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21/03/2018 | FRANCE | N°16PA01288

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 mars 2018, 16PA01288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Collectif interassociatif sur la santé a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 8 juillet 2014 en ce qu'il accorde l'agrément des associations et unions d'associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique prévu à l'article L. 1114-1 du code de la santé publique à l'association INDECOSA-CGT.

Par un jugement n°1418676 du 16 février 2016, le tribunal administratif

de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Collectif interassociatif sur la santé a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 8 juillet 2014 en ce qu'il accorde l'agrément des associations et unions d'associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique prévu à l'article L. 1114-1 du code de la santé publique à l'association INDECOSA-CGT.

Par un jugement n°1418676 du 16 février 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2016 et un mémoire enregistré le 18 décembre 2017, l'association Collectif interassociatif sur la santé, désormais appelée Union nationale des associations agréées du système de santé (UNAASS), représentée par Me C...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 8 juillet 2014 portant agrément et renouvellement d'agrément des associations et unions d'associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique en ce qu'il accorde l'agrément à l'association INDECOSA-CGT ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- le tribunal, qui n'a pas répondu à l'ensemble de ses moyens et conclusions, a dénaturé le dossier ;

- l'association ne pouvait pas former de recours gracieux devant le président de la commission qui se borne à rendre un avis conforme, alors que seul le ministre a un pouvoir décisionnaire ;

- le président de la commission ne pouvait saisir cette instance d'une nouvelle demande dès lors qu'une décision implicite de rejet était acquise le 7 mai 2014 ;

- les actions de INDECOSA-CGT dans le domaine de l'information des patients et de la formation sont insuffisantes ;

- le lien organique entre l'association et la CGT fait obstacle à son indépendance ;

- INDECOSA-CGT ne satisfait pas aux critères de représentativité tels qu'ils sont notamment précisés par la circulaire du 10 mars 2006 ;

- elle défend les intérêts des consommateurs affiliés à la CGT et non ceux des personnes malades et des usagers du système de santé.

Par un mémoire enregistré le 7 mars 2017, le ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 décembre 2017.

La cour a pris connaissance du mémoire enregistré le 28 février 2018, présenté pour l'association INDECOSA-CGT, reçu après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'UNAASS, et les observations de MeB..., représentant l'association INDECOSA-CGT.

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes et du dispositif du jugement, que le tribunal administratif de Paris a expressément répondu aux moyens soulevés devant lui et aux conclusions qui lui étaient soumises ; qu'il n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties ; que le jugement est suffisamment motivé ; que si l'Union nationale des associations agréées du système de santé fait grief aux premiers juges d'avoir dénaturé les éléments du dossier, cette critique porte sur le bien-fondé du jugement et non sur sa régularité ;

Sur le bien-fondé :

En ce qui concerne la procédure :

2. Considérant par ailleurs qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, ne faisait obstacle à ce que l'association INDECOSA-CGT présente le 7 mai 2014 une demande après que la commission avait rendu le 28 février 2014 un avis défavorable sur sa demande initiale, et à ce que la commission réexamine le dossier à la lumière des éléments complémentaires fournis ; qu'à supposer qu'une décision implicite de rejet soit née deux mois après le premier avis défavorable de la commission, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le ministre délivre en définitive le 8 juillet 2014 l'agrément sollicité au vu de l'avis conforme émis par la commission le 20 juin 2014 ; qu'en tout état de cause, l'Union nationale des associations agréées du système de santé n'est pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance de la circulaire du 10 mars 2006 qui est dépourvue de caractère réglementaire ; qu'ainsi, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure, qui ont été au demeurant et pour le surplus tardivement soulevés en appel, doivent être écartés ;

En ce qui concerne l'appréciation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique : " Les associations, régulièrement déclarées, ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades peuvent faire l'objet d'un agrément par l'autorité administrative compétente soit au niveau régional, soit au niveau national. L'agrément est prononcé sur avis conforme d'une commission nationale qui comprend des représentants de l'Etat, dont un membre du Conseil d'Etat et un membre de la Cour de cassation en activité ou honoraire, des représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat et des personnalités qualifiées en raison de leur compétence ou de leur expérience dans le domaine associatif. L'agrément est notamment subordonné à l'activité effective et publique de l'association en vue de la défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé ainsi qu'aux actions de formation et d'information qu'elle conduit, à la transparence de sa gestion, à sa représentativité et à son indépendance. Les conditions d'agrément et du retrait de l'agrément ainsi que la composition et le fonctionnement de la commission nationale sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. / Seules les associations agréées représentent les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique... " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 1114-1 du même code : " Les associations mentionnées à l'article L. 1114-1 peuvent être agréées si elles justifient, pour les trois années précédant la demande d'agrément, de l'exercice d'une activité effective et publique en vue de la défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé ainsi que d'un fonctionnement conforme à leurs statuts. / L'activité effective et publique de l'association est notamment appréciée au regard des actions qu'elle conduit : 1° En faveur de la promotion des droits des personnes malades et des usagers du système de santé auprès des pouvoirs publics et au sein du système de santé ; 2° Pour la participation des personnes malades et des usagers à l'élaboration des politiques de santé et pour leur représentation dans les instances hospitalières ou de santé publique ; 3° En matière de prévention, d'aide et de soutien en faveur des personnes malades et des usagers du système de santé (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des dispositions précitées des articles L. 1114-1 et

R. 1114-1 du code de la santé publique que l'agrément n'a pas été institué au seul bénéfice des associations qui ont pour objet la défense des droits et la prise en charge des malades mais qu'il peut être accordé à des associations dont l'objet statutaire est plus large et la vocation plus générale à la condition qu'elles aient une activité dans le domaine de la qualité de la santé en vue de la défense des droits des usagers du système ; qu'il en résulte que l'Union nationale des associations agréées du système de santé ne saurait tirer argument de ce que les statuts de l'association Indecosa-CGT qui se réfèrent à des objectifs plus généraux d'information et de défense des droits de ses membres en matière de consommation, de logement, d'environnement, de cadre de vie et de la famille, ne font pas état d'une action spécifique dans le domaine de la santé ; qu'au demeurant, il ressort des statuts de l'association requérante qu'elle même regroupe non seulement des associations de malades mais également des associations généralistes qui ont pour objet la défense des familles, des personnes âgées et des retraités, et des associations de consommateurs, dont il n'est pas établi que la défense des usagers de la santé soit au coeur de l'action ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de sa mission d'information et de défense des consommateurs et des familles, l'association INDECOSA-CGT a publié régulièrement depuis 2011 dans son magazine à large diffusion des articles relatifs aux problèmes du système de santé, aux conceptions qu'elle défend et aux améliorations qu'elle souhaite ; qu'elle a en particulier consacré des dossiers aux médicaments génériques, au Médiator et au système hospitalier ; que le caractère généraliste de cette information correspond à la vocation de l'association qui s'adresse à un large public d'usagers et de consommateurs, ainsi qu'à leur famille, et non à un public restreint de personnes affectées par une maladie particulière à la recherche d'analyses plus spécifiques ; qu'ainsi, l'association INDECOSA-CGT justifie d'une activité effective et publique dans le domaine de la santé pour les trois années précédant sa demande du 14 janvier 2014 ;

7. Considérant d'une part qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique dans sa version applicable : " Les représentants des usagers dans les instances mentionnées ci-dessus ont droit à une formation leur facilitant l'exercice de ce mandat " ; que d'autre part, aux termes de l'article R. 1114-2 du code de la santé publique : " Les actions de formation mentionnées à l'article L. 1114-1 sont notamment celles que l'association conduit à l'égard de ses membres. Elles sont appréciées au regard de leur nature, de leur nombre, de leur fréquence et des moyens qui y sont consacrés. / Les actions d'information mentionnées au même article sont appréciées en tenant compte notamment de la réalisation et de la diffusion de publications ainsi que de la tenue de réunions d'information et de permanences. / Dans le cas des unions d'associations, il est tenu compte des actions de formation et d'information conduites par les associations qui les composent. " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association INDECOSA-CGT avait organisé, à la date de la décision attaquée, plusieurs journées d'études portant sur le thème du système de santé et de la protection sociale et avait publié des dossiers d'analyse sur la santé et les médicaments ; qu'il ne saurait être fait grief à cette association de ne pas avoir assuré à ses représentants une formation spécifique alors qu'elle n'était pas encore agréée et qu'elle n'avait donc pas vocation à être représentée dans les instances du système de la santé publique ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 1114-3 du code de la santé publique : " La représentativité de l'association est attestée par un nombre suffisant de membres cotisant individuellement, eu égard au public auquel s'adresse l'association et au cadre territorial de ses activités. A défaut, l'association est regardée comme représentative si elle justifie d'une large audience auprès des personnes qu'elle entend représenter ou défendre. (...) " ;

10. Considérant que l'association INDECOSA-CGT réunit d'une part les adhérents à ce syndicat, de l'ordre de 600 000 personnes à moins qu'ils aient choisi de ne pas en faire partie, d'autre part des personnes qui n'adhérent pas au syndicat et qui ont choisi de devenir membres de l'association, dont le nombre serait de 16 000 ; qu'il n'est pas contesté que ses publications et ses actions ont une large audience ; qu'elle satisfait donc au critère de représentativité défini par les dispositions précitées ;

11. Considérant enfin qu'aux termes de l'article R. 1114-4 du code de la santé

publique : " Les statuts, financements et conditions d'organisation et de fonctionnement de l'association ne doivent pas être de nature à limiter son indépendance. En particulier, l'indépendance de l'association doit être garantie à l'égard des professionnels de santé, établissements de santé, services de santé et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi que des producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé. " ;

12. Considérant que l'exigence d'indépendance prévue par les articles L. 1114-1 et

R. 1114-4 du code de la santé publique doit être appréciée au regard de la mission de prise en charge des malades et de défense des droits des usagers du système de santé dont sont investies les associations agréées, et de la participation de leurs délégués aux instances représentatives du système de santé ; qu'il n'est pas sérieusement soutenu que l'indépendance de l'association ne serait pas garantie à l'égard des professionnels de santé, établissements de santé, services de santé et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi que des producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé ; que les liens organiques et humains de l'association INDICOSA-CGT avec la Confédération générale du travail, qui est à l'origine de sa création, et la concordance fréquente des positions que défendent le syndicat et l'association ne sont pas en eux-mêmes de nature à compromettre, par insuffisance d'indépendance, l'objectif de défense des droits des malades et des usagers du système de santé ; qu'il n'est pas établi que la demande d'agrément de l'association INDICOSA-CGT tend à renforcer la position du syndicat des personnels hospitaliers CGT dans les instances représentatives des établissements et non à la défense des droits des usagers ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en estimant que l'association INDICOSA-CGT satisfaisait aux conditions prévues par l'article L. 1114-1 du code de la santé publique, le ministre chargé de la santé n'a pas entaché son appréciation d'erreur ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête et notamment de l'intérêt à agir de la requérante, que l'Union nationale des associations agréées du système de santé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que sa requête doit dès lors être rejetée, y compris, par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Union nationale des associations agréées du système de santé est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union nationale des associations agréées du système de santé (UNAASS), au ministre des solidarités et de la santé et à l'association pour l'information et la défense des consommateurs salariés (INDECOSA-CGT).

Délibéré après l'audience du 6 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 mars 2018.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 16PA01288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01288
Date de la décision : 21/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : FELISSI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-21;16pa01288 ?
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