Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a accordé à son employeur, la société DECORAMA, l'autorisation de le licencier.
Par un jugement n° 1507977 du 16 décembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 17 août 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire de régularisation, enregistrés respectivement le 24 janvier 2017 et le 15 février 2017, la société DECORAMA, représentée par la SCP Joseph Aguera et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1507977 du 16 décembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F...devant le Tribunal administratif de Melun ;
3°) de laisser les dépens à la charge de l'Etat.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'a statué que sur l'un des moyens de la requête, entachant ainsi le jugement attaqué d'irrégularité ;
- les manquements reprochés à M.F..., qui ne se limitent pas aux seuls deux manquements évoqués dans le jugement attaqué, sont constitutifs d'une faute grave et non d'une insuffisance professionnelle ;
- contrairement à ce qu'a estimé le jugement attaqué, les fautes commises par M.F..., dont la matérialité est établie et qui ne sont pas imputables à des tiers, consistant en une mauvaise qualité des prestations qui ont suscité le mécontentement des clients de la société, qui ont évoqué une éventuelle rupture de la relation contractuelle, et en de multiples retards et absences, sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- il n'existe aucun lien entre le mandat et la demande d'autorisation de licenciement ;
- aucun motif d'intérêt général ne s'oppose au licenciement sollicité ;
- les moyens soulevés par M. F...en première instance (incompétence de l'auteur de la décision attaquée, impossibilité de retirer la décision implicite de rejet du recours hiérarchique) doivent être écartés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2017, M. F... représenté par
MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de la société DECORAMA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société DECORAMA ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Une mise en demeure a été adressée le 24 juillet 2017 à la ministre du travail en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Une ordonnance de clôture d'instruction a été prise le 14 novembre 2017 pour une clôture le 1er décembre à 12 heures 00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le décret n° 2005-850 modifié du 27 juillet 2005,
- le décret du 20 mars 2014 nommant M. B...H...directeur général du travail,
- la décision du directeur général du travail du 24 mars 2014 portant délégation de signature,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- et les observations de Me Vivien, avocat de la société DECORAMA.
Considérant ce qui suit :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. F... exerçait les fonctions de " logisticien pavoisement " depuis octobre 2008 au sein de la société DECORAMA ; il bénéficiait du mandat de délégué du personnel titulaire. La société DECORAMA a saisi l'inspecteur du travail le 29 octobre 2014 d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute. Par une décision du 12 décembre 2014, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation sollicitée. Saisie d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, par une décision du 17 août 2015, a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspection du travail et a accordé l'autorisation de licenciement sollicitée. Par le jugement contesté du 16 décembre 2016 dont l'annulation est demandée, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision susmentionnée du 17 août 2015.
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 17 août 2015 retient deux griefs à l'encontre de M. F... présentant, par la réitération des faits reprochés et la nature de l'activité de la société, un degré de gravité suffisante pour justifier le licenciement du salarié : différents manquements du salarié à ses obligations professionnelles et une absence injustifiée le 21 août 2014. S'agissant du premier grief, il ressort des pièces du dossier que les drapeaux prévus pour le pavoisement du Centre de conférence ministériel du ministère des Affaires étrangères lors du sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique qui s'est tenu du 5 au 7 décembre 2013 ont été livrés tardivement et que certains drapeaux (France, Maroc, Guinée équatoriale, Malawi, Sierra Léone, Croatie, Djibouti) étaient de mauvaise qualité, voire absents. Si M. F..., qui ne conteste pas qu'il y a eu un retard dans la livraison de ces drapeaux, fait valoir que le fournisseur avait pris du retard au regard du délai de fabrication et de mise à disposition des drapeaux, qu'il a dû, lors de leur réception, les vérifier un à un, qu'il a alors constaté que leurs fourreaux avaient été mal conçus parce que d'un diamètre trop petit pour les hampes qui devaient les équiper, qu'il a signalé ce problème à sa hiérarchie, et qu'il a été décidé de les renvoyer chez le fournisseur afin qu'il soit remédié à cette erreur, qu'il a assisté le fournisseur, responsable de la faute, en décousant un à un les fourreaux pour les recoudre au bon diamètre pendant toute une nuit afin d'assurer la livraison des drapeaux, il n'établit par aucun élément de preuve ses allégations concernant la faute du tiers et l'information de sa hiérarchie. En outre, s'agissant du grief concernant la visite d'Etat du président de la République populaire de Chine du 25 au 28 mars 2014, il ressort des pièces du dossier que les dimensions erronées des drapeaux livrés pour le pavoisement de l'Hôtel des Invalides a eu pour conséquence l'absence de pavoisement de cet édifice, et que l'indication du diamètre des hampes des drapeaux livrés à la préfecture du Rhône était erronée. Si M. F..., qui ne conteste pas les faits reprochés, fait valoir qu'il s'agissait d'une commande supplémentaire parvenue tardivement, que des drapeaux à ces dimensions n'étaient pas présents dans les stocks de la société, que le délai était très court pour qu'ils puissent être fabriqués dans les temps, qu'il s'est néanmoins rendu chez le fournisseur pour tenter de remédier au problème mais que les stocks de ce dernier ne possédaient pas de tels drapeaux et que, dans l'urgence, il a pris les drapeaux disponibles qui se rapprochaient le plus de la côte commandée, il n'établit par aucun élément de preuve ses allégations. Enfin, des drapeaux ayant dû être prêtés par le ministère des Affaires étrangères à la société DECORAMA pour remplacer certains de ses propres drapeaux manquants ou défectueux afin que puisse être correctement assuré le pavoisement du Centre de conférence ministériel du ministère des Affaires étrangères lors du sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique (5 au 7 décembre 2013), ces drapeaux ont été, par mégarde, récupérés après le sommet par M. F... et, malgré de nombreuses relances qui lui ont été adressées, ne les a pas restitués. Ces faits, dont la matérialité est établie, doivent être regardés, eu égard aux circonstances que le ministère des Affaires étrangères est l'un des principaux clients de la société DECORAMA, qu'il a explicitement fait savoir à celle-ci, notamment par un courrier électronique du 6 juin 2014 et un courrier avec accusé de réception du 26 septembre 2014 d'un sous-directeur du service du protocole, que les manquements constatés pourraient avoir pour conséquence la mise en oeuvre des pénalités prévues contractuellement et la fin du contrat, que M. F... était responsable du pavoisement dans la société depuis 2008 et avait bénéficié jusqu'alors d'appréciations très positives et que ces manquements ont été réitérés, alors qu'au surplus plusieurs avertissements avaient été adressés à l'intéressé, et qu'enfin un accompagnement avait été proposé par sa hiérarchie à M. F... afin de l'aider à mieux s'organiser, non comme relevant d'une insuffisance professionnelle, comme l'ont estimé à tort les premiers juges, mais comme une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement du salarié. Par suite, le jugement attaqué du 16 décembre 2016 du Tribunal administratif de Melun doit être annulé.
4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le Tribunal administratif de Melun.
5. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005 publié au Journal officiel n° 174 du 28 juillet 2005, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2013-810 du 9 septembre 2013 publié au Journal officiel n° 0212 du 12 septembre 2013 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale, (...) que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ; ". M. B...H...a été nommé, par le décret susvisé du 20 mars 2014, publié au Journal officiel n° 0068 du 21 mars 2014, directeur général du travail. Aux termes de l'article 7 de la décision susvisée du directeur général du travail du 24 mars 2014 portant délégation de signature, publiée au Journal officiel n° 0074 du 28 mars 2014 : " Délégation est donnée à M. D...A..., directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique, à l'effet de signer, dans la limite des attributions du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets. ". Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que M. D... A..., signataire par délégation de la décision attaquée, n'aurait pas été compétent pour ce faire doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. (...) ". Il résulte de ce texte que la décision de l'inspecteur du travail accordant ou refusant l'autorisation de licencier un salarié protégé est soumise au contrôle hiérarchique dans les conditions du droit commun. Dans le cas où l'inspecteur a refusé l'autorisation de licenciement, la décision ainsi prise, qui a créé des droits au profit du salarié intéressé, ne peut être annulée ou réformée par le ministre compétent que pour des motifs de légalité, compte tenu des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s'est prononcé l'inspecteur du travail.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que la décision du 12 décembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement sollicitée était entachée d'illégalité. Par suite, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a pu légalement la retirer par sa décision contestée du 17 août 2015.
8. En troisième lieu, comme il a été dit ci-dessus, les fautes reprochées à M. F..., dont la matérialité est établie, étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance ; dès lors, les conclusions présentées à ce titre par M. F...doivent être rejetées.
10. La société DECORAMA s'étend bornée, dans ses conclusions, à demander de " laisser les dépens à la charge de l'Etat ", sans les chiffrer et sans demander explicitement à ce que soit mis à la charge de M. F...le paiement des frais liés à l'instance sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1507977 du 16 décembre 2016 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. F...devant le Tribunal administratif de Melun ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société DECORAMA, tendant à ce que les dépens soient laissés à la charge de l'Etat, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société DECORAMA, à M. G... F... et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- MmeE..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2017.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADELa greffière,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00341