Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1513682 du 10 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2016, M.A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1513682 du 10 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le cabinet ne pouvait communiquer à l'administration fiscale l'identité des clients invités lors de déjeuners, dès lors que cette information est couverte par le secret professionnel et n'est pas au nombre de celles qui peuvent être portées à la connaissance du service sur le fondement des dispositions de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales ;
- le Tribunal de grande instance de Paris a, par un jugement du 26 mars 2015, rejeté les demandes de levée du secret professionnel et de communication de l'identité des clients du cabinet présentée par sa concubine ;
- les frais de restaurant exposés par le cabinet au titre des années 2007, 2008 et 2009, et remis en cause par le service ne constituent pas des dépenses personnelles dont il aurait été le seul bénéficiaire ;
- c'est à tort que le service a considéré qu'il avait appréhendé la totalité des sommes correspondant aux dépenses de restaurant rejetées par le service alors que certaines de ces dépenses ont été exposées par son collaborateur en dehors de sa présence ; il est fondé à se prévaloir des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10-20 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code pénal ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant que la société " Cabinet Stéphane A...", société d'exercice libéral à responsabilité limitée, qui exerce l'activité d'avocat, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle le service a réintégré dans ses résultats des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, des frais de restauration, qu'elle avait portés en charges, au motif que ces dépenses n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de son activité, mais constituaient des dépenses personnelles de M. A..., non déductibles de ses résultats ; que le service a corrélativement considéré que les sommes correspondantes constituaient, en application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, des revenus distribués à M.A..., gérant et unique associé de la société, qu'il a imposés entre les mains de ce dernier, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que M. A... fait appel du jugement en date du 10 octobre 2016, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a en conséquence été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux premiers juges que le greffe du Tribunal administratif de Paris a communiqué à M.A..., le 25 février 2016, le mémoire en défense présenté le même jour par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris ; qu'aux termes de son mémoire en réplique, enregistré au greffe du tribunal le 24 mars 2016, M. A...a fait valoir qu'il manquait une page au mémoire de l'administration et que celui-ci était, dès lors, irrecevable ; que la page manquante, transmise au tribunal par l'administration, a été communiquée au requérant par le greffe le 1er septembre 2016 ; que cette page ne comportait pas d'éléments auxquels M. A...n'aurait pas été en mesure de répondre avant la date de la clôture de l'instruction fixée, en dernier lieu, au 8 septembre 2016 par une ordonnance du 1er septembre 2016 ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas disposé d'un délai raisonnable pour répondre aux nouveaux moyens contenus dans ce dernier mémoire ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense de l'administration devant les premiers juges :
3. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent, que M. A...n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le mémoire produit devant les premiers juges par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris serait incomplet et, par suite, irrecevable ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et, en particulier, des mentions de la proposition de rectification du 16 février 2011, que, si le service a, pour vérifier le caractère professionnel de certains frais de restaurant exposés par la société " Cabinet StéphaneA... ", demandé à celle-ci de lui transmettre le nom des personnes avec lesquelles M. A...avait déjeuné, la société a refusé de lui communiquer l'information sollicitée au motif qu'elle était couverte par le secret professionnel ; que, dans ces conditions, les impositions mises à la charge de M.A..., qui ne sont pas fondées sur des informations présentant un caractère secret, n'ont pas été établies au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : " La proposition de rectification (...) fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir (...) ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré(...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 16 février 2011, par laquelle le service a porté à la connaissance de M. A... les rectifications qu'il envisageait d'apporter aux revenus déclarés par l'intéressé au titre des années 2007, 2008 et 2009, a été notifiée au contribuable le 17 février suivant ; que celui-ci a présenté ses observations en réponse à la proposition de rectification le 19 avril 2011, soit postérieurement à l'expiration du délai de 30 jours mentionné à l'article R. 57-1 précité du livre des procédures fiscales et rappelé dans la proposition de rectification ; qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier qu'il aurait sollicité la prolongation de ce délai ; qu'il est, dès lors, réputé avoir tacitement accepté les rectifications qui lui ont été notifiées et supporte, ainsi, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du même livre, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions contestées ;
En ce qui concerne les dépenses de restaurant :
7. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 226-13 du code pénal : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende " ; qu'aux termes de l'article 226-14 du même code : " L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret (...) " ; qu'aux termes de l'article 66-5 de la loi susvisée du 31 décembre 1971, dans sa rédaction en vigueur : " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel (...)." ; et qu'aux termes de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes " ; que, bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en leur faveur, sauf disposition législative expresse, à la règle édictée à l'article 226-13 du code pénal ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales, éclairées par les débats parlementaires à l'issue desquels elles ont été adoptées, que le législateur a entendu délimiter strictement le champ des informations que l'administration fiscale est susceptible de demander aux personnes dépositaire du secret professionnel, qui ne peuvent porter ni sur l'identité des clients, ni sur la nature des prestations fournies ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de la comptabilité de la société " Cabinet StéphaneA... ", le vérificateur a constaté que la société avait comptabilisé en charges des frais de restaurant s'élevant à 12 693 euros en 2007, 14 135 euros en 2008, et 8 776 euros en 2009 ; qu'il a demandé à M. A...de lui communiquer le nom des personnes qui avaient été conviées aux repas correspondant à ces notes de frais ; que celui-ci a refusé de faire droit à la demande du service au motif que l'identité des clients du cabinet était couverte par le secret professionnel, en application des dispositions précitées de l'article 66-5 de la loi susvisée du 31 décembre 1971 ; que le service, relevant également que le nombre de repas supporté par le cabinet était disproportionné au regard du nombre de ses clients, a considéré, que les dépenses en cause n'avaient pas été exposées pour les besoins de l'activité de la société " Cabinet StéphaneA... " et les a rapportées aux résultats de ses exercices clos en 2007, 2008 et 2009 ; que, toutefois, ainsi que le fait valoir le requérant, les dispositions précitées de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales n'autorisaient pas l'administration, pour vérifier le caractère professionnel des dépenses prises en charge par le cabinet, à solliciter de M. A..., astreint en sa qualité d'avocat au secret professionnel, la communication d'informations relatives à l'identité de ses clients, lesquelles revêtent un caractère secret dont la révélation par la personne qui en est dépositaire est prohibée par les dispositions précitées des articles 226-13 du code pénal et 66-5 de la loi susvisée du 31 décembre 1971 ; que, par suite, c'est à tort que le service s'est fondé notamment sur le refus de la société de lui transmettre le nom de ses clients pour écarter les dépenses de restaurant en litige ;
10. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des mentions de la proposition de rectification du 16 février 2011, que le vérificateur a également constaté que le nombre de repas pris en charge par le cabinet était excessif au regard du nombre de clients dont la société disposait ; que le requérant n'établit pas que le nombre de repas ou de clients retenu par le service serait, ainsi qu'il l'allègue, erroné ; qu'en se bornant à faire valoir que les notes de frais qu'il a remises au service mentionnent toujours au moins deux repas, que ceux-ci ont été pris dans des établissements situés à proximité de son cabinet ou du Palais de justice et que les dépenses rejetées par le service ne sont pas excessives au regard du chiffre d'affaires réalisé, M.A..., qui n'a produit devant les premiers juges, à l'appui de ses allégations, que trois factures de restaurant, sur lesquelles ne figurent pas le nom du cabinet, des extraits du grand livre auxiliaire ou de la balance générale de la société et une lettre de son collaborateur, datée du 20 avril 2011, attestant, dans des termes généraux, que certains frais de restaurant, dont la liste est annexée, ont été engagés par lui " dans le cadre de repas professionnels ", n'apporte pas la preuve qui lui incombe que ces dépenses ont été effectuées dans l'intérêt de la société ; qu'il n'établit pas davantage, alors qu'il affirme également inviter certains de ses clients à déjeuner, que la totalité des frais de restaurant serait refacturée aux intéressés ; que, par suite, le service a pu légalement réintégrer le montant de ces dépenses aux résultats de la société " Cabinet StéphaneA... " des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a considéré que M.A..., qui était l'unique associé et le gérant de la société " Cabinet StéphaneA... ", était le maître de l'affaire ; que le contribuable, qui ne conteste pas avoir disposé seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, doit ainsi être présumé avoir appréhendé la totalité des distributions correspondant aux dépenses réintégrées dans les résultats de la société " Cabinet StéphaneA... " ; qu'en se bornant à produire l'attestation ci-dessus mentionnée du 20 avril 2011, M. A... n'établit pas que les frais de restaurant figurant sur cette liste, dont certains ne sont pas au nombre des dépenses rejetées par l'administration, auraient été engagés par son collaborateur et qu'il ne pourrait être ainsi regardé comme le bénéficiaire de la totalité des sommes distribuées par la société qu'il contrôle ;
12. Considérant que M. A...n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10-20 du 12 septembre 2012, qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal Parisien 1).
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2017.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16PA03719