Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 2 mai 2017 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n° 1709474 en date du 10 novembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2017, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1709474 du 10 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mai 2017 du préfet de police ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, les premiers juges ayant omis de statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
- la décision de refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- il n'a pas saisi la commission du titre de séjour en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il justifie résider en France depuis plus de 10 ans ;
- il est fondé à se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 28 novembre 2012 ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le titre de séjour qu'il sollicitait et en rejetant son recours gracieux ;
- ces décisions ainsi que la mesure d'éloignement ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 13 mars 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poupineau a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant malien, qui a déclaré être entré en France au cours de l'année 2001, a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de la durée de sa présence sur le territoire français ; que, par un arrêté en date du 2 mai 2017, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ; que, par un courrier en date du 6 juillet 2007, M. B...a vainement sollicité le retrait de cet arrêté ; qu'il fait appel du jugement en date du 10 novembre 2017, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2017 du préfet de police et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que M. B...avait demandé au tribunal administratif, dans un mémoire enregistré le 14 septembre 2017, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police avait rejeté son recours gracieux ; que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement en date du 10 novembre 2017 en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions ;
3. Considérant qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 2 mai 2017 ;
Sur la légalité de la décision rejetant le recours gracieux de M.B... :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
5. Considérant, d'une part, que, pour établir sa résidence habituelle en France depuis l'année 2007, M. B...a présenté, au titre de chacune des dix années concernées, de nombreux documents dont le préfet a, dans son mémoire en défense, expressément remis en cause le caractère suffisant ou probant pour les années 2007, 2009, 2015 et 2016 ; que le requérant a produit, en ce qui concerne l'année 2015, une déclaration des revenus de l'année 2015 ainsi que l'avis d'imposition correspondant, mentionnant de faibles revenus, des relevés des comptes bancaires dont il est titulaire au Crédit Agricole et à la Poste qui ne font apparaître aucun mouvement, des lettres de ces établissements et de la Régie autonome des transports parisiens du 4 septembre 2015, qui n'impliquent pas la présence de M. B... en France durant cette période, une lettre du 8 avril 2015 de la caisse primaire d'assurance maladie, un relevé de situation de la CNAV du 28 août ainsi que des documents médicaux des 12 février et 16 juin, qui mentionnent des numéros de sécurité sociale différents de celui porté sur d'autres pièces versées au dossier ; que pour l'année 2016, il a produit un avis d'imposition mentionnant de faibles revenus, des relevés bancaires ne faisant apparaitre aucun mouvement, une lettre de la préfecture de police datée du 24 novembre 2016 ainsi qu'une lettre du 28 septembre 2016 du ministère du logement, un courrier de la mairie de Paris du 17 octobre relatif à une demande de logement, une lettre de l'hôpital Saint-Louis du 25 janvier et un bon de commande de l'opérateur Free daté du 23 septembre ; que ces pièces ne permettent pas de justifier du caractère effectif de la présence de M. B...sur le territoire français au cours des années 2015 et 2016 ; que, par suite, le requérant n'établit pas qu'à la date de l'arrêté contesté, il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ;
6. Considérant, d'autre part, qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
7. Considérant que M. B...soutient qu'il est présent de façon ininterrompue sur le territoire français depuis plus de dix ans, qu'il a travaillé, dans le cadre de missions temporaires, comme ouvrier du bâtiment en 2009 et 2010 puis de 2012 à 2014, qu'il maîtrise la langue française et est bien intégré à la société, et que son oncle, plusieurs de ses cousins, ainsi que ses demi-frères et soeurs résident régulièrement en France ; que ces circonstances ne peuvent toutefois être regardées en elles-mêmes comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant qu'il soit délivré à M. B...un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 précité ; qu'ainsi, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions, rejeter la demande de titre de séjour de M.B... ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision du préfet de police rejetant son recours gracieux doivent être rejetées ;
Sur la légalité de l'arrêté du 2 mai 2017 du préfet de police :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
9. Considérant, en premier lieu, que les moyens soulevés par M. B...tirés de ce que le préfet de police aurait, d'une part, dû saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande et d'autre part, commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus aux points 5, 6 et 7 ;
10. Considérant, en second lieu, que M. B...se borne à reprendre en appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens qu'il avait développés en première instance tirés de ce que la décision de refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée, qu'elle a été prise sans examen préalable de sa situation, en méconnaissance des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait également ces stipulations et que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; qu'il y a lieu d'écarter les moyens ainsi soulevés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 2 mai 2017 ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction tout comme celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1709474 en date du 10 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de police rejetant son recours gracieux.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B...présentées devant le Tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de police rejetant son recours gracieux et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 juin 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. RENÉ MINE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03780