Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Charles Ben's a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012.
Par un jugement n° 1515293 du 21 novembre 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 janvier et 28 novembre 2017, la SARL Charles Ben's, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Charles Ben's soutient que :
- l'abandon de créance que la société Diseval lui a accordé, pour un montant équivalent à celui des redevances de location-gérance qui n'ont pas été payées au titre de l'année 2010, n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dès lors qu'il est sans lien direct avec une prestation de services individualisable ;
- " dès lors que le paiement est constaté par compensation entre l'abandon de créance et la dette, l'administration ne peut pas utilement taxer l'abandon sans admettre que la TVA sur les redevances est déductible ou sans constater l'absence d'exigibilité et, dans ce cas, admettre qu'il n'y a ni TVA collectée, ni TVA déductible ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens invoqués par la SARL Charles Ben's ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Charles Ben's, qui exploite, depuis 1995, un supermarché de type supérette, a fait l'objet, au cours de l'année 2014, d'un contrôle sur pièces portant sur la période allant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012 ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, le service lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant total, en droits et pénalités, de 63 507 euros qui ont été mis en recouvrement le 31 mars 2015 ; que la réclamation présentée le 2 juin 2015 par la SARL Charles Ben's a été rejetée le 15 juillet suivant ; que la SARL Charles Ben's relève appel du jugement du 21 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 266 du même code : " 1. la base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions prises pour l'adaptation de la législation à l'article 2 et aux articles 73, 74, 75 et 77 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, tels que la Cour de justice de l'Union européenne les a interprétées, que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes dont le versement est en lien direct avec des prestations individualisées en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent ;
3. Considérant que, par un courrier du 7 juillet 2009, la SARL Diseval, qui est le propriétaire du fonds de commerce alors exploité par la SARL Charles Ben's en vertu d'un contrat de location-gérance, a pris acte que cette dernière société était dans l'incapacité d'honorer le règlement de sa dette contractuelle, constituée par des redevances de location gérance, pour un montant évalué à 360 000 euros, et a admis le " principe " de lui accorder un abandon de cette créance à la condition que la SARL Charles Ben's " poursuive son activité de supermarché au moins jusqu'au 30 avril 2010 " et qu'elle veille à " maintenir un achalandage normal et continu en vue de préserver la fidélité de la clientèle du magasin " ; que, par le même courrier, elle a indiqué que cet abandon de créance sera ferme et définitif après que la SARL Charles Ben's aura expressément présenté une demande en ce sens postérieurement au 30 septembre 2011 sans, toutefois, que le " montant de l'abandon de créance ne puisse excéder le montant du solde du compte client au 30 septembre 2010 et (...) dans la limite du solde au 30 septembre 2009 " et sans que cela fasse obstacle, le cas échéant, au recouvrement de ladite créance " dans le cadre d'un retour à meilleure fortune " ; qu'il n'est pas contesté que la SARL Charles Ben's a accepté les termes de ce courrier du 7 juillet 2009 ;
4. Considérant que, compte tenu de l'accord de volontés résultant de l'exécution de ce courrier du 7 juillet 2009, la SARL Charles Ben's doit être regardée comme ayant effectué, en contrepartie d'un abandon de créance dont les modalités ont été clairement définies, des prestations de services individualisées au bénéfice de la SARL Diseval qui étaient destinées à préserver la valeur du fonds de commerce du supermarché en cause ; que l'abandon de créance ainsi consenti doit dès lors être regardé comme étant en lien direct avec les avantages immédiats que la SARL Diseval pouvait retirer de l'activité exercée par la SARL Charles Ben's ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la somme représentative de cet abandon de créance ne serait pas en rapport avec le niveau des avantages procurés à la SARL Diseval ; que, par suite, l'administration est fondée à soutenir que la somme représentative de l'abandon de créance constituait, pour la SARL Charles Ben's, un produit exceptionnel soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;
5. Considérant, en second lieu, que la société requérante, en se prévalant des dispositions du c) du 2. de l'article 269 du code général des impôts, fait valoir que, " dès lors que le paiement est constaté par compensation entre l'abandon de créance et la dette, l'administration ne peut pas utilement taxer l'abandon sans admettre que la TVA sur les redevances est déductible ou sans constater l'absence d'exigibilité et dans ce cas, admettre qu'il n'y a ni TVA collectée, ni TVA déductible " ;
6. Considérant que la circonstance que l'administration a refusé de déduire la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux redevances de location-gérance qui n'ont pas été réglées par la SARL Charles Bens's reste sans incidence sur l'assujettissement à cette taxe de la prestation de services identifiée au point 4 ; que, dès lors, et en tout état de cause, le moyen invoqué par la société requérante doit être écarté ;
7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ; que ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la SARL Charles Ben's au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Charles Ben's est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Charles Ben's et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Ile-de-France Est.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Heers, président de chambre,
M. Auvray, président assesseur,
M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 décembre 2017.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA00289 2