Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun, par deux requêtes enregistrées sous les numéros 1401035 et 1402015/10, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son mari décédé et elle-même ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement du 13 juin 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er septembre 2016, 4 mai 2017 et 29 juin 2017, MmeA..., représentée par Me Jesslen, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- par son ampleur, le contrôle effectué par l'administration doit être regardé comme manifestant l'engagement d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, irrégulier faute d'accomplissement des formalités prévues par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- le délai de reprise était expiré en ce qui concerne l'année 2007 dès lors qu'elle a reçu les avis d'imposition correspondants le 3 janvier 2014 et que l'administration n'établit pas que le délai de reprise a été interrompu par la notification régulière d'une proposition de rectification avant le 31 décembre 2010 ;
- la seule qualité de mandataire social de Mme A...ne saurait suffire à exclure l'application des dispositions de l'article 81 quater du code général ; elle était également salariée de la société " Les Plâtres modernes ", ce qui justifie l'exonération des rémunérations qui lui ont été versées au titre des heures supplémentaires en application de l'article 81 quater du code général des impôts ;
- par les pièces qu'elle verse au dossier, elle justifie avoir supporté avec son mari certaines des dépenses locatives incombant aux locataires ;
- elle justifie du caractère déductible des revenus fonciers des prestations facturées par les entreprises Chauffage 77, Stelec, par la société d'avocats Gavaudan-Perrault et par l'huissier Bardin ;
- le taux de l'intérêt de 4,80 % appliqué par le service est excessif.
Par des mémoires en défense, enregistré les 29 mars 2017 et 29 juin 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public,
- et les observations de Me Rakoto, avocate de MmeA....
1. Considérant que M. et MmeA..., respectivement président-directeur général et directrice générale de la SA " Les Plâtres modernes ", ont fait l'objet en 2010 d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel l'administration a mis à leur charge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2007, 2008 et 2009 ; que l'administration a remis en cause une exonération dont ils avaient bénéficié en application de l'article 81 quater du code général des impôts, issu de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, pour des heures supplémentaires effectuées en 2007, 2008 et 2009, a remis en cause la déduction de certaines dépenses de leurs revenus fonciers et celle de cotisations d'épargne retraite de leur revenu global ; que Mme A...a contesté les impositions supplémentaires auxquelles son mari décédé et elle-même ont ainsi été assujettis, par deux demandes déposées devant le Tribunal administratif de Melun ; qu'elle relève appel du jugement en date du 13 juin 2016 par lequel cette juridiction les a rejetées ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements (...) / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 12 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. /A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) " ;
3. Considérant que, si Mme A...soutient que, par son ampleur, le contrôle effectué par l'administration doit être regardé comme manifestant l'engagement d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, il résulte de l'instruction que ce contrôle a porté uniquement sur le caractère déductible de certaines dépenses imputées par les contribuables sur leurs revenus fonciers, sur le bien-fondé d'une exonération d'heures supplémentaires qu'ils ont pratiquée et sur celui de la déduction de cotisations d'épargne retraite du revenu global des intéressés ; que le service n'a pas confronté les déclarations souscrites par les contribuables pour l'ensemble de leurs revenus avec leur situation patrimoniale, leur situation de trésorerie et leur train de vie ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les garanties de procédure applicables à l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle n'auraient pas été respectées ne peut être accueilli ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la prescription du délai de reprise :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts " ; et qu'aux termes de l'article L. 169 du même livre : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " ; que l'article L. 189 du même livre dispose : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) " ;
5. Considérant que Mme A...soutient qu'en ce qui concerne les impositions de l'année 2007, le délai de reprise était expiré dès lors qu'elle a reçu les avis d'imposition correspondants le 3 janvier 2014, postérieurement au délai de trois ans prévu par les dispositions précitées de l'article L. 169 ; que, cependant, il résulte des pièces produites en appel par le ministre que les époux ont reçu le 31 décembre 2010 la proposition de rectification du 29 décembre 2010, laquelle a interrompu le délai de prescription ; que si la requérante soutient que la signature manuscrite portée sur l'accusé de réception du pli recommandé contenant la proposition de rectification n'est pas la sienne, ni celle de son mari, elle ne fournit aucune précision sur l'identité de la personne signataire de l'accusé de réception et s'abstient d'indiquer la liste des personnes qui, même non expressément habilitées, auraient toutefois entretenu avec elle ou son mari des relations susceptibles de leur donner qualité pour réceptionner le pli ; que la proposition de rectification doit par suite être regardée comme ayant été régulièrement notifiée le 31 décembre 2010 ; que le délai de prescription expirait en conséquence le 31 décembre 2013, soit le jour même où les impositions en litige de l'année 2007 ont été mises en recouvrement ; que la circonstance que Mme A...a reçu l'avis d'imposition le 3 janvier 2014, soit après l'expiration du délai de reprise, est sans incidence sur la prescription, dès lors que la date de mise en recouvrement, qui est celle de l'homologation du rôle dont atteste l'avis d'imposition, lui est antérieure ;
En ce qui concerne les heures supplémentaires :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 81 quater du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige issue du I de l'article 1er de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat : " I.- Sont exonérés de l'impôt sur le revenu : / 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies au premier alinéa des articles L. 3121-11 du code du travail (...) " ; que cet article L. 3121-11 figure à la troisième partie du livre 1er du titre II du code du travail ; qu'aux termes de l'article L. 3111-2 du code du travail : " Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III. / Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement " ;
7. Considérant que les dispositions précitées de l'article 81 quater du code général des impôts réservent l'exonération de cotisations d'impôt sur le revenu aux heures supplémentaires de travail effectuées par des salariés dont la situation est régie par les dispositions du titre II du livre 1er de la troisième partie du code du travail relatives à la durée du travail et à la répartition et l'aménagement des horaires ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 3111-2 du code du travail que les cadres dirigeants, tels que définis par cet article, ne relèvent pas du régime précité ; qu'il résulte, ainsi, de la combinaison des articles 81 quater du code général des impôts et L. 3111-2 du code du travail que les cadres ayant la qualité de cadres dirigeants ne peuvent bénéficier de l'exonération de l'impôt sur le revenu pour les sommes versées au titre des heures supplémentaires de travail ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...était au cours des années en litige directrice générale de la SA " Les Plâtres modernes " ; que l'administration a remis en cause l'exonération qu'elle a pratiquée pour des heures supplémentaires effectuées par elle en 2007, 2008 et 2009, au motif qu'elle avait la qualité de cadre dirigeant, au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail ; que si la requérante soutient que sa qualité de mandataire social ne saurait suffire à exclure l'application des dispositions de l'article 81 quater du code général et qu'elle était également salariée de cette société, les pièces qu'elle verse au dossier, à savoir les procès-verbaux du conseil d'administration fixant le montant de ses rémunérations en qualité de salarié, ne permettent pas d'établir qu'elle n'a pas eu une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps et qu'elle n'était pas habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome ; qu'en outre, il est constant qu'elle percevait les rémunérations les plus élevées de la société ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a rejeté sa demande tendant à bénéficier de l'exonération prévue à l'article 81 quater du code général des impôts ;
En ce qui concerne les revenus fonciers :
S'agissant des dépenses d'entretien facturées par la société Senett et des dépenses d'électricité, de gaz et d'eau :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 29 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires et diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires. (...) Il n'est pas tenu compte des sommes versées par les locataires au titre des charges leur incombant. (...) " ; qu'aux termes des dispositions du a ter) du 1° du I de l'article 31 du même code : " Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent (...) Pour les propriétés urbaines (...) Le montant des dépenses supportées pour le compte du locataire par le propriétaire dont celui-ci n'a pu obtenir le remboursement, au 31 décembre de l'année du départ du locataire " ;
10. Considérant que l'administration a réintégré diverses dépenses d'eau, d'électricité, de gaz ou d'entretien courant, incombant en principe aux locataires mais supportées en l'espèce par M. et MmeA..., dans les revenus fonciers de ces derniers, au motif qu'il n'était pas établi qu'ils aient effectivement supporté ces dépenses ; que si Mme A... verse au dossier les contrats de location passés avec les différents locataires, ces documents qui, ou bien ne font pas référence à des charges, ou bien mentionnent une provision sur charges venant s'ajouter au loyer, ne constituent pas la preuve que M. et Mme A... auraient effectivement supporté ces dépenses locatives ; que si Mme A...produit également les factures établies à son nom ou à celui de son mari par les prestataires EDF, GDF, Saur et Senett, ces documents ne constituent pas davantage la preuve que les intéressés auraient eux-mêmes supporté ces dépenses, sans les répercuter sur leurs locataires ; que, dans ces conditions et à supposer, d'ailleurs, que M. et Mme A...n'aient effectué les déductions litigieuses qu'au titre de l'année de départ des locataires, c'est à bon droit que l'administration les a réintégrées dans leurs revenus fonciers ;
S'agissant des autres dépenses :
11. Considérant que s'agissant des factures établies les 29 avril 2007 et 21 décembre 2009, respectivement par les sociétés Chauffage 77 et Stelec, le ministre conteste que les travaux et prestations correspondants auraient été réalisés sur un immeuble donné en location par M. et MmeA... ; qu'il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne le lieu d'intervention, ces factures ne comportent qu'une mention manuscrite " Travaux côte de Jouarre ", sans qu'aucune des pièces du dossier permette d'établir qu'il s'agirait d'un immeuble appartenant aux époux, donné en location ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les dépenses en cause dans les revenus fonciers de M. et MmeA... ;
12. Considérant que s'agissant de la facture établie le 20 août 2007 par la société d'avocats Gavaudan-Perrault et du relevé de frais et d'honoraires établi le 8 avril 2009 par l'huissier Bardin, l'administration conteste que ces factures auraient été payées ; que la requérante ne fournit aucun justificatif de paiement ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a réintégré ces dépenses dans les revenus fonciers de M. et MmeA... ;
Sur les intérêts de retard :
13. Considérant que l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié, y compris pour la part excédant celui qui aurait résulté de l'application du taux d'intérêt légal ; que le moyen tiré de ce que le taux de 0,40 % par mois appliqué en l'espèce serait excessif doit dès lors être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 septembre 2017.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02844