire d'imposition, à la suite d'une vérification de comptabilité conduite par la direction nationale des enquêtes fiscales et précédée d'une visite des locaux qu'elle occupait, sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée [...] elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts [...] à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. V. [...] Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite [...] VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47. Toutefois, si, à l'expiration d'un délai de trente jours suivant la notification d'une mise en demeure adressée au contribuable, à laquelle est annexé un récapitulatif des diligences accomplies par l'administration pour la restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction, ceux-ci n'ont pu être restitués du fait du contribuable, les informations recueillies sont opposables à ce dernier après mise en oeuvre des procédures de contrôle mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 et dans les conditions prévues à l'article L. 76 C " ; qu'au regard du caractère exorbitant du droit commun des mesures de saisie de documents et pièces au domicile de personnes, leur restitution dans les délais légaux constitue une garantie pour les personnes auprès desquelles ils ont été saisis ; qu'à cet égard, dans l'hypothèse d'une pluralité d'occupants de locaux ayant fait l'objet d'une visite domiciliaire, les dispositions précitées des V et VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales obligent, en principe, l'administration à restituer à chacun de ces occupants dans les conditions prévues par ce texte les pièces et documents lui appartenant qu'elle a saisis dans le cadre de cette visite ; que la portée d'un défaut de restitution de documents et pièces saisis auprès de tiers sur la procédure fiscale ultérieurement conduite à l'encontre d'un contribuable dépend des effets concrets que celui-ci a pu avoir sur les droits de la défense et sur le caractère contradictoire de la procédure ; que, dès lors que l'intéressé n'a, en dépit du défaut de restitution des documents et pièces saisis auprès de tiers, pas été privé de la possibilité d'accéder à ceux-ci ni de s'assurer que ceux utilisés par l'administration étaient identiques à ceux dont il a pu disposer, et qu'ainsi la possibilité de contester les redressements opérés n'a pas été affectée par le défaut de restitution, ce dernier ne saurait à lui seul et par lui-même entraîner la décharge des impositions contestées ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale ayant justifié d'éléments permettant de présumer que la société ACP, laquelle exploitait une activité d'achat-revente de véhicules automobiles, se soustrayait à ses obligations fiscales, le juge des libertés et de la détention a autorisé une procédure de visite et saisie sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans des locaux situés au 6, rue Chapu à Paris (16ème), dont le bail était au nom de la société ACP et où était situé le domicile personnel du gérant de cette société, M.B... ; que, dans le cadre de cette visite, intervenue le 31 juillet 2012, il est apparu que ces locaux étaient également occupés en fait par le principal client professionnel de la société ACP, la société Vendôme Automobiles, qui participait à l'activité d'achat-revente de véhicules de la société ACP en acquérant des véhicules auprès de cette société avant de les revendre sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; que l'autorité judiciaire a le même jour étendu l'autorisation de visite et saisie aux pièces concernant la société Vendôme Automobiles ; que la société requérante soutient que la procédure de vérification de comptabilité diligentée à son encontre est irrégulière en ce qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire sur les documents lui appartenant ainsi saisis le 31 juillet 2012 dès lors qu'en violation des dispositions précitées de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales l'administration fiscale ne les lui a pas restitués dans les six mois de cette demande ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Vendôme Automobiles était, au sens des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'un des occupants des locaux visités le 31 juillet 2012 ; qu'au demeurant, elle a été regardée comme telle tant par les termes de l'autorisation de visite et saisie accordée le 31 juillet 2012 par le juge judiciaire que par l'administration ; qu'elle avait ainsi en principe droit à la garantie de restitution prévue par ce texte pour les documents lui appartenant ; qu'en revanche, ceux appartenant à la société ACP saisis dans les même locaux doivent, en ce qui concerne la société requérante, être regardés comme des documents saisis au domicile d'un tiers ;
5. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes du procès-verbal de visite et saisie établi le 31 juillet 2012, qu'en ce qui concerne les pièces et documents identifiés comme appartenant à la société Vendôme Automobiles se trouvant dans les locaux visités, l'administration s'est bornée à saisir, d'une part, " divers documents fiscaux relatifs à la SARL Vendôme " et, d'autre part, à prendre copie de son livre de police et à réaliser une édition papier de documents informatiques trouvés dans l'ordinateur dénommé " Vendôme-Toshiba " et correspondant à des courriels et pièces jointes trouvés dans la boîte mail du gérant de la société requérante et à des factures de la société ACP des 5 avril 2012, 5 mai 2012 et 6 juin 2011 ; d'autre part, qu'il ne résulte pas des termes de la proposition de rectification du 16 décembre 2013 que les rappels de taxe litigieux aient été fondés sur des documents appartenant à la société Vendôme Automobiles autres que les éditions papiers des courriels et factures et la copie de son livre de police ; que la société requérante n'a ainsi jamais été dépossédée par les saisies opérées le 31 juillet 2012 des pièces et documents lui appartenant utilisés par l'administration pour fonder les rehaussements en litige ; que, dans ces conditions, le défaut de restitution à la société requérante des pièces et documents saisis lui appartenant dans le délai de six mois suivant la saisie n'a pas vicié la procédure d'imposition mise en oeuvre à l'encontre de cette société dès lors que ces pièces n'étaient pas utiles au contribuable pour assurer sa défense au cours de la procédure d'imposition ;
6. Considérant, en troisième lieu, d'une part, que l'administration fiscale a précisé dans la proposition de rectification en date du 16 décembre 2013 adressée à la société Vendôme Automobiles l'origine et la teneur des pièces et documents saisis dont elle s'est servie pour fonder les rectifications, lesquels étaient en outre annexés en copie à cette proposition de rectification ; que, d'autre part, l'administration soutient sans être contredite que ces éléments ont été soumis au débat oral et contradictoire pendant les opérations de contrôle de la vérification de comptabilité, lesquelles ont eu lieu au cabinet du comptable de la société requérante ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition était irrégulière ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
8. Considérant, d'une part, que les moyens tirés par la requérante de ce que les dispositions des 4 bis et 4 ter de l'article 284 du code général des impôts ne lui étaient pas applicables ne peuvent qu'être écartés comme inopérants dès lors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ne sont pas fondés sur l'application de ces dispositions ;
9. Considérant, d'autre part, que l'administration établit que la société Vendôme Automobiles ne pouvait ignorer qu'elle participait à une fraude en faisant application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dès lors qu'elle fait valoir que la société requérante partageait en fait de façon inhabituelle les locaux de son propre fournisseur, que l'ensemble des documents d'achat des véhicules que lui revendait la société ACP lui était dans ces conditions aisément accessible alors qu'il en ressortait que les véhicules vendus à la société ACP par des fournisseurs allemands l'avaient été sous le régime des livraisons intracommunautaires et ne pouvaient dès lors donner lieu à l'applicabilité du régime de la marge bénéficiaire, que le recours à un intermédiaire était dépourvu de logique économique et ne pouvait s'expliquer que par la participation consciente et délibérée au circuit de fraude, le service ayant par ailleurs relevé dans la proposition de rectification pour fonder les rappels de taxe que la société requérante était à l'origine des négociations pour les véhicules achetés auprès de la société ACP ; qu'à cet égard, il résulte des points 2 à 8 du présent arrêt que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les éléments obtenus lors de la visite domiciliaire sur lesquels l'administration s'est fondée ne lui étaient pas opposables ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède la société Vendôme Automobiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Vendôme Automobiles est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vendôme Automobiles et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction nationale d'enquêtes fiscales.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 septembre 2017.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNI
Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00139