Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Cerep Imprimerie Sàrl a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés, des contributions sociales et de la cotisation minimale de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008, ainsi que des majorations et intérêts de retard dont elles ont été assorties, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Cerep Imprimerie Sàrl a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, par une requête que le vice-président de cette juridiction a transmise au Tribunal administratif de Paris par une ordonnance du 8 septembre 2014, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, de prononcer la décharge de la retenue à la source qui lui a été appliquée au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement nos 1220429/1-1 et 1417575/1-1 du 25 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes, après les avoir jointes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juillet 2015 et 8 novembre 2016, la société Cerep Imprimerie Sàrl, représentée par Me D...et MeC..., avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1220429/1-1 et 1417575/1-1 du 25 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur le caractère opposable du rescrit du 19 juillet 2007 ainsi que sur le moyen relatif aux organismes de placement collectif immobilier ;
- ils n'ont pas respecté le principe du contradictoire, s'agissant de la réponse au moyen relatif à la régularité de la mise en demeure, en se prononçant au visa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales non invoqué en défense ;
- ils ont à tort relevé d'office le caractère inopposable de l'instruction 13 N-1-07 du 19 février 2007, sans en informer les parties en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- leur jugement est insuffisamment motivé ;
- la procédure de taxation d'office a été mise en oeuvre de manière irrégulière ;
- elle était en droit de bénéficier des garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire ;
- les pièces saisies lors de la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été soumises à un débat oral et contradictoire ;
- elle ne disposait pas en France d'un établissement stable ;
- les opérations qu'elle a réalisées ont un caractère civil, hors du champ d'application de l'impôt sur les sociétés ;
- à supposer qu'elle ait disposé en France d'un établissement stable, l'exercice de rattachement du bénéfice retenu par l'administration n'est pas le bon ;
- l'assiette retenue pour l'impôt sur les sociétés et les contributions sociales doit tenir compte de certaines charges, provisions et amortissements dont l'administration a refusé la déduction ;
- elle peut, pour faire échec à l'imposition, se prévaloir du paragraphe 18 de la doctrine administrative 4 A-221 du 9 mars 1981 ainsi que la documentation de base DB 8-D-13 ;
- la cotisation minimale de taxe professionnelle n'est pas due en l'absence de chiffre d'affaires imposable en France ;
- la retenue à la source résultant de l'application combinée des articles 115 quinquies et 119 bis du code général des impôts n'est pas applicable dès lors que le siège de direction effective est au Luxembourg ;
- la majoration pour activité occulte n'est pas applicable en l'absence en l'espèce d'une telle d'activité ;
- elle remplit les conditions posées par l'instruction 13 N-1-07 du 19 février 2007 pour bénéficier d'une décharge de cette majoration.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 octobre 2015 et 28 novembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est irrecevable dès lors qu'elle a été introduite postérieurement à l'expiration du délai d'appel et qu'aucun des moyens de la société requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la France et le Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2017 :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette,
- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public,
- et les observations de Me C...pour la société Cerep Imprimerie Sàrl.
1. Considérant que la société Cerep Imprimerie Sàrl, dont le siège est au Luxembourg, a été constituée dans le cadre de l'acquisition de l'immeuble dit de l'Imprimerie nationale situé au 27-29 rue de la Convention à Paris (75015) ; qu'elle a fait l'objet, du 20 novembre 2009 au 27 avril 2010, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration, estimant qu'elle disposait en France d'un établissement stable, lui a notifié, au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008, une cotisation d'impôt sur les sociétés, des contributions sociales et une cotisation minimale de taxe professionnelle ; que les droits mis à sa charge ont été assortis des intérêts de retard et de la majoration de 80 % pour activité occulte prévue au c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ; que l'administration lui a également appliqué la retenue à la source prévue par les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ; que la société Cerep Imprimerie Sàrl fait appel du jugement du 25 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois à l'étranger " ; qu'aux termes de l'article
R. 811-5 du même code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis (à l'étranger) " ; qu'en vertu de l'article R. 421-7 du même code, le délai supplémentaire de distance est de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger; qu'aux termes de l'article R. 431-1 de ce code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire. " ; qu'aux termes de l'article R. 751-3 de ce code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (... ) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué n'a été notifié que le 1er juillet 2015 au siège de la société requérante au Luxembourg ; qu'eu égard à la notification effectuée dans ce pays et par application des dispositions combinées des articles R. 811-2, R. 811-5 et R. 421-7 du code de justice administrative, elle disposait à raison du délai de distance, d'un délai expirant le 2 novembre 2015 pour faire appel ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie et des finances, sa requête enregistrée le 3 juillet 2015 est dès lors recevable ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
4. Considérant que l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'exercice en litige, antérieure à la loi de finances rectificatives pour 2009 du 30 décembre 2009, dispose : " I - Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45 (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 4 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg : " Les revenus des entreprises (...) commerciales (...) ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable " ; qu'aux termes du 3 de l'article 2 de la même convention : " 1) Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) Au nombre des établissements stables figurent notamment : (...) b) les succursales ; c) les bureaux ; (...) 7) Le fait qu'une société ayant son domicile fiscal dans l'un des Etats contractants contrôle une société (ou est contrôlée par une société) qui a son domicile fiscal dans l'autre Etat ou qui fait du commerce ou des affaires dans cet autre Etat (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l'une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l'autre. " ;
5. Considérant que la société Cerep Imprimerie Sàrl est devenue propriétaire de l'immeuble dit de l'Imprimerie nationale par l'effet d'un acte authentique de vente du 30 janvier 2006, réitérant la promesse synallagmatique de vente du 19 juin 2003, pour un prix de 103 000 000 d'euros ; qu'elle a fait procéder à d'importants travaux de reconstruction du bâtiment existant et a revendu celui-ci en l'état futur d'achèvement à l'Etat français, par un acte du 18 juin 2007, pour un prix de 325 000 000 d'euros hors taxes ; que, pour établir les impositions en cause, l'administration fiscale a estimé que la société, pour la réalisation de cette opération de promotion immobilière, qui consiste à réunir les moyens juridiques, financiers, techniques et humains nécessaires à la réalisation de projets immobiliers destinés ultérieurement à la vente, disposait, en France, en utilisant les personnels et les locaux de la société Créa France, d'un établissement stable au sens de l'article 4 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958 ; que la société Cerep Imprimerie Sàrl soutient que le service a ainsi inexactement apprécié sa situation au regard de cette convention ;
6. Considérant que la gérante de droit de la société Cerep Imprimerie Sàrl, la société Cerep Sarl, société luxembourgeoise, qui est détenue par un fonds d'investissement immobilier étranger, Cerep LP, réalise des investissements à travers toute l'Europe par le biais de filiales intégralement détenues par elle et dédiées à un unique investissement immobilier ; que la création de ces sociétés, qui ne disposent d'aucun personnel et qui ont recours aux ressources matérielles, humaines et financières de leur gérante, permet de cantonner les risques propres à chaque investissement immobilier et d'obtenir ainsi plus facilement des crédits bancaires ; que la société Cerep Sarl réunit régulièrement un conseil de gérance composé de trois membres, qui a notamment décidé le 6 mars 2003, au vu de l'étude préalable d'un comité d'investissement, d'approuver le projet visant à l'acquisition de l'immeuble dit de l'Imprimerie nationale par l'intermédiaire d'une filiale spécialisée ; que la société Cerep Imprimerie Sàrl a obtenu des financements par le biais des instruments de fonds propres et quasi-fonds propres créés hors de France grâce aux ressources des investisseurs du fonds Cerep LP, pour un montant total investi de 35 millions d'euros et 65 millions d'euros d'engagements de garantie envers les établissements bancaires, ce qui lui a permis d'obtenir un crédit bancaire de 132,5 millions d'euros pour l'acquisition de l'immeuble et la réalisation des travaux ; que la société Cerep Sarl, agissant en qualité de gérante de la société Cerep Imprimerie Sàrl, a approuvé la convention de crédit après avoir participé à sa négociation, notamment par l'intermédiaire de M.B..., qui n'exerce son activité qu'à l'étranger ; que, pour réaliser cette opération immobilière, la société Cerep Imprimerie Sàrl a également conclu un contrat de prestation de services avec la Sarl Créa France, qui exerce une activité de conseil pour les affaires et la gestion ; que cette société, qui ne dispose d'aucun moyen financier de nature à permettre la réalisation d'une opération de l'ampleur de celle à l'origine du litige, a eu pour mission d'identifier un investissement potentiel, de négocier et de préparer l'acquisition de l'immeuble, d'organiser, de gérer et de suivre les travaux puis de commercialiser le bien immobilier reconstruit, mission pour laquelle elle a été rémunérée dans le cadre du contrat conclu avec la société requérante ; qu'il n'est pas établi que les prestations effectuées par la société Créa France auraient excédé les termes de ce contrat ; que le personnel salarié de la société Cerep Sarl, dont le conseil de gérance s'est prononcé à chaque étape de l'opération, a effectué certaines des opérations permettant la réalisation de cet investissement par la société requérante, dans le cadre d'un contrat de services conclu le 1er juillet 2004 ; que la société Cerep Sarl, agissant en qualité de gérante de la Société Cerep Imprimerie Sàrl, a également approuvé le contrat de vente du bien immobilier à l'Etat français et a participé à sa négociation, comme le révèle une lettre de M. A...du 29 décembre 2006 ; que le rassemblement de capitaux hors de France auprès de divers investisseurs, accompagné d'une importante prise de risque, essentiel pour la conception et la réalisation de l'opération, résulte de l'activité de la société requérante ; qu'ainsi la société Cerep Imprimerie Sàrl a réellement exercé une activité de promoteur immobilier depuis son siège au Luxembourg, et a en particulier pris les décisions relatives à l'acquisition de l'immeuble et à son financement, surveillé la mise en valeur de l'actif en sa qualité de maître de l'ouvrage, dont la plupart des prérogatives ont été attribuées à un maître de l'ouvrage délégué, la société Artequation, conservé l'entier contrôle du financement des opérations de construction et décidé de la cession de l'immeuble reconstruit ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la Société Cerep Imprimerie Sàrl ait disposé en France, dans les locaux de la société Créa France, d'un établissement stable, au sens de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg et d'ailleurs du droit interne, distinct de cette société et auquel seraient imputables des activités différentes de celles ayant été confiées à titre onéreux à des agents économiques indépendants ou ayant été exécutées par le siège luxembourgeois de la société ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que les stipulations précitées de la convention fiscale faisaient obstacle à l'imposition en France des bénéfices dégagés par l'opération de promotion immobilière à l'origine du litige ; qu'à défaut d'avoir réalisé un bénéfice en France, elle ne peut pas davantage être redevable de la retenue à la source prévue par le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée " ; qu'aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. - La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5% de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies " ; qu'aux termes du II de l'article 1647 B sexies : " La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers (...) " ;
8. Considérant que la société Cerep Imprimerie Sàrl, qui ne peut faute d'établissement stable en France être regardée comme y ayant exercé à titre habituel une activité non salariée, n'entre pas dans le champ d'application de la taxe professionnelle et ne peut dès lors être assujettie à la cotisation prévue par les dispositions précitées de l'article 1647 E du code général des impôts ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la société Cerep Imprimerie Sàrl est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés, des contributions sociales, de la cotisation minimale de taxe professionnelle et de la retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008, ainsi que des majorations et intérêts de retard correspondants ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société Cerep Imprimerie Sàrl et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement nos 1220429/1-1 et 1417575/1-1 du 25 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La société Cerep Imprimerie Sàrl est déchargée de la cotisation d'impôt sur les sociétés, des contributions sociales, de la cotisation minimale de taxe professionnelle et de la retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008, ainsi que des majorations et intérêts de retard correspondants.
Article 3 : L'Etat versera à la société Cerep Imprimerie Sàrl une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cerep Imprimerie Sàrl et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux ouest).
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2017 à laquelle siégeaient :
M Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 14 décembre 2017.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02628